C’est là une des objections les plus couramment avancée à l’encontre du christianisme, notamment par nos amis musulmans. Et en effet, la question n’est pas illégitime puisque, d’une part le terme « trinité » ne se trouve nulle part dans la Bible, et c’est également le cas d’autres termes centraux dans l’élaboration du dogme trinitaire, comme par exemple « hypostase » ou « consubstantiel », et d’autre part parce que ces termes ne sont définitivement fixés qu’à l’occasion du premier concile de Constantinople, en 381. Est-il donc vrai que la trinité n’est qu’une construction humaine tardive ?
Transcription
La trinité est-elle une construction humaine tardive ?
C’est là une des objections les plus couramment avancée à l’encontre du christianisme, notamment par nos amis musulmans. Et en effet, la question n’est pas illégitime puisque, d’une part le terme « trinité » ne se trouve nulle part dans la Bible, et c’est également le cas d’autres termes centraux dans l’élaboration du dogme trinitaire, comme par exemple « hypostase » ou « consubstantiel », et d’autre part parce que ces termes ne sont définitivement fixés qu’à l’occasion du premier concile de Constantinople, en 381. Est-il donc vrai que la trinité n’est qu’une construction humaine tardive ?
Pour y répondre, nous diviserons la question en deux sous-questions. Premièrement, la trinité est-elle une construction humaine ? Deuxièmement, la trinité est-elle une élaboration tardive ?
Premièrement donc, la trinité est-elle une construction humaine ?
Poser cette question revient finalement à nier que la trinité soit une doctrine biblique. Or, nous avons déjà consacré une émission là-dessus : la trinité est bien une doctrine biblique ! Pour rappel, la trinité consiste en l’affirmation de l’existence d’un seul et unique Dieu, en trois personnes distinctes et égales. Or, tous ces éléments s’appuient sur de nombreux versets bibliques qui en soutiennent la véracité.
La seule chose que l’on ne trouve donc pas dans la Bible, c’est une définition précise et technique de la trinité. Tous les éléments constitutifs de la trinité sont bien présents dans le texte biblique, mais ils ne sont pas arrangés de telle sorte à former une définition, et sont présentés dans un langage qui n’est pas un langage technique. C’est par nécessité de clarté, notamment face aux diverses hérésies qui se présentaient au regard de la trinité, que les théologiens chrétiens des premiers siècles se sont vus tenus d’organiser ensemble ces éléments trinitaires répartis dans l’ensemble du corpus biblique pour en constituer une définition précise, laquelle exigeait alors de la technicité. Ce faisant, ces théologiens n’ont rien ajouté à l’enseignement biblique, ils n’ont fait que le préciser. Prétendre le contraire, ce serait un peu comme prétendre que la première personne à avoir présenté l’eau comme étant de l’H2O a inventé l’eau. Rien n’est plus faux. La formule chimique de l’eau H2O n’invente rien, le concept d’eau existait déjà, et chacun était en mesure de l’utiliser et de le comprendre, mais certainement pas avec toute la finesse et la technicité que cette formule chimique a apportée. Il en va de même pour la trinité. Les conciles de Nicée et Constantinople n’ont rien inventé, ils n’ont fait qu’apporter de la précision et de la technicité pour enrichir la compréhension que chacun pouvait déjà avoir de la trinité.
Oui mais alors, justement, venons-en à notre deuxième point : est-ce que chacun avait déjà cette compréhension depuis le début du christianisme, ou a-t-il fallu tout de même attendre le quatrième siècle ?
Ici, je passerais à nouveau outre les versets appuyant la compréhension qu’en avaient les auteurs bibliques et leurs auditeurs. Intéressons-nous plutôt aux générations suivantes de chrétiens.
Prenons, pour commencer, l’exemple de la Didachè, un document chrétien datant au plus tard de la fin du Ier siècle, et qui reprend la formule trinitaire du baptême « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Citons ensuite Clément de Rome qui, toujours à la fin du Ier siècle, écrit : « N’avons-nous pas un seul Dieu, un seul Christ, un seul esprit de charité répandus sur nous, une seule vocation dans le Christ ? » (1 Clément 46.6). Terminons avec quelques citations plus conséquentes et précises : d’abord de Justin Martyr, chrétien du IIe siècle : « De là vient qu’on nous appelle athées. Athées, oui certes, nous le sommes devant de pareils dieux, mais non pas devant le Dieu de vérité, le Père de toute justice, de toute pureté, de toute vertu, l’être de perfection infinie. Voici le Dieu que nous adorons, et avec lui son Fils qu’il a envoyé et qui nous a instruits, et enfin l’Esprit prophétique. » Première apologie, VI. « Avec ce Dieu suprême nous adorons encore deux autres personnes : celui qui est venu pour nous enseigner sa doctrine, Jésus-Christ notre maître, crucifié en Judée sous Ponce-Pilate, du temps de Tibère-César, véritablement Fils de Dieu ; et enfin l’Esprit prophétique, culte éminemment raisonnable, comme nous vous le démontrerons. » Première apologie, XIII. « Car après Dieu nous adorons et nous aimons le Verbe né du Dieu non engendré et ineffable, puisqu’il s’est fait homme pour nous, afin de nous guérir de nos maux en y prenant part. » Deuxième apologie, XIII.
Il paraît donc clair que, non seulement la doctrine de la trinité n’est pas une invention ou une construction humaine, mais est bien une doctrine éminemment biblique, et que les chrétiens des premiers siècles l’ont toujours confessée.
Nathanaël Delforge est passionné de théologie et de philosophie, il est également le créateur et l’animateur de Kurious, une chaîne YouTube d’apologétique chrétienne. Professeur de mathématiques dans le secondaire, il poursuit des études de théologie en parallèle. Il est marié et père d’une petite fille.