×
Parcourir

La vie de disciple ne commence pas par l’action, mais par l’être. Nous devons être avec Jésus.

J’aime la description que nous trouvons dans l’Évangile de Marc. Lorsque Jésus a choisi ses disciples, ce n’était pas d’abord pour prêcher l’Évangile et chasser les démons, mais simplement pour « être avec lui » (Marc 3.14). La proximité prime sur le pouvoir.

La même vérité se détache dans l’Évangile de Jean, lorsque nous voyons les disciples suivre et « rester avec » Jésus (Jean 1:35-39). Ce champ lexical composé des verbes « rester », « demeurer », « être » avec Jésus atteint de nouveaux sommets quand Jésus déclare à ses disciples : « Demeurez en moi » et « Demeurez dans mon amour » (Jean 15:4, 10).

Être avec Jésus implique le fait d’être avec les autres

Une façon d’interpréter cette idée d’« être avec Jésus » semble noble et mystique, comme s’il s’agissait de s’asseoir tranquillement en présence de Dieu, de s’imprégner du calme. Cela reviendrait aussi à déduire que passer du temps avec Jésus signifie forcément lire la Bible et prier, en solitaire principalement. Je ne voudrais pas un seul instant minimiser cette vie de piété personnelle. Elle fait partie intégrante de la vie de disciple, de la vie dans la réalité que notre identité est déterminée par notre relation avec Christ.

Mais il ne s’agit là que d’un seul aspect de cette réalité. Être avec Jésus ne se limite pas à une vie de piété solitaire. Pour être avec Jésus, nous allons devoir rechercher la compagnie des personnes avec lesquelles Jésus est en compagnie.

Souvenez-vous que Jésus a appelé les disciples non seulement en tant qu’individus, mais aussi pour les intégrer à une nouvelle famille. Il a placé Simon le zélote dans le même groupe que Matthieu le collecteur d’impôts. Il a dîné dans la maison de Simon le pharisien, mais il s’est aussi attiré les foudres pour avoir partagé une table avec des pécheurs. Le ministère de Jésus a été marqué par la fréquentation de personnes malades ou exclues. Il a passé du temps avec des religieux rigoristes tout comme avec des personnes vivant dans l’immoralité sexuelle. Demeurer en Jésus implique le fait de côtoyer un panel hétéroclite de personnes, des fils prodigues à leurs frères aînés.

Jésus a passé du temps avec des religieux rigoristes tout comme avec des personnes vivant dans l’immoralité sexuelle.

Lorsque Marie de Béthanie a versé une huile de grand prix sur ses pieds, Jésus a défendu son acte excessif, contrairement aux disciples qui se sont plaints que l’argent aurait pu être utilisé pour les pauvres. « Vous avez toujours des pauvres avec vous », leur a-t-il dit (Matthieu 26:11). Certains ont utilisé cette phrase pour minimiser la valeur du ministère auprès des pauvres, alors qu’au contraire, le commentaire de Jésus présuppose la proximité avec ceux qui sont dans le besoin. Les pauvres seront avec vous. Les disciples avaient marché avec Jésus pendant trois ans, et le fait de poser cette question à propos des pauvres indiquait à quel point leur cœur était façonné pour exercer des ministères de miséricorde.

Un Évangile maladroit

Richard Pope, un pasteur-implanteur d’églises dans l’État du Maryland (USA), qualifie l’environnement de Jésus d’ « Évangile embarrassant ». L’histoire de Richard Pope est inspirante – un passé difficile, une belle histoire de rédemption et d’appel, et maintenant un diagnostic de cancer en phase terminale – et a été racontée à la fois sous forme écrite et dans un podcast en plusieurs épisodes.

L’une des caractéristiques du ministère de Richard Pope est qu’il est magnifiquement désordonné. Sarah Zylstra décrit son Église ainsi :

« Lorsque l’Église Canvas a été lancée, elle a attiré des personnes brisées – désespérément pauvres, toxicomanes ou victimes d’abus. Leurs histoires n’étaient pas si différentes de celle de Richard Pope. Lorsqu’il parlait de ce qu’il avait vécu ou de ce qu’il désirait ardemment, ils pouvaient s’identifier… ».

« Dans mon Église, il y a des gens qui ne s’assiéraient jamais ensemble pour dîner », a déclaré Richard Pope. « Si je cite un homme politique ou un président, je sais que je vais déplaire à la moitié de la salle. Mon Église est composée de républicains et de démocrates, de personnes radicalement pauvres et de gens qui gagnent un salaire à six chiffres. C’est une Église où l’on peut entendre des gros mots dans le hall d’entrée et où il peut y avoir une maman qui fait l’école à la maison ». Richard Pope décrit son Église comme l’incarnation d’un « évangile embarrassant ».

J’aime beaucoup cette expression. J’aspire à ce qu’il y ait davantage d’églises qui connaissent cette tension délicieusement dérangeante inhérente au fait d’être à la fois un hôpital pour les pécheurs et une école pour les saints. Ce que nous trouvons dans les paroles de Jésus et des apôtres, c’est à la fois un appel à un engagement intransigeant à l’égard de l’éthique du royaume et un appel à une porte grande ouverte qui accueille tous ceux qui sont en deçà de la norme. L’école de la sanctification a ouvert ses portes… et l’hôpital de campagne reçoit les blessés. L’expression « Évangile embarrassant » est celle qui pour moi décrit le mieux la beauté de cette combinaison.

Ce que nous trouvons dans les paroles de Jésus et des apôtres, c’est à la fois un appel à un engagement intransigeant à l’égard de l’éthique du royaume et un appel à une porte grande ouverte qui accueille tous ceux qui sont en deçà de la norme

La beauté dans le désordre

Récemment, j’ai pris la parole dans une église dynamique et en pleine croissance, remplie de personnes de toutes les générations, toutes à des stades différents de leur cheminement de disciple. J’ai rencontré l’un des hommes les plus âgés qui venait d’arriver dans l’assemblée, et le pasteur m’a dit plus tard : « C’est un désastre. ». Il disait cela sans même une once de supériorité morale ou de jugement. Il ne disait pas : « C’est un désastre et il n’a donc pas sa place ici », mais le contraire : « Il a détruit sa vie, il a trouvé Jésus et il fait des progrès, c’est donc exactement là qu’est sa place ».

J’ai aimé cette patience pastorale, alliant l’acceptation inconditionnelle d’une personne, quel que soit son état actuel, et une vision ambitieuse de ce qu’elle pourrait devenir.

Nous avons besoin de plus d’églises comme celle-ci. Nous avons besoin de plus de conversations embarrassantes parce que Dieu a réuni dans une même famille des personnes issues de milieux différents, ayant des luttes différentes, des situations socio-professionnelles différentes et des attentes différentes. Les chrétiens les plus avancés sur le chemin de la sanctification ont autant besoin de cet embarras de l’Évangile que les nouveaux venus dans la foi.

Une communauté surnaturelle

Nous essayons généralement de minimiser l’inconfort, les désaccords, les débats et les tensions personnelles. Nous détestons nous sentir mal à l’aise. C’est naturel. C’est pourquoi « l’embarras de l’Évangile » est tellement nécessaire : il est surnaturel.

Lorsque le monde voit l’unité persister malgré la gêne, qu’il prend note de la reconnaissance que nous avons de nos échecs sur le chemin de la sainteté, de la détermination tenace à vivre avec les gens, à les aimer et à prendre des décisions avec des personnes qui ne nous ressemblent pas à bien des égards… tout ceci témoigne de la puissance de l’Évangile.

L’ « embarras de l’Évangile » devrait être la norme, et non l’exception.

EN VOIR PLUS
Chargement