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1. Une confession personnelle: comment l’amour de Dieu a réveillé en moi l’amour de la lecture

Je commencerai cet article par une confidence: je n’ai jamais été, dans ma jeunesse, un grand lecteur. Cette affirmation étonne souvent, surtout pour ceux qui me connaissent aujourd’hui comme un «rat de bibliothèque», selon l’expression bien québécoise. En réalité, j’ai souffert de dyslexie, de dyscalculie et de dysorthographie. Mon parcours scolaire a été jalonné de retards de langage, de séances d’orthophonie et de réelles difficultés à lire, à comprendre et, encore plus, à apprécier la lecture.

Je me plais parfois à m’imaginer retrouver ma professeure de littérature du Cégep. Si elle apprenait que j’ai complété une maîtrise en analyse littéraire, elle en conclurait probablement que Dieu existe et que seul un miracle pourrait expliquer cela. C’est d’ailleurs exactement cela : un miracle de transformation du cœur et des affections.

Ce qui a changé, ce ne sont pas mes aptitudes, mais mes motivations intérieures. Jésus a dit: «Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur» (Matthieu 6.21). Lorsque Christ m’a saisi, il a aussi réorienté mon amour, mes désirs, ma volonté. Le premier livre que j’ai lu entièrement dans ma vie, ce fut la Bible. C’était un exploit, mais surtout une révélation. L’amour de Dieu avait réveillé en moi l’amour de sa Parole et, à travers elle, le goût de lire pour mieux le connaître.

La lecture est devenue un moyen de grâce dans ma vie. Et je crois qu’il en est ainsi pour tout chrétien qui aspire à grandir dans sa foi, sa maturité et son intelligence spirituelle. La lecture n’est pas une discipline secondaire ni un passe-temps réservé aux intellectuels. Elle est un acte d’adoration intellectuelle, une démonstration d’humilité devant ce que d’autres ont compris de Dieu et un outil puissant pour approfondir notre amour des Écritures.

2. Une discipline biblique et ecclésiale: lire pour mieux connaître Dieu

La centralité de la lecture et, plus largement, de la connaissance par l’étude, est profondément enracinée dans la Bible elle-même et dans toute l’histoire de l’Église. Bien entendu, la Bible reste le critère suprême et la norme infaillible. Comme le disait Charles Spurgeon : « Visite beaucoup de bons livres, mais demeure dans la Bible. » Mais, pour bien y demeurer, il est souvent utile de s’entourer de bons guides.

Dans les Écritures, nous voyons que Dieu utilise des hommes formés, instruits et exposés à la culture de leur temps pour écrire ses paroles. Moïse, élevé au palais de Pharaon, a bénéficié, selon Actes 7.22, de « toute la sagesse des Égyptiens ». Il est significatif que Dieu ait choisi un homme formé dans l’un des systèmes éducatifs les plus avancés de son temps pour devenir l’auteur principal du Pentateuque.

Dans le Nouveau Testament, l’apôtre Paul est l’exemple par excellence de l’érudit devenu disciple. Formé aux pieds de Gamaliel (Actes 22.3), il allie une intelligence rare à une piété profonde. Ses lettres témoignent non seulement d’une connaissance aiguë des Écritures hébraïques, mais aussi d’une familiarité avec la rhétorique grecque et la pensée stoïcienne. Plusieurs commentateurs estiment qu’il pourrait être l’équivalent d’un double doctorat aujourd’hui. Et pourtant, c’est dans l’humilité qu’il met tout son savoir au service de Christ (Philippiens 3.7-8).

Un détail bouleversant apparaît dans 2 Timothée 4.13, l’un de ses derniers écrits : « Quand tu viendras, apporte le manteau que j’ai laissé à Troas, chez Carpus, et les livres, surtout les parchemins. » Même dans sa vieillesse, l’apôtre désire lire, étudier, méditer et approfondir ses connaissances. Cette attitude traverse aussi toute l’histoire de l’Église. Augustin, Luther, Calvin, Owen, Edwards, Warfield, Vos, Bavinck et tant d’autres : tous étaient de grands lecteurs et voyaient dans la lecture un moyen de grâce.

3. Une méthode: choisir et organiser ses lectures

Lire sans méthode peut vite devenir décourageant ou inefficace. L’expérience me l’a bien fait comprendre : si on laisse les choses arriver toutes seules, rien n’arrivera au final. De plus, nous vivons dans une ère d’abondance où l’offre de livres chrétiens — du meilleur au pire — peut étourdir. C’est pourquoi j’ai développé, au fil des années, un système simple pour choisir et organiser mes lectures : me bâtir un tableau de lectures par catégories théologiques.

Les grandes catégories classiques que j’utilise sont les suivantes :

i. Théologie biblique: discerner l’unité et la progression de la révélation

La théologie biblique cherche à retracer le développement progressif de la révélation divine au fil de l’histoire rédemptrice, en montrant comment chaque texte s’intègre à l’ensemble et trouve son accomplissement en Christ. Dans ce domaine, des ouvrages majeurs m’ont profondément marqué. L’Introduction à l’Ancien Testament et l’Introduction au Nouveau Testament de Excelsis m’ont offert une vision d’ensemble solide de chaque corpus biblique. Ensuite, des synthèses telles que Le Royaume révélé de l’Ancien Testament à l’Évangile de Graeme Goldsworthy ainsi que Kingdom through Covenant de Stephen Wellum et Peter Gentry m’ont aidé à saisir les connexions entre promesse et accomplissement.

ii. Théologie systématique: organiser et articuler les doctrines chrétiennes

La théologie systématique vise à organiser les données bibliques autour de thèmes centraux — Dieu, l’homme, le salut, l’Église, les fins dernières — de manière cohérente, rigoureuse et fidèle à l’enseignement global des Écritures.

J’ai commencé ce parcours avec l’abrégé de la Théologie systématique de Louis Berkhof, un classique de clarté et de précision. Puis, je me suis attaqué à des œuvres plus denses avec la Théologie Systématique de Wayne Grudem d’Excelsis et ce ne fut qu’après un certain temps que je me suis senti d’attaque pour Reformed Systematic Theology de Joel Beeke et Paul Smalley. Ces derniers se distinguent par leur richesse doctrinale, leur profondeur biblique et leur accent dévotionnel.

Pour une introduction plus accessible, L’essentiel du christianisme sous la direction de Fred Zaspel constitue une excellente porte d’entrée.

iii. Théologie pastorale et pratique: appliquer l’Évangile à la vie réelle

La lecture pastorale et pratique vise à intégrer la vérité biblique aux réalités concrètes du ministère et de la vie chrétienne. Elle permet au pasteur et au croyant d’apprendre à appliquer l’Évangile dans des contextes variés, avec sagesse et compassion.

Le conseil biblique, tel que développé par David Powlison, est un domaine incontournable de la théologie pratique contemporaine. Powlison a su unir rigueur théologique et approche profondément humaine et pastorale. Son livre Seeing with New Eyes est un exemple magistral de l’art d’appliquer les vérités bibliques aux luttes du cœur humain.

Pour la sanctification personnelle, Les idoles du cœur de Timothy Keller ou encore La mortification du péché de John Owen sont des classiques incontournables. Le livre Prendre plaisir en Dieu de John Piper a profondément nourri ma vision de la vie chrétienne comme une recherche joyeuse de la gloire de Dieu.

iv. Apologétique et culture: comprendre le monde pour mieux annoncer l’Évangile

Enfin, le chrétien et le pasteur doivent apprendre à lire le monde à la lumière de l’Évangile afin de répondre aux défis intellectuels, moraux et culturels de notre époque. L’apologétique contemporaine engage les questions de sens, de science, de justice sociale, de sexualité, et plus encore, avec une perspective biblique.

À cet égard, La raison est pour Dieu de Timothy Keller est un modèle de dialogue avec les sceptiques modernes. Pour les enjeux culturels, Total Truth de Nancy Pearcey explore comment une vision chrétienne du monde peut façonner notre rapport au corps, au sexe, à la vérité. Sur les questions politiques et sociales, David VanDrunen (notamment Living in God’s Two Kingdoms) développe une théologie des deux royaumes utile pour penser la place du chrétien dans la société séculière.

J’aime aussi ajouter une catégorie distincte : l’Évangile. Ce sont des livres que je lis ou relis régulièrement pour me garder frais dans ma compréhension, mon émerveillement et mon langage de la Bonne Nouvelle. Par exemple, Grâce infinie de Bryan Chapell, Une Église centrée sur l’Évangile de Tim Keller ou encore L’Évangile de J. D. Greear sont pour moi des incontournables.

Pour découvrir ces livres et alimenter mes catégories, j’utilise plusieurs moyens : je consulte régulièrement des maisons d’édition de bonnes qualités comme Publications Chrétiennes, BLF, Cruciforme, ou Éditions Clé, Excelsis ; je suis les sorties à venir ; je parcours des blogues de confiance comme Évangile 21, ToutPourSaGloire.com, The Gospel Coalition, Desiring God, 9Marks, Ligonier, ou encore les recensions de livres par des pasteurs et théologiens reconnus.

J’aime aussi alterner entre nouveautés et classiques : lire ce qui vient de paraître, mais aussi m’assurer de ne pas passer à côté des grandes œuvres des Pères de l’Église, des Réformateurs, des Puritains et des penseurs contemporains incontournables.

Conclusion: cultiver la passion suprême

Je terminerais en disant ceci : la passion de la lecture n’est pas un but en soi, c’est une conséquence naturelle d’un amour profond pour Dieu. Ce que nous lisons révèle ce qui nous passionne. Et ce qui nous passionne, nous en parlons volontiers. Nous parlons facilement, rapidement et aisément de nos passions, et ce, continuellement. Nous aimons monopoliser la discussion à propos de ce que nous adorons. Jésus a dit : « Car c’est de l’abondance du cœur que la bouche parle » (Luc 6.45). De même, c’est de l’abondance du cœur que jaillit notre appétit pour lire et méditer.

Le cœur de la lecture chrétienne ce n’est donc pas l’information, mais la transformation. C’est se laisser renouveler par la vérité, éblouir par la beauté du Christ, réconforter par la grâce et équiper pour mieux servir.

Alors si vous n’aimez pas encore lire, commencez par lire sur ce Dieu que vous aimez. Si vous êtes passionné par Christ, laissez cette passion vous conduire à lire davantage sur lui. Lisez des choses qui nourrissent votre adoration, qui stimulent votre louange, qui approfondissent votre joie en Lui. La lecture chrétienne est un acte de fidélité. Un moyen de grâce. Une réponse d’amour. Cultivez-la, non comme un devoir, mais comme un privilège.

 

 

 

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