Lire la Confession de foi de Westminster
Au XIXe siècle, le libéralisme théologique a sapé la confiance des Européens et des Américains dans la véracité et l’autorité des Écritures. Au milieu de cette crise, les théologiens de Princeton se sont tournés vers la Confession de foi de Westminster (1646). Des hommes comme A. A. Hodge et B. B. Warfield ont retrouvé et réaffirmé la doctrine de l’Écriture de Westminster. Ce rétablissement a inspiré un siècle de pasteurs protestants et a peut-être même préfiguré et aidé le travail du Conseil international sur l’inerrance biblique de la fin du XXe siècle.
Aujourd’hui, « la Confession » porte des fruits durables. Sa doctrine de Dieu, qui reflète le théisme chrétien classique et l’articulation de l’être et des œuvres du Dieu trinitaire, connaît une véritable renaissance. Dans le passé, elle a permis de se protéger contre les conceptions de Dieu pseudo-bibliques et mal instruites.
Comme l’écrit Sinclair Ferguson, « [les théologiens de Westminster] ont étudié en profondeur les mêmes questions qui troublent et défient l’Église aujourd’hui, et leur travail constitue un guide inestimable ». Dès lors, il vaut la peine de se familiariser avec « la Confession », son histoire, son contenu et son influence.
Histoire et contenu
La Confession de foi de Westminster (1646), ainsi que le Grand Catéchisme de Westminster et le Petit Catéchisme de Westminster, se situent à la fin de l’ère confessionnelle de la tradition réformée. Elle s’appuie sur plus de cent ans de réflexion et de formulation théologique protestante en Europe. Elle intègre également le riche héritage du christianisme historique qui remonte aux premiers conciles et aux Pères de l’Église.
La Confession a fourni une protection contre les conceptions de Dieu pseudo-bibliques et mal instruites.
La Confession de foi tire son nom de l’Assemblée de Westminster (1643-49/52), qui s’est réunie dans l’abbaye historique de Westminster à Londres. L’Assemblée était un conseil ecclésiastique nommé par le « Long Parlement » de 1640-48 pour recommander des réformes dans la doctrine et la pratique de l’Église d’Angleterre.
Les 33 chapitres de la Confession de Westminster peuvent être résumés en deux parties, un peu comme certaines épîtres de Paul : la doctrine (chapitres 1-18, 32-33) et le devoir (19-31). La confession résume pour nous ce que les Écritures nous enseignent à croire (la théologie de la foi) et à vivre (une éthique chrétienne pratique).
La confession contient 186 paragraphes et au moins 205 propositions théologiques distinctes. Elle peut être découpée en huit sections : L’Ecriture (chapitre 1), Dieu (2-5), l’homme et le péché (6), le Christ et le salut (7-13), notre réponse au salut de Dieu (14-18), la vie chrétienne (personnelle, familiale et sociale, 19-24), la vie chrétienne (ecclésiastique, 25-31), et des points conclusifs (32-33).
Les catéchismes de Westminster suivent également ce plan. Le Petit Catéchisme pourrait se résumer à ce que les chrétiens croient (questions 1-38) et à la manière dont les chrétiens doivent vivre (39-107). La structure du Grand Catéchisme est similaire, avec des sections consacrées à la doctrine (questions 1 à 90) et au devoir (91 à 196).
La haute valeur doctrinale de l’Écriture
« La Confession » commence par démontrer la nécessité de l’Écriture, révélation particulière de Dieu et révélation de soi. Le premier chapitre énonce ensuite le contenu de l’Écriture de manière positive (quels livres sont dans la Bible) et négative (quels livres n’y sont pas). Il montre ensuite, dans des sections consécutives, pourquoi nous croyons que la Bible fait autorité, qu’elle est vraie, qu’elle suffit au salut et à la vie chrétienne, qu’elle est claire, qu’elle a été inspirée par Dieu et qu’elle a été conservée de manière providentielle, en dépit des traductions multiples.
Le chapitre se termine par un principe fondamental d’interprétation biblique – l’Écriture interprète l’Écriture – et par l’affirmation que la Bible est la seule autorité ultime dans toutes les controverses théologiques. Il s’agit de la norma normans non normata (« la norme qui norme et ne peut être normée »). En d’autres termes, parce que l’Écriture est la Parole de Dieu, elle a le dernier mot dans tous les domaines de la foi et de la théologie pratique.
Les 1 000 mots de ce chapitre sur la doctrine de l’Écriture, ainsi que la densité et le détail de l’argumentation, montrent à quel point les Écritures sont importantes pour les théologiens. B. B. Warfield cite A. F. Mitchell, un historien de l’Assemblée du XIXe siècle :
« Si un chapitre […] a été élaboré avec plus de soin qu’un autre, c’est bien celui qui traite de l’Écriture Sainte. Il a été examiné paragraphe par paragraphe – presque clause par clause – par la Chambre des Communes ainsi que par l’Assemblée des Divins, avant d’être finalement adopté. »
Philip Schaff considère également que l’enseignement de « la Confession » sur l’Écriture est la contrepartie protestante de l’enseignement catholique romain sur le sujet : « Aucun autre symbole protestant ne présente une déclaration aussi claire, pertinente, concise et exhaustive de cet article fondamental du protestantisme ».
Dimension pastorale
Il est impossible de lire attentivement « la Confession » sans remarquer sa dimension pastorale. Cela n’a rien d’étonnant dans la mesure où, les puritains du XVIe siècle en Angleterre et les presbytériens en Écosse, ont légué une théologie pastorale sans égal dans l’histoire chrétienne anglophone.
La Confession commence par démontrer la nécessité de l’Écriture, révélation particulière de Dieu et révélation de soi.
Dans le chapitre de « la Confession » sur le décret éternel de Dieu, qui traite de la souveraineté de Dieu, de la prédestination et de la prétérition, l’assemblée de Westminster souhaite que ces doctrines soient enseignées de manière à produire « humilité, diligence et abondante consolation pour tous ceux qui obéissent sincèrement à l’Évangile » (WCF 3.8). Autrement dit, dans des passages comme ce chapitre, « la Confession » relie fréquemment et directement la théologie à la pratique. Elle montre ce que la vérité est censée produire dans la vie des chrétiens.
Un autre exemple est le chapitre « De l’assurance de la grâce et du salut ». Souvent, les chrétiens sont déstabilisés par leurs doutes, troublés par leurs luttes constantes avec le péché et incertains pour leur salut. « La Confession » leur apporte un réconfort magnifique, biblique et réaliste :
Cependant, ils [les chrétiens] ne sont jamais totalement dépourvus de cette semence de Dieu, de cette vie de foi, de cet amour du Christ et des frères, de cette sincérité de cœur et de cette conscience du devoir qui, par l’opération de l’Esprit, peuvent, en temps voulu, faire renaître cette assurance, et qui, en attendant, les soutiennent contre le désespoir total. (WCF 18.4)
Seule une déclaration doctrinale rédigée par des pasteurs-théologiens, véritables médecins du coeur humain, peut contenir une telle sagesse et une telle attention. Le souci des âmes est comme un fil conducteur de « la Confession ».
Influence mondiale et confessionnelle
L’assemblée de Westminster (que l’on appelle aussi l’Assemblée des « Divins ») avait pour objectif de réaliser l’unité entre toutes les Églises protestantes d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande. Elle a échoué dans cette entreprise. Mais elle n’imaginait sans doute pas l’influence qu’elle aurait sur le christianisme mondial d’aujourd’hui.
Les formulations théologiques de cette assemblée instruisent et encouragent plus de 70 millions de chrétiens issus de nombreuses dénominations à travers le monde. Il y a plus de chrétiens de Corée qui souscrivent à la Confession que de Britanniques ou d’Américains. Le mouvement réformé se développe en Inde, en Chine et en Asie du Sud-Est. Les Brésiliens et les Mexicains sont plus nombreux dans les dénominations qui reconnaissent « la Confession » que les Américains et les Canadiens. Et les Africains ratifiant « la Confession » sont plus nombreux que tous les autres…
La Confession de Westminster a également influencé de nombreuses Églises protestantes. Beaucoup associent « la Confession » au presbytérianisme, mais Westminster a aussi façonné la théologie des Églises congrégationalistes, baptistes et anglicanes par le biais des confessions qu’elles ont adaptées. Il y a toujours eu un courant de l’anglicanisme tenant la Confession en haute estime. Feu J. I. Packer, un anglican évangélique, a fait plus que quiconque pour la populariser dans le monde évangélique.
Seule une déclaration doctrinale rédigée par des pasteurs-théologiens, véritables médecins du cœur humain, peut contenir une telle sagesse et une telle attention pastorale.
Des mouvements et des organisations comme Ligonier Ministries, l’Alliance of Confessing Evangelicals, Together for the Gospel, The Gospel Coalition, la World Reformed Fellowship, la Conférence internationale des Eglises réformées et le North American Presbyterian and Reformed Council ont contribué à faire connaître et à faire accepter la théologie « de la Confession » dans le monde entier. Les séminaires multiconfessionnels d’envergure mondiale ont également contribué à cela.
D’une certaine manière, nous vivons actuellement un âge d’or de « la Confession ». En atteste la disponibilité de nombreux ouvrages publiés sur la Confession, l’Assemblée et ses théologiens. A titre d’exemple on peut citer la publication récente (2012) des recherches et de l’ouvrage de Chad Van Dixhoorn The Minutes and Papers of the Westminster Assembly (1643-1652).
Des fruits durables
Lorsque des étudiants d’institut biblique me demandent de définir la théologie réformée, je la décris souvent comme une école qui insiste fortement sur la souveraineté de Dieu, l’autorité de l’Écriture, la grâce de Dieu, la théologie de l’alliance et la nécessité de l’Église. La Confession de Westminster met l’accent sur tous ces points et les propage dans l’Église d’aujourd’hui.
Ce que l’on a appelé le « réveil réformé » ou la « résurgence réformée » des 50 dernières années, ou même ce que l’on appelle la « théologie du grand Dieu » ; tous ces courants témoignent de l’influence généralisée de l’enseignement de « la Confession » sur la souveraineté et la grâce de Dieu.
Il n’est pas étonnant que la Confession de foi et les Catéchismes de l’Assemblée de Westminster aient été considérés comme « les déclarations les plus subtiles et les plus durables de la théologie réformée des débuts de l’ère moderne » et comme « de loin le symbole doctrinal le plus influent de l’histoire du protestantisme américain ». L’influence de « la Confession » ne fléchit pas. Puisse-t-elle continuer à porter des fruits qui plaisent à Dieu.