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Pour qui Jésus est-il venu ? Pour tous les êtres humains. Bonne réponse, mais un peu générale ! Plus précisément, dans les Évangiles, vers qui voyons-nous Jésus aller ? Vers tous ceux que le reste de la société avait rejeté.

Il va vers les femmes, qui ne devaient pas être vues seules en public, et à qui les hommes ne parleraient jamais ; les femmes, dont le témoignage avait autant de poids que celui des esclaves… c’est à dire aucun. Il va vers les malades, rejetés par les chefs du peuple, à cause d’une vraisemblance de malédiction ou de jugement. Il va vers les étrangers, clairement hors des frontières possibles de la grâce de Dieu – eux que Dieu n’avait pas choisis. Jésus va aussi vers les collecteurs d’impôts, traîtres et collaborateurs, faisant même de l’un d’entre eux son disciple.

Jésus ne va pas que vers les marginalisés… il va vers tous ceux qui sont écartés, même s’ils font partie des riches et des privilégiés, comme Zachée. Jésus dénonce de manière radicale la facilité avec laquelle les êtres humains que nous sommes peuvent rejeter certaines personnes. C’est tellement facile pour nous que de rejeter quelqu’un : mauvaise appartenance politique, ignorance climatique, manque d’altruisme ou de générosité. Nous rejetons, isolons, et marginalisons. Nous sommes humains : c’est ce que nous faisons. Tous.

Le ministère de Jésus est bel et bien tourné vers les personnes marginalisées par la société : ceux qui ont été écartés, balayés comme s’il n’étaient rien de plus que des restes indésirables. Jésus valorise les femmes, les pauvres, les malades, tous ceux que la société pensait hors de l’atteinte de Dieu. Francis Schaeffer disait que pour Dieu il n’y avait pas de personne trop petite[1]. Autrement dit : tout le monde compte, ou personne ne compte. Thomas Schreiner résume cela en disant que « pendant son ministère, Jésus a vu chaque personne et chaque personne comptait pour lui, et elle devrait compter pour nous aussi »[2].

Privilège, pouvoir, et pureté

Cependant, nous devons prendre garde à ne pas interpréter tout le ministère de Christ à travers les catégories de privilège ou de pouvoir. Ce sont bien sûr des catégories évidentes dans les Évangiles, et qui nous sont beaucoup trop familières. Nous les voyons partout, nous en vivons les conséquences tragiques. Il n’y a pas de raisons de douter que Jésus a effectivement porté une attention privilégiée à tous les marginalisés. Que les femmes, les pauvres, les malades, et les étrangers soient en telle majorité dans les récits évangéliques n’est pas un simple concours de circonstances.

De ce constat, il serait facile de relire tout le ministère de Jésus à travers ces catégories si essentielles au discours social contemporain que sont le privilège et le pouvoir. Jésus est venu dénoncer toutes les injustices du pouvoir, tous ceux qui avaient un privilège tel qu’ils ne pouvaient qu’être des instruments d’oppression. Jésus vient pour dénoncer le pouvoir injustes des Hommes : richesse, politique, et mêmes prétextes religieux.

Rien de tout cela n’est tout à fait faux… mais je ne peux m’empêcher de me poser une question. Les catégories de privilège et de pouvoir, qui ont leur légitimité, ne sont-elles pas utilisées d’abord parce qu’elles nous sont si communes ? N’avons-nous pas tendance à les importer dans le texte évangélique, justement parce qu’elles sont si courantes dans la société ? Répondre par l’affirmative n’invalide certainement pas ces catégories. Cependant, cela nous encourage à nous demander si un autre langage n’est pas plus approprié, ou plus pertinent.

Les textes évangéliques mettent l’accent sur un autre principe à l’œuvre, qui met Jésus en marche vers les marginaux de sa société. Ce principe… c’est celui de la pureté. Jésus vient parler à, vivre avec, et toucher tous ceux qui étaient considérés comme impurs, ceux qui étaient tenus à distance de la grâce de Dieu.

Le ministère de Jésus touche toutes les personnes considérées comme impures :

  • Le lépreux qui, purifié, réintègre la société et se trouve pardonné par Jésus (Lc 17.11-19).
  • La femme impure à cause de sa maladie de sang, qui va pouvoir vivre à nouveau parce qu’elle a pu toucher le vêtement de Jésus (Mt 9.18-22).
  • Le corps de la fille de Jaïrus (morte, donc impure), que Jésus touche afin de la ressusciter (Mt 9.23-26).
  • L’aveugle, certainement impur car puni par Dieu, que Jésus touche avec de la boue faite de sa propre salive (Jn 9.6).
  • L’homme à la main sèche, lui aussi impur, ou qui sait, maudit, restauré par Jésus (Mt 12.9-13).

En se tournant vers ceux qui ont été marginalisés la cause de leur soi-disant impureté, Jésus retourne totalement le principe de l’Ancien Testament selon lequel l’impureté était contagieuse. Avec Jésus, ce n’est plus la maladie, le mal, et le péché qui sont contagieuses… mais le bien, le pardon, et la réconciliation.

Le ministère de Jésus, trouvant son eucatastrophe , sa résolution dramatique, dans la crucifixion du Fils de Dieu, est une dénonciation de toutes les puissances. C’est aussi un renversement de la propagation de l’impureté. La crucifixion de Jésus est une dénonciation du péché humain qui rejette et marginalise les autres – pourtant créés à l’image de Dieu. La crucifixion, c’est aussi la proclamation que rien ne peut venir déclarer impurs ceux vers qui Jésus tend une main d’amour et de compassion.

La croix est une œuvre de proclamation qui nous engage sur le même chemin que Jésus, qui est notre Seigneur. Demandons à Dieu qu’il nous donne l’humilité de voir comment nous continuons de penser que certaines personnes sont impures, au-delà de toute possibilité de salut.


[1]Francis Schaeffer, No Little People, Wheaton, Crossway, 2003.

[2]Thomas R. Schreiner, « Jesus’s Love for the Marginalized of this World », 6 janvier 2022, Crossway, https://www.crossway.org/articles/jesuss-love-for-the-marginalized-of-this-world, consulté le 23 mai 2022.

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