Aurélien Lang rencontre Henri Blocher, il échangent sur la persévérance dans le ministère.
Transcription
Henri Blocher, vous avez animé ici à la conférence évangéliste Évangile21 un atelier avec Mike Evans sur la persévérance dans le ministère.
Il y a de belles choses qui ont été partagées, malheureusement on ne peut pas refaire tout le contenu de l’atelier, mais pour les personnes qui nous écouteraient, je voulais un petit peu revenir peut-être sur cette idée de persévérer dans le ministère.
On voit que le ministère est quelque chose qui est fatigant, il faut de la force pour tenir sur le long terme et j’aurais voulu savoir qu’est-ce que vous pourriez nous donner comme informations sur comment tenir bon sur la distance ?
Alors d’abord je pourrais peut-être dire qu’il n’y a pas de loi d’airain qui s’impose à tous, Dieu est libre dans ses appels et je ne peux pas exclure qu’il appelle tel ou tel pour une mission qui va durer deux ans, trois ans, ce n’est pas quelque chose qui doit être condamné de manière simplement automatique, pas du tout, mais je suis persuadé que les ministères, en particulier les ministères structurels pour la vie de l’église, requièrent des dons qui doivent mûrir pour lesquels ceux qui reçoivent ces dons ont toute une préparation à développer et qu’ainsi l’investissement doit être l’investissement de pratiquement toute une vie.
Il y a des exemples de très beaux ministères qui se sont déroulés pendant plusieurs décennies et ce que je souhaite pour notre église, l’église de Jésus-Christ en notre temps, donc je favoriserais quand même cette pensée que si je m’engage pour des études qui sont souvent très exigeantes, si je fais des sacrifices qui peuvent toucher aussi la famille, si je fais tout cela c’est dans la perspective d’un service qui va durer et avec une aide du Seigneur qui m’aidera à franchir les étapes un peu plus difficiles que les autres, voilà comment je réagirais.
Oui et sur l’élément de ministères sur la durée, est-ce qu’il y a des ministères qui peuvent rester à un même endroit ou est-ce qu’il faut qu’un ministère change de temps en temps, comment ça peut s’articuler tout ça ?
En ce qui concerne le ministère pastoral, sous une forme assez classique, moi j’estime que dix ans c’est une durée qui est satisfaisante pour un certain nombre mais que je jugerais assez facilement minimale.
Je trouve assez désolant à vrai dire que trop de ministères ne durent que cinq ou six ans, je pense qu’il faut à ce moment-là que jeter les bases de quelque chose qui autrement pourrait être très fructueux dans la durée et il y a des ministères au-delà de 20 ans dont j’entends parler et qui me réjouissent.
Alors je sais bien qu’un renouvellement particulier de la prédication d’enseignement peut être facilité si on change de lieu.
Je pense aussi qu’il y a toujours le danger qu’un pasteur façonne un peu trop une église à son image et qu’il ait ses amis, ceux qui lui ont une reconnaissance particulière et que du coup l’église soit un peu trop l’église de ce pasteur mais en même temps un ministère équilibré, vraiment qui partage la tâche avec d’autres et qui dure, cela me semble très beau, à la gloire du Dieu.
Oui c’est le partage, la collégialité.
Oui c’est ça.
Le pasteur n’est pas le monarque dans l’église, c’est un modèle qu’il faut vraiment combattre.
Oui le leadership dans l’église est souvent employé au pluriel, on parle des anciens…
Oui je pense que le pasteur est un ancien spécialisé qui a davantage du plein temps et malheureusement les réactions du commune, du groupe, poussent alors à l’isoler du reste des responsables mais théologiquement, spirituellement, je pense qu’il est l’un des anciens et que la tâche est collégiale.
Oui, je trouve qu’il y a un beau soutien qu’il peut apporter, surtout que le pasteur comme l’enseignant peut être parfois sous le feu de la critique, du soutien.
Inévitable, inévitable.
Et si je transitionne par rapport à ce sujet d’être sous la critique, parfois le ministère d’enseignement nécessite qu’on prenne des positions.
Est-ce que dans votre ministère vous avez connu de telles prises de position, on sait que ça peut être coûteux, comment vous avez vécu ces moments ?
Alors j’ai connu des oppositions, j’ai un souvenir assez précis d’une invitation qui m’avait été adressée dans une série de réunions et puis ça a été annulé au dernier moment.
Je suis à peu près sûr que c’est à cause de certaines de mes vues sur le début de la Genèse ou en eschatologie, je ne sais pas, l’une ou l’autre qui ne plaisait pas à certains professeurs, que la chose a été annulée.
Mais j’ai très peu souffert, donc je ne peux pas vraiment me plaindre.
Mais c’est vrai que j’ai rencontré une certaine opposition.
J’ai essayé de ne pas être provocant, de ne pas mettre trop d’agressivité quand je plaidais pour des choses qui n’étaient pas très couramment reçues, mais je ne peux pas dire que j’ai souffert.
D’accord.
Le ministère, c’est un lieu où on a des convictions.
On entre dans le ministère par appel du Seigneur, mais par conviction aussi.
Le ministère pastoral, le ministère d’enseignement, parfois en fait on est tout feu tout flamme et on a envie de défendre beaucoup de ses convictions.
Est-ce que vous, vous aviez des convictions, peut-être j’ose utiliser le mot combat au début, que petit à petit vous avez dû laisser tomber et si oui, pour quelle raison ?
Je pense que j’ai pu clarifier les éléments de mes convictions très tôt, effectivement dans le temps de mes études, peut-être immédiatement après, quand même certains points tout à fait déterminants de ma vision de l’enseignement biblique se sont précisés et j’ai eu là des changements.
Par exemple, c’est un des premiers changements sur l’anthropologie biblique.
Je sais que mon père s’était à ce moment-là un tout petit peu inquiété en disant « on y change très vite », mais après cette période de mise en place, je crois que j’ai très peu modifié.
Très peu modifié, c’est plus peut-être dans la manière de faire que j’ai cherché toujours plus d’hyrénisme dans la forme que j’ai pu évoluer.
J’ai pu évaluer aussi favorablement certaines autres positions, mais sans que les miennes changent beaucoup, en tout cas selon l’impression que j’en ai eue.
Oui, c’est quelque chose qu’on ressent et qu’on voit dans vos écrits, la charité.
Quand je reprends des notes que j’ai écrites il y a 40 ans, je n’ai pas l’impression d’avoir changé.
Alors on dit qu’il n’y a que les imbéciles et les morts qui ne changent pas.
Super, merci beaucoup Henri Blocher.
Voilà, merci.
Merci !
Actuellement à la retraite, Henri Blocher est certainement le théologien évangélique français le plus connu et apprécié. Il a été doyen de la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-sur-Seine, où il a enseigné la théologie systématique pendant de nombreuses années. Il a été professeur de théologie systématique au Wheaton College, aux États-Unis pendant la période 2003-2008. Il est président de l’Association Européenne de Théologiens Évangéliques et auteur d’ouvrages théologiques.
Aurélien Lang a suivi une formation en théologie à l’Institut Biblique de Genève (IBG) et obtenu un master de recherche à la faculté Jean Calvin de Aix-en-Provence après des études de droit à Toulouse, . Il travaille actuellement à l’implantation de l’Église Grenoble-Est. Il enseigne également une partie du cursus d’herméneutique à l’IBG. Avec Chloé, ils ont trois garçons.