Depuis quelques années une nouvelle conception de l’épanouissement de l’être humain a fait son entrée dans l’église : le fait de prendre soin de soi-même. L’expression « prendre soin de soi » est aujourd’hui l’un des termes les plus couramment utilisés pour parler de la santé personnelle et spirituelle, et elle revêt des significations différentes selon les personnes. Elle peut être utilisée pour faire référence à des besoins de base tels que le sommeil et l’exercice, le visionnage d’une nouvelle série ou des retraites de prière dans les bois.
En apparence, le soin de soi-même semble être une cause irréfutable- il est bien évident que l’on doit prendre soin de soi-même. Mais quand les messages culturels en matière de soin de soi-même ne sont pas encadrés par les principes bibliques du soin mutuel des croyants, ils nous affectent négativement en tant que personne, et affectent aussi la culture d’une église en tant que communauté. L’église qui donne la priorité au soin de soi plutôt qu’au soin des autres souffrira de relations superficielles, d’une mauvaise compréhension de la sanctification et d’une complaisance dans l’évangélisation.
Trouver l’équilibre entre prendre soin de soi et prendre soin des autres
La beauté de l’Évangile rayonne quand nous ne vivons plus désormais pour nous-mêmes, mais quand, par amour, nous avons un souci des autres qui procède d’un cœur transformé (2 Cor. 5:11–21). Après tout, la croissance spirituelle commence dans le cœur, mais elle se manifeste par diverses expressions d’attentions accordées aux autres (Col. 3:1–4:6).
Il ne s’agit pas de choisir entre l’un et l’autre. Nos églises devraient donner la priorité au développement sain du moi, mais le faire avec prudence, de peur de négliger la beauté et l’appartenance mutuelle qui se manifestent lorsqu’une église locale met en pratique les commandements du Nouveau Testament relatifs à l’entraide mutuelle.
La croissance a besoin d’amis
Prendre soin de soi-même sans prendre soin les uns des autres a peu de chance de produire des relations profondes et empreintes de vulnérabilité. Bien au contraire, cela encourage l’isolement et la protection de soi. Si elle ne traite pas cette tendance, une église peut devenir un endroit rempli d’individus mais pas de frères et sœurs. Les responsables de l’église doivent s’engager de manière unifiée à développer l’ensemble du corps et pas seulement certaines de ses parties. Le développement d’une personne entière doit advenir dans le contexte de la vie du corps de l’église entière.
Appartenir à une église locale signifie avoir beaucoup de relations. Les membres ne s’engagent pas simplement à assister aux cultes ensemble, mais à s’engager dans la vie des uns et des autres (Héb. 10:24-25). Cela demande de l’initiative et de la capacité à se rendre vulnérable, en allant les uns vers les autres dans le but de s’entraider (Rom. 12:3-13). Prendre soin les uns des autres offre une dynamique essentielle(Col. 1:28–29; 1 Thess. 5:14) et nécessaire à la croissance spirituelle. Une communauté ecclésiale catalyse la croissance : nous nous aidons les uns les autres à comprendre et à appliquer la Parole de Dieu (Col. 3:16). L’apport mutuel, l’encouragement et la réprimande contribuent à la sanctification collective.
Le souci du seul soin de soi peut conduire une église à se concentrer sur les marqueurs individuels de croissance plutôt que sur les marqueurs communautaires. Bien que la croissance spirituelle se produise dans les cœurs individuels, nous ne pouvons pas oublier que ce changement se produit dans le contexte d’une communauté où les interactions avec les autres nous poussent à vivre en dehors des lignes directrices que nous nous sommes imposées.
Pas d’amitié ‘professionnalisée’
Dans notre culture, l’obsession pour les soins personnels peut, par inadvertance, faire du bien-être personnel l’objectif de toute amitié. Certaines personnes aujourd’hui sont tentées d’éviter les relations qui pourraient leur coûter du temps et de l’énergie. D’autres recherchent des relations avec des gens qui sont « bien connectés » et n’interagissent de façon vulnérable que dans un cadre professionnel.
Les relations professionnelles peuvent jouer un rôle stratégique dans le processus de sanctification d’un chrétien, mais dans l’église, nous avons des relations entre égaux fondées sur un engagement commun à l’égard des principes bibliques. À long terme, ces amitiés ordinaires qui donnent et reçoivent des soins constituent la partie la plus significative de notre croissance et de notre transformation.
La croissance requiert une orientation joyeuse vers l’extérieur
La tentation de négliger le soin mutuel influence nos relations non seulement avec les membres de l’église, mais aussi avec ceux qui sont en dehors.
Les amitiés ordinaires qui donnent et reçoivent des soins constituent la part la plus significative de notre croissance et de notre transformation.
L’évangélisation est souvent exigeante et intimidante. Accorder trop d’importance au soin de soi-même pourrait décourager les efforts d’évangélisation qui semblent trop exigeants pour le chrétien individuel. Mais, de manière contre-intuitive, la croissance spirituelle et le bien-être d’un disciple de Christ sont renforcés lorsqu’il s’engage dans le monde perdu en étant porteur de l’espoir de l’Évangile. Éviter l’évangélisation (ou simplement essayer de la rendre plus facile) ne conduira pas à l’épanouissement à l’intérieur ou à l’extérieur de l’église. L’évangélisation fidèle, en revanche, mène à la joie.
Notre cheminement de disciple doit être holistique. Ne laissez pas un souci excessif du soin de soi-même détourner votre église de son chemin. Cultivez dans votre église les types de relations qui permettront à la fois de développer le moi de chacun et d’édifier le corps du Christ.