La voilà donc, cette grand-mère de son fiancé, qui a joué un rôle si important pour lui. Une petite femme aux cheveux blancs, ondulés, coupés courts, qui a dû être très jolie. Le salut est chaleureux, mais la jeune fille est intimidée. Sa grand-mère à elle est si différente, avec ses cheveux nattés en couronne sur la tête, et son accent alsacien. Celle grand-mère-là, « Mamie Olga », est tout en distinction. Elle parle bien. Son rire est clair. Mais … tout, ici, est surprenant.
La jeune fille pose son regard sur les lieux : un appartement spacieux, lumineux. Les meubles, anciens, sont sobres, et beaux. Un parfum de lavande flotte. Des orchidées déploient leurs branches de fleurs, blanches. Sur les meubles, parfois, un objet, une porcelaine, un vase. Tout est fragile, et précieux. La jeune fille pense à ses frères et sœurs, ces éclairs, ces tornades, qui seraient totalement déplacés, ici. Elle est assise sur le bord d’un fauteuil, le dos droit, peu à l’aise.
Son fiancé est bien là, près d’elle. Elle le regarde. Il est souriant, projeté en avant vers sa grand-mère, qu’il est si heureux de retrouver, investi dans sa parole. Il raconte ses études, brillantes, sa vie, ses espérances. La grand-mère accueille ses propos, les yeux pétillants, et elle lâche, soudain, une exclamation qui fait sursauter la jeune fille : « Ah ! Mon petit crapaud sec ! » Comment peut-on utiliser une expression aussi laide ? Est-ce qu’elle en a déjà vu, des crapauds secs, aplatis sur un chemin forestier ? Elle sent monter en elle un sentiment de révolte.
Enfin, il a tourné les yeux vers elle. Elle sent sa main revenir vers elle, et se poser sur la sienne. La grand-mère est allée chercher le plateau noir, laqué, sur lequel sont disposées de belles tasses à thé, blanches, fines, et une assiette de petits gâteaux. « Ca va ? » chuchote-t-il. Non, ça ne va pas. Mais elle ne le dit pas. Elle sourit. Oui, elle l’aime, mais une inquiétude vague vient parfois rôder en elle : pourquoi moi ? Pourquoi s’est-il intéressé à moi ? Je viens d’un monde si différent du sien …
La grand-mère sert le thé, avec les gestes gracieux d’une orientale. Puis elle reprend place dans son fauteuil et tourne son beau visage vers la fiancée. Il y a tant de sollicitude, dans ses yeux. La jeune fille s’en veut des pensées mauvaises qui ont agité son cœur. Elle répond aux questions qui lui sont posées, se détend peu à peu, se sentant, enfin, exister.
Soudain, voilà que Mamie Olga se lève et vient vers elle. « Montre-moi ta bague », lui demande-t-elle. La jeune fille lui tend la main droite. Elle admire le petit diamant qui scintille. Puis elle lui prend la main, l’élève vers elle, et la retourne, la paume ouverte, dans laquelle elle dépose un baiser. « Je te bénis, ma fille, comme ma propre grand-mère m’a bénie. Et que Dieu vous accorde d’être heureux ensemble. »
Nombres 6 : 24 :
« Que l’Eternel te bénisse et te garde !
Que l’Eternel fasse briller sa face sur toi et t’accorde sa grâce !
Que l’Eternel lève sa face vers toi et te donne la paix ! »