Ce que le succès de « Doux et humble de cœur » révèle sur notre compréhension de l’amour de Dieu
J’étais debout au petit matin, buvant un café et profitant d’un de ces moments de tranquillité qu’ont les parents de jeunes enfants, pour m’accorder un moment de lecture. La porte de mon bureau s’est ouverte doucement et mon fils de 4 ans est entré, groggy mais éveillé et réclamant mon attention.
Il s’est assis sur mes genoux et n’a fait que poser sa tête sur mon épaule. La chaleur et la tendresse de ce moment, même dans un espace que j’avais plutôt destiné à mon usage personnel, étaient bouleversantes, même après les moments difficiles que nous avions eus avec lui la veille. Père et fils avaient terminé cette journée-là sur une note de frustration.
Mais peu importe. Les difficultés d’écoute et d’obéissance de la veille n’ont pas atténué la joie de voir mon fils dans mes bras. Rien n’aurait pu me faire accueillir ce garçon dans mon fauteuil plus que la simple réalité qu’il était mon fils.
Doux et humble de coeur
Dane Ortlund
Doux et humble de coeur
Dane Ortlund
« Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. » Matthieu 11.28
Les chrétiens peuvent facilement avoir l’impression que Jésus est perpétuellement déçu et frustré par leur marche chrétienne, voire qu’il est même sur le point de les abandonner. Ils savent ce que Jésus a fait pour eux, mais ils ont souvent une connaissance superficielle de sa personne. Quels sont les sentiments qui l’animent lorsqu’il considère les péchés et les échecs de son peuple ?
Dans Matthieu 11, Jésus se décrit comme étant « doux et humble de cœur », désirant ardemment que son peuple trouve le repos en lui. Ce livre s’inspire de ses paroles, plongeant dans les passages de la Bible qui parlent de l’affection de Christ pour les pécheurs afin d’encourager les croyants las et chancelants dans leur cheminement vers le ciel.
Est-ce ça que la Bible veut dire lorsqu’elle révèle que Dieu est notre Père ? Si c’est le cas, alors je pense que pendant la majeure partie de ma vie chrétienne – passée dans l’évangélisme conservateur, à prendre la doctrine et le péché aussi sérieusement que possible – je suis passé à côté de ça. Je n’ai pas réussi à tenir compte de l’amour de Dieu.
Cela vous semble-t-il étrange ? Les gens cherchent-ils vraiment à « cerner » l’amour de Dieu ? Ne devrions-nous pas nous concentrer plus sur la colère, la sainteté ou la justice de Dieu ? Je pense que si l’idée de prendre en compte l’amour de Dieu nous rend nerveux, ce n’est pas l’idée qui est mauvaise, mais nous. Nous devons faire face à l’amour de Dieu. Et je ne suis pas sûr que les Réformés évangéliques conservateurs et aient excellé dans ce domaine.
Ce Jésus nous a manqué
Pourquoi est-ce que je dis cela ? L’une des raisons est le succès étonnant de l’ouvrage de Dane Ortlund. Au moment où j’écris ces lignes [NDE : mars 2021, l’ouvrage ayant été publié en avril 2020 sous le titre : Gentle and Lowly : The Heart of Christ for Sinners and Sufferers], le livre s’est vendu à plus de 216 000 exemplaires. Je suis – je le dis ouvertement – employé par l’éditeur du livre, Crossway, mais je n’ai pas été directement impliqué dans la production ou le marketing du livre. En d’autres termes, je ne peux m’attribuer aucun mérite.
J’ai eu de nombreuses conversations sur Doux et humble de cœur, souvent avec des amis et des membres de ma famille qui ont un héritage similaire au sein de l’évangélisme. Nous avons tous lu l’argumentaire d’Ortlund selon lequel nos péchés et nos luttes, loin de repousser Jésus, l’attirent plus près de nous. Nous avons réalisé que ce n’était pas notre conception prédominante de Jésus.
Pourtant, peu de livres utilisent aussi richement les Écritures ou s’appuient autant sur des grands saints que Doux et humble de cœur. Il ne s’agit pas d’une théologie innovante ni d’un livre de dévotion. En lisant ce livre, j’ai pensé à plusieurs reprises : « Ce n’est pas correct ; ça doit forcément être une vision postmoderne de Jésus ».
Puis j’ai réalisé que telle ou telle déclaration n’était rien de moins qu’un passage de l’Écriture ou les propos d’un puritain comme Thomas Goodwin, John Owen ou John Bunyan. La Bible nous enseigne que c’est vraiment comme ça que Jésus entre en relation avec ceux qu’il a rachetés. Nos ancêtres chrétiens le croyaient et l’enseignaient.
Comment avons-nous pu rater ça ?
Je suis sûr qu’il existe de nombreuses réponses valables. L’une d’entre elles est peut-être que, pour certains évangéliques Réformés, confronter le monde aux aspects les plus difficiles de la vérité biblique est devenu une priorité théologique plus importante que de se prélasser dans la chaleur de midi des promesses de l’Évangile.
Il y a quelque chose dans la souveraineté totale de Dieu, l’exclusivité du Christ, ou les réalités de l’enfer et du jugement, qui invite le mépris des incroyants d’une manière qui semble vivifiante. Parce que nous croyons que ces doctrines tracent les véritables lignes de démarcation entre les brebis et les boucs, nous en chargeons nos cœurs et les opposons même à des doctrines telles que la grâce généreuse, l’insondable tolérance et le plaisir stupéfiant que Christ éprouve vis-à-vis de son peuple. Ce sont des vérités que nous reconnaissons mais que nous considérons parfois comme plus appropriées pour les chrétiens libéraux.
De l’espoir pour les personnes épuisées
Cela n’a rien de nouveau ni de surprenant. Paul s’attendait à ce que les chrétiens de Rome déduisent de son exposé sur la justification par la foi que nous devrions pécher encore plus pour que la grâce surabonde. L’idée que la peur et la loi sont ce qui motive réellement l’obéissance, et que la grâce et le pardon sont des obstacles à l’obéissance est inscrit dans nos consciences qui recherchent une justice humaine de la même manière que l’est l’antinomisme.
Mais bien sûr, la peur et la loi ne peuvent pas suffisamment motiver l’obéissance, même si nous essayons d’y parvenir. C’est exactement la raison pour laquelle Jésus dit que son esprit doux et humble offre du repos aux personnes fatiguées et chargées.
Lorsque nos intuitions disent que les promesses et les miséricordes de Christ sont la cerise sur le gâteau, mais que nos obligations et nos performances sont ce qui compte vraiment, nous finissons chaque journée avec un sentiment d’épuisement.
Pourtant, cet épuisement peut, paradoxalement, devenir une dépendance. De même qu’une conviction profonde de la douceur du cœur du Sauveur débloque des capacités de grâce envers les autres, de même une sanctification axée sur la performance entraine un sentiment de domination sur les autres. Si nous acceptons de tout cœur le portrait de Jésus dessiné dans Doux et humble de cœur, il transformera notre façon de voir les autres, et nous libérera de la comparaison, du légalisme et de la colère, des « péchés respectables » auxquels nous nous accrochons souvent.
Si nous acceptons le portrait de Jésus dessiné dans Doux et humble de cœur, il transformera notre façon de voir les autres.
En lisant Doux et humble de cœur j’ai été choqué de réaliser que quelque chose dans ma théologie et ma pratique m’avait conditionné à résister à ce que la Bible dit vraiment sur la façon dont nous traitons les autres, de la même façon que cela m’avait conditionné à passer à côté de ce que la Bible dit de Jésus. Les déclarations fortes sur son amour ardent pour moi sonnaient comme un faux enseignement, car j’avais l’habitude d’écouter la Bible pour apprendre pourquoi les mauvaises personnes ont tort.
Je devrais plutôt écouter ce que mon Créateur pense vraiment de moi. Mon anticipation d’une guerre culturelle m’avait donné les bonnes réponses mais la mauvaise image de mon Sauveur. J’avais fait le tour de toutes les doctrines difficiles concernant Dieu, sauf son amour pour un raté misérable, gâté et décevant comme moi.
C’est pourquoi je lis Doux et humble de cœur avec l’empressement larmoyant de quelqu’un qui trouve une source d’eau douce après des jours dans le désert. C’est aussi la raison pour laquelle, chaque fois que mon petit garçon de 4 ans ouvre la porte pour ne rien faire d’autre que s’asseoir sur mes genoux, je le serre fort dans mes bras et j’essaie de me rappeler que mon Père céleste ressent pour moi ce que je ressens pour ce garçon. Mon cœur se repose, ma volonté s’éveille, et ma fierté fond.
Traduction : Joshua Sims