« Qui est la cible de votre église ? »
On m’a plusieurs fois posé cette question avant que nous ne commencions notre nouvelle église. On m’a parlé d’études démographiques, de consultants en matière d’église et d’autres sources de conseils professionnels qui se tenaient à ma disposition pour m’aider à y répondre au mieux. Bien que tenté de répondre chaque fois de manière sarcastique– « Eh bien, nous espérons toucher les jeunes monocyclistes de Miami qui aiment boire de l’eau enrichie en électrolytes, mais qui refusent d’utiliser des plastiques à usage unique » – j’ai choisi de répondre de manière appropriée. J’ai simplement montré à la personne curieuse comment les églises répondaient à cette question dans le Nouveau Testament.
Je suis conscient que cette question part d’une bonne intention. Les gens veulent que le ministère soit efficace, mais cette préoccupation est souvent éclipsée par une insistance basée sur l’efficacité pragmatique. Elle vise à faire de la rétro ingénierie. « Qui notre église essaiera-t-elle d’atteindre ? » signifie « Qui essayerons-nous d’attirer dans notre église ? » Notre réponse à cette question déterminera ensuite l’esprit de notre ministère quant à ce que nous offrons – notre style, notre déco, les programmes, les boissons, etc. Cependant, mis à part les langues et expressions culturelles régionales évidentes, cette question ne révèle-t-elle pas une conception erronée de l’église locale ? Cela ne risque-t-il pas de faire que l’église débute dans une forme de partialité dont Jacques nous demande de nous éloigner ? (Jacques 2 : 1 et suivants)
Voilà pourquoi je suis si reconnaissant pour le livre de Tite. Nous y lisons une correspondance entre deux pasteurs implanteurs d’églises. L’apôtre Paul n’est pas préoccupé par les préférences ou par les spécificités de Paris de Genève ou de Marseille. Il veut enseigner à son ami Tite le genre d’églises dont Jésus veut faire partie. Tite doit récolter le fruit évident de la prédication de l’Évangile et « mettre en ordre ce qui reste à régler » (Tite 1 :5).
Tite est un jeune pasteur et le fait que le livre porte son nom est une boussole qui devrait orienter chaque église dans la bonne direction. Que vous ayez été envoyé pour implanter une nouvelle église, que vous formiez des hommes que votre église envisage d’envoyer ou que vous cherchiez à réaliser un audit biblique de l’église que vous dirigez depuis des années, voici 4 raisons pour lesquelles vous devriez prêcher le livre de Tite.
1. Il souligne l’importance d’un leadership pieux dans une église.
Quelle période encourageante cela a dû être de voir les gens répondre à la prédication de l’Évangile par la repentance et la foi ! Dieu a manifestement béni le ministère de l’apôtre Paul et des autres sur l’île de Crète. En tant que résidents de cette île située au large de la Grèce continentale, le travail dans les rassemblements de ces nouveaux chrétiens ne faisait que commencer. Et par où Paul veut-il que Tite commence ? Il veut que ces nouvelles églises aient des responsables qualifiés.
La compétence la plus importante est la capacité à enseigner la Parole de Dieu.
Aujourd’hui, vous lirez beaucoup de choses sur l’importance d’avoir des dirigeants qui sont des acteurs de changement dynamiques, mais qui sont aussi connus pour avoir la peau dure et le cœur doux. Tout cela est bien beau, mais ce n’est qu’une image incomplète de ceux que Dieu suscite pour diriger son peuple. Dès le début, Paul demande à Tite d’évaluer et de valider les hommes qualifiés pour diriger ces nouvelles communautés de chrétiens. Ces évaluations mettent l’accent sur le caractère plutôt que sur les compétences (Tite 1:5-9). Même lorsque la compétence est abordée, elle n’est pas évaluée sur la base de succès antérieurs dans d’autres domaines de leadership – affaires, athlétisme, etc. Au contraire, la compétence la plus importante est la capacité à enseigner la Parole de Dieu, ce qui implique d’avoir le discernement et le courage de dénoncer d’autres enseignements lorsqu’ils ne sont pas conformes à l’ensemble du conseil de Dieu. Nos églises aujourd’hui auraient besoin d’un nouvel examen sur les hommes dans lesquels nous investissons pour faire le travail d’un ancien. Quel « programme » de formation de disciples utilisez-vous lorsque vous priez pour que le Saint-Esprit suscite des responsables d’église (Actes 20:28) ?
2. Il nous rappelle qu’il faut du courage pour diriger l’Église.
« Penser global, agir local ».
Cette phrase, attribuée à un Écossais du nom de Patrick Geddes en 1915, a gagné en popularité ces dernières années. Qu’il s’agisse de responsabiliser les entreprises locales ou d’enseigner aux citoyens la responsabilité individuelle, elle a incité les gens à prendre conscience de ce qui se passe dans leur ville et pas seulement dans d’autres régions du pays ou du monde. Cette même perspective peut aider les églises locales. La plupart des chrétiens en général et des pasteurs en particulier seraient probablement d’accord pour dire que les faux enseignements et les leaders qui sèment la discorde ont été un problème dans le passé ou dans des pays situés à des kilomètres de distance. Mais qu’en est-il de leurs propres églises aujourd’hui ? Qu’en est-il de la vie de leurs fidèles ? Qu’en est-il des ouvrages qui se trouvent sur les étagères de leurs propres membres ?
Paul ouvre quelques sels odorants et nous fait prendre conscience qu’à tout moment, de faux enseignants peuvent chercher à détourner nos fidèles de la vérité qui a été une fois pour toutes transmise aux saints (Jude 3). Les anciens mentionnés dans Tite 1:5 devaient se mettre au travail et s’occuper des rebelles mentionnés dans Tite 1:10 et suivants. Les nouveaux responsables ont été immédiatement mis en service actif. Les faux enseignants devaient être réduits au silence (1:11) et les enseignants locaux dévoyés devaient être réfutés (1:13). Bien que ces personnes paraissent pieuses (1:16), elles sont en réalité impies et semeuses de discorde.
Plus tard, Paul demande à Tite d’exhorter, de reprendre (2:15) et d’appeler les autres à se soumettre à l’autorité politique (3 :1). Tout cela demande du courage. Il faut craindre Dieu plus que les hommes. La lettre à Tite rappelle aux responsables d’église d’aujourd’hui de se réveiller, de regarder autour d’eux, de protéger le peuple de Dieu des loupset d’appeler les gens à l’activité spirituelle plutôt qu’à la léthargie spirituelle.
3. Il nous explique pourquoi une culture du discipulat dans une église est si importante.
J’ai un outil pour skate que j’utilise pour ajuster mes skateboards. Il fait tout (les skaters connaissent l’outil dont je parle). J’utilise cet outil pour tout : ajuster les trucks, enlever les roues, remplacer les patins, etc.
C’est ainsi que beaucoup de chrétiens envisagent leurs rassemblements du dimanche. C’est leur seul outil qui fait tout pour eux dans la vie chrétienne. Vous avez un ami qui a besoin d’entendre l’Évangile ? Amenez-le à l’église. Le pasteur lui parlera de l’Évangile dans son sermon. Vous cherchez à nouer des amitiés chrétiennes ? Venez à l’église. Vous pourrez vous asseoir avec de nouvelles personnes et peut-être connaître quelques noms. Vous avez besoin d’aide pour lutter contre les péchés qui dominent votre vie ? Venez le dimanche. On ne sait jamais. Le pasteur abordera peut-être ce sujet, directement ou indirectement. Bien que je tienne le rassemblement du dimanche en haute estime, Dieu n’a pas l’intention d’en faire le seul « outil » dont un chrétien a besoin. En fait, une grande partie de ce que Dieu fait dans la vie des gens se produit par l’intermédiaire de personnes qui ne sont pas des pasteurs ou des anciens – et cela ne se produit pas seulement le dimanche. Paul veut s’assurer que Tite le comprenne bien.
Hommes et femmes, jeunes et vieux, devraient être en communauté pour s’aider les uns les autres à grandir en Christ. Bien que Paul laisse de nombreuses questions en suspens – combien de personnes ? avec qui ? à quelle fréquence ? en faisant exactement quoi ? – il souhaite que ces nouvelles églises aient une culture où les autres chrétiens s’aiment, se dirigent, prennent soin les uns des autres, apprennent les uns des autres et se fréquentent les uns les autres (2:2-6). Il ne s’agit pas d’une caractéristique propre aux églises de Crète – ce n’est pas seulement « une affaire d’île ». C’est le propre de l’Église. Paul dit aux Éphésiens que cela devrait également se produire dans leur église (Eph. 4:11-16). Les églises d’aujourd’hui devraient être connues pour bien plus que les cours qu’elles proposent ou les livres qu’elles recommandent. Elles devraient être connues pour leurs humbles pères et mères dans la foi qui accueillent et investissent volontiers dans la vie des jeunes chrétiens qui sont nouveaux dans la foi.
4. Il nous enseigne à quoi ressemble le fruit de l’Évangile en tenue de ville.
La lettre à Tite contient l’une des déclarations sur l’Évangile les plus concises et les plus remarquables du Nouveau Testament (Tite 3:3-7). Il m’arrive de dire aux chrétiens qui se demandent comment raconter « leur témoignage » de lire ces versets, puis de donner des illustrations autobiographiques pour compléter le tableau.
Cependant, même si ce résumé est excellent, il est loin d’être tout ce que Paul veut que ces chrétiens sachent. En fait, il veut que Tite enseigne à ces chrétiens comment rendre publiques leurs professions de foi. L’un des thèmes majeurs de Tite est celui des bonnes œuvres (1:16 ; 2:7, 14 ; 3:1, 8, 14). Dieu veut que ces chrétiens sachent non seulement ce qu’il a fait pour eux et en eux, mais aussi ce qu’ils doivent faire lorsqu’ils témoignent de la grâce de Dieu par leur vie.
Les chrétiens ne doivent pas se contenter d’être disposés à faire de bonnes œuvres. Ils doivent vouloir les accomplir.
Les chrétiens ne doivent pas se contenter d’être disposés à faire de bonnes œuvres. Ils doivent vouloir les accomplir. Examinez les descriptions par vous-même. Non seulement Tite doit être « un modèle de bonnes œuvres » (2:7), mais le peuple doit « s’adonner aux bonnes œuvres » (3:8, 14).
Nous possédons tous des tonnes de vêtements. Nous les rangeons dans nos commodes, nos placards et nos bacs sous nos lits. Mais les seuls vêtements que les gens sauront que nous possédons sont ceux que nous portons en public. Il en va de même dans la vie du chrétien. Les gens peuvent s’identifier comme chrétiens à longueur de journée. Mais le monde ne verra la puissance de l’Évangile que lorsqu’il verra comment nous nous comportons entre nous et avec les autres. Il peut s’agir d’un changement d’attitude à l’égard du gouvernement (3:1). Peut-être s’agit-il d’une nouvelle maîtrise de soi dans nos conversations (3:2). Ou peut-être s’agit-il d’une charité généreuse envers ceux qui sont dans le besoin (3:14). Les bonnes œuvres qui découlent de notre foi en l’Évangile devraient être indéniables et perceptibles.
Alors, sur quoi les nouvelles Églises devraient-elles se concentrer ? Quelles devraient être leurs priorités au cours de leurs premières années d’existence ? Un site internet efficace et facile à utiliser ? Une présence sur les réseaux sociaux qui ne demande qu’à être doublée, retweetée et partagée ? Un bon café noir qui ouvrira les yeux et les oreilles avant même que le sermon ne commence ?
Il s’avère que le ministère biblique est bien plus simple et étonnamment plus profond que cela. Les églises d’aujourd’hui doivent proclamer fidèlement l’Évangile, mettre en place des dirigeants de manière appropriée, chercher à vivre pour le Christ publiquement et aborder les questions difficiles qui se poseront un jour ou l’autre. Cela décrit une église que Jésus voudrait fréquenter. Ne me croyez pas sur parole. Lisez et prêchez Tite vous-même.
Commentaires:
- John MacArthur, Tite (The MacArthur New Testament Commentary; Chicago: Moody, 1996, Ed Impact). Cet ouvrage enseigne au lecteur le contexte culturel dans lequel Paul écrivait et propose au prédicateur d’aujourd’hui des modèles de présentation homilétique du texte. Je recommande de lire cet ouvrage après avoir fait son propre travail sur le texte, afin de ne pas trop s’appuyer dessus.
- Samuel Bénétreau, Les Épîtres pastorales: 1 et 2 Timothée, Tite, Editions Edifac
- Warren Wiersbe Soyez fidèles : 1 et 2 Timothée, Tite, Philémon, commentaire biblique pratique
En anglais:
- George W. Knight III, The Pastoral Epistles (The New International Greek Testament Commentary; Grand Rapids: Eerdmans, 1992). Ce commentaire fournit des informations exégétiques précises. Bien qu’il soit un défi pour ceux qui n’ont pas été formés au grec, il offre une profondeur de compréhension à ceux qui peuvent apprécier la langue.
- John Stott, Guard the Truth: The Message of 1 Timothy & Titus (Downers Grove, IL: IVP, 1996). L’ouvrage de Stott est bref mais utile, car il émane d’un homme qui a été pasteur et qui l’a fait en gardant fidèlement la main dans le texte. Le lecteur d’aujourd’hui trouvera sa contribution perspicace dans la mesure où certains sujets de l’Antiquité sont abordés et appliqués au public d’aujourd’hui.