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Dans mon dernier article j’avais essayé de présenter le fait que beaucoup de nos problèmes sont en fait des problèmes épistémologiques, c’est-à-dire qu’ils sont liés à notre manière de connaître. En disant cela, nous devons commencer à nous poser une question essentielle : qu’est-ce que la connaissance ? Notre tendance naturelle est de voir la connaissance comme étant uniquement une somme d’informations que nous possédons. Je sais que Dieu existe, je sais que ma chair est solide, je sais quel jour je suis né, etc. Pourtant, si nous revenons à ce que nous avons vu la dernière fois, pour la Bible, la connaissance n’est pas simplement la possession d’informations mais bien une relation qui nous transforme. Bien sûr, cette connaissance ne se fait pas au détriment des informations mais les informations ne peuvent être qu’en soutien de cette relation.

Prenons un exemple concret. Je suis un pianiste et j’ai commencé à jouer du piano à 11 ans. Si tout à coup je vous dis que « je sais jouer du piano », qu’est-ce que vous comprenez ? Est-ce que c’est le fait que je sache à quoi correspondent les touches ? Est-ce que c’est le fait que je sache jouer trois mélodies ? Ou bien est-ce que c’est le fait que je sache utiliser mes connaissances (mes informations) de l’instrument pour le faire chanter ? Bien sûr, lorsque je vous dis que je sais jouer du piano vous pensez plutôt au dernier cas de figure. Ce qui est intéressant avec cette analogie, c’est qu’elle nous permet de voir la connaissance comme étant sur un spectre. Je peux bien savoir jouer du piano tout comme je peux n’être qu’un débutant.

La connaissance n’est pas qu’une prise d’informations mais bien le fait de pouvoir vivre ces informations pour nous emmener plus loin.

Qu’avons-nous donc vu avec cet exemple ? La connaissance n’est pas qu’une prise d’informations mais bien le fait de pouvoir vivre ces informations pour nous emmener plus loin. Cela demande une intégration de notre part, de se laisser transformer par notre objet d’étude et d’être à son écoute. En voyant la connaissance comme une simple prise d’informations, nous avons grandement diminué son importance. Cela se reflète dans plusieurs aspects de notre société. Nous pouvons penser aux séparations si nettes entre le théorique et le pratique (nous entendons souvent que nous n’avons pas besoin de la théorie ou vice-versa) et au désintérêt des jeunes pour les études. En effet, si la connaissance n’est que le fait de recevoir des informations, à quoi servent les études à une époque où l’on peut tout trouver sur internet ?

Nous pouvons également voir cela dans notre manière de vivre le culte. Nous avons cette tendance à séparer nettement le temps où nous mettons en pratique la foi (par la prière, la louange, la confession, l’adoration et l’offrande) d’avec le temps d’instruction (qui est de recevoir passivement les informations données par le prédicateur). Nous pensons trop souvent qu’après avoir prêché ou enseigné, nous avons accompli notre mission parce que les personnes en face de nous ont reçu les informations importantes. Notre évangélisation se fait donc fréquemment au détriment d’une véritable compréhension des personnes en face de nous, des émotions qu’elles ont et de la manière dont on apprend.

Comment faire pour éviter cela ? Ce qu’il est important de comprendre à propos de la connaissance est qu’elle est essentiellement tacite ou implicite. Nous savons beaucoup de choses qui ne sont pas nécessairement conscientes. Lorsque j’ouvre la porte, que je marche, je ne suis pas obligé de réfléchir là-dessus. De la même manière, nous devons réaliser que nous apprenons souvent mieux par l’imitation et la mise en pratique. Lorsque j’apprends à jouer du piano, j’ai besoin de mon professeur pour qu’il me dise quoi faire (informations) mais aussi pour qu’il me montre quoi faire, que je l’imite et que j’essaie de nombreuses fois de mon côté (intégration). Plus je m’exerce et moins j’aurais besoin de réfléchir à ce que je fais. Plus une chose est intégrée et plus elle est connue.

Lorsque nous prêchons, enseignons ou évangélisons, nous ne devrions pas nous voir comme étant de simples transmetteurs d’informations mais de tout un style de vie, de toute une manière de faire.

Cela implique que lorsque nous prêchons, enseignons ou évangélisons, nous ne devrions pas nous voir comme étant de simples transmetteurs d’informations mais de tout un style de vie, de toute une manière de faire. Au lieu de chercher à informer, nous devrions chercher à toucher le cœur. Dans la culture juive, le cœur n’était pas quelque chose d’uniquement émotionnel, mais bien le centre de la personnalité humaine, la source de toutes nos décisions. Cela comprend tout ce qui est conscient mais aussi inconscient, ce qui est rationnel et ce qui est émotionnel. Nous pouvons penser au cœur comme étant la boussole de nos vies, ce qui nous donne le nord. Lorsque nous enseignons ou évangélisons, nous ne devrions pas d’abord chercher à changer des croyances mais une direction de vie toute entière. Bien sûr, cela se fait en donnant les bonnes informations et les bonnes directives mais aussi ou surtout en étant des exemples vivants de ce qu’il faut faire et en encourageant à faire de même.

J’aimerais conclure avec ces deux versets de Jean : « Jésus lui dit : Je suis le chemin, la vérité, et la vie » (Jean 14,6) et « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jean 17,3). La véritable connaissance de la vérité et de Dieu implique une relation, une transformation et une intégration personnelle. Comme dans toute relation, parfois nous ne serons pas tout de suite capables de verbaliser ce que nous vivons mais ce qui est le plus important est de vivre en conséquence avec cette réalité révélée de Dieu. En effet, Jacques nous dit que les démons croient que Dieu existe mais ils tremblent (Jacques 2,19). À quoi nous sert-il de croire en la Trinité si nous la méprisons ? À quoi sert-il de croire en la grâce de Dieu si nous culpabilisons tout le temps ? Un de nos grands problèmes est que nous croyons que nous pouvons savoir des choses sans les vivre. En réalité, nous ne pouvons pas comprendre la souveraineté de Dieu sans lui faire confiance, nous ne pouvons pas comprendre la Trinité sans vivre une vie d’Église, etc. L’épistémologie est donc un appel fort à vivre ce que nous disons croire pour avoir une véritable connaissance de notre Dieu tout-puissant.

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