Imaginez que l’on vous pose la question suivante : « Si, compte tenu de vos connaissances et expériences actuelles, vous pouviez revenir en arrière, voudriez-vous un enfant ? » C’est cette question que la sociologue Orna Donath a posé à une trentaine de mères de tous âges, il y a quelques années, et qui a abouti à son livre « Regretting Motherhood » [Le regret maternel][1] qui fut l’objet d’une vraie déflagration médiatique. Dans ce panel, 23 mères sur les 30 interrogées ont répondu par la négative. La conclusion de cette étude est sans appel : aujourd’hui, certaines mères expriment le regret d’avoir choisi la maternité. De nombreux articles et podcasts reprennent ce terme de « regret » pour parler du sentiment de vivre la maternité comme un poids trop lourd à porter. C’est aussi le sujet du livre d’Astrid Hurault de Ligny, dans lequel on lit « J’aime mon enfant plus que tout au monde, mais il n’est pas question d’amour ici, c’est ce rôle de mère que je regrette. Avec toutes les connaissances que j’ai aujourd’hui sur la maternité, si je pouvais remonter dans le temps, je choisirais de ne pas avoir d’enfant. »[2]
Que pensez-vous de cette description ? Qu’auriez-vous répondu à la question d’Orna Donath ? Il est certain que plusieurs d’entre nous, sans exprimer si ouvertement ce ressenti, se retrouvent (en partie au moins) dans ces témoignages. Vous vous dites peut-être qu’il est douloureux et épuisant de supporter cette ambivalence : vous aimez votre enfant, mais n’aimez pas être maman. Si c’est vrai pour vous, n’en restons pas là, tournons-nous vers la Parole, éternellement vivante et pleine d’espoir et de sagesse pour restaurer ce rôle de mère entaché par la chute.
Ce que le regret maternel n’est pas
- le regret maternel n’est pas la dépression post-partum
Le regret maternel est à distinguer de la dépression post-partum, qui doit être diagnostiquée et prise en charge. La dépression post-partum perturbe la capacité des femmes à s’occuper d’elles-mêmes et de leur nourrisson. Les mères peuvent se sentir très anxieuses et angoissées et il est primordial de ne pas passer sous silence une telle souffrance[3].
- le regret maternel n’est pas le burn-out parental
Le regret maternel est aussi à distinguer du « burn-out parental » ou épuisement parental. Puisque la parentalité est forcément source de stress, auquel nous ne sommes pas toujours préparés, il est normal de se sentir parfois dépassés. Mais les parents qui se reconnaissent dans le descriptif du burn-out, font état d’épuisement physique et émotionnel. Cet épuisement peut avoir comme origine la pression ressentie, accentuée par les écrits de nos contemporains spécialistes de la petite enfance. Voici ce que décrivent deux psychologues : « Nous, les psys, avons notre part de responsabilité dans cette histoire… Au cours du XXe siècle, nous avons écrit des milliers de pages sur l’attachement entre les mères et leurs enfants. Nous y avons souligné à quel point ce lien était important pour mener une vie équilibrée.»[4] Que ce soit pour la dépression ou le burn-out, plusieurs facteurs extérieurs aident à comprendre ce qui se joue, et un soutien (diagnostic médical, traitements concrets, médicamenteux ou non) doit être mis en place.
D’où vient le regret maternel ?
Les mères qui expriment un regret d’être parent ressentent aussi une forme d’épuisement, mais c’est au niveau des causes que cette notion diffère de la dépression ou du burn-out.
- une motivation du cœur
Le regret maternel est souvent ressenti dans un contexte décrit comme très lourd : grande charge de travail, perte d’indépendance, vie sociale bouleversée. Mais ce contexte n’est pas premier responsable du regret. Nous allons explorer dans les points suivants la forte influence du discours ambiant, mais soyons certains en premier lieu de ceci : nous ne sommes pas victimes passives de ces discours. Ceux qui marchent avec Dieu doivent rester vigilants envers les faux conseils pour discerner ce qui est bon et ce qui fait chuter. Ceci est vrai pour tous les domaines de nos vies, et cela nous concerne tous, que nous éprouvions du regret ou non. Mais si je regrette le fait d’avoir eu des enfants, j’ai besoin d’en examiner les raisons en cherchant ce qui n’honore pas Dieu, le péché que je dois confesser. Cherchons d’abord dans nos cœurs : quel domaine de ma vie ai-je entretenu comme une idole dans mes pensées ?
- un discours récent
- l’émergence de l’individualisme expressif. Ces vingt dernières années ont vu un changement profond dans la manière de se considérer soi-même, et d’exprimer nos ressentis. Comme l’explique le professeur Carl Trueman[5], exprimer ce que l’on ressent n’a rien de mauvais en soi. Ce qui nous tend un piège, c’est lorsque l’émergence de l’individualisme expressif a pu “dériver vers l’idée que le sens de la vie est avant tout thérapeutique. À partir de là, tout devrait avoir vocation à me rendre heureux et à favoriser mon épanouissement psychologique.” Le regret maternel est un marqueur de ce changement sociétal qui glorifie l’individu et recherche le bien-être personnel avant tout. Cette évolution sociale explique par exemple que, contrairement à nous, nos grands-parents ne se posaient pas la question du bien-être au travail en termes de “plaisir” ; la vraie question était : ce travail leur permettait-il de subvenir à leurs besoins ?[6] Dans ce cadre, l’enfant est considéré comme un projet avec un potentiel à faire développer, mais aussi une source de gratification personnelle. Cet impact sur la parentalité est récent. Par contre, notre vulnérabilité aux discours que véhicule la société ne date pas d’hier. Paul, dans ses épîtres, parlait déjà des discours trompeurs dont il faut se garder : “Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une vaine tromperie, s’appuyant sur la tradition des hommes, sur les rudiments du monde, et non sur Christ.” (Col 2.8).
- l’impact du relativisme De nos jours, il n’existe plus de cadre objectif qui permette de définir ce qui est juste ou pas. Ce cadre, nous l’avons rejeté, préférant donner la primauté à notre expérience personnelle, à notre ressenti subjectif.
Aux parents, il est bien donné un cadre pour pouvoir exprimer un ressenti, ce qui n’est pas mauvais. Malheureusement, ils sont privés de tout soutien qui donnerait des clés pour changer. Le vécu d’une mère qui regrette d’avoir eu des enfants est entendu, mais aucune remise en question de cette émotion n’est autorisée. Voilà pourquoi un parent qui qualifie son vécu avec ses enfants de « cauchemar » ou d’« aliénation » a pour seul réconfort qu’il n’est pas le seul à vivre ces choses ; mais aucun espoir d’en être libéré n’est évoqué.
Il y a un paradoxe dans le discours ambiant sur le parentalité : cherchez votre épanouissement à tout prix, et si la parentalité est une entrave, questionnez-la ; mais soyez tout de même des parents parfaits. Ce paradoxe a teinté notre regard sur la maternité. Il fait de celle-ci, avant tout, une expérience personnelle alors qu’en réalité, nous devrions la voir comme une manifestation de la souveraineté de Dieu, un aspect de nos vies qu’il a choisi de nous faire vivre. La question est donc : allons-nous soumettre ce domaine au conseil de Dieu ou le soumettre au conseil du discours ambiant, sans le questionner ?
La maternité est bien plus qu’une expérience
Tous les témoignages sur le regret maternel utilisent le mot « expérience » pour parler de parentalité. Cette analogie réduit le fait d’être parent à un domaine comme un autre d’une vie où nous pouvons explorer un tas de champs divers. En vivant ainsi la parentalité, il nous est plus difficile de gérer nos inévitables soucis, frustrations et erreurs. Car choisir de mettre fin à ce qui ne nous fait pas du bien est désormais considéré comme normal. Pourtant, contrairement à tant d’autres domaines que nous choisissons d’expérimenter, nous ne pouvons pas simplement arrêter d’être parent si nous le voyons comme un échec.
La maternité n’est donc pas une simple expérience. C’est un appel de Dieu à prendre soin des enfants qu’il met dans nos vies et à les conduire à Jésus. Oui, la maternité nous perturbe, nous révèle nos péchés et nous change ! Mais c’est une vocation qui rapporte des dividendes éternels. Une vocation sur laquelle Dieu est maître. À toutes les mamans submergées par la maternité, Dieu rappelle : « Car nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus-Christ pour de bonnes oeuvres, que Dieu a préparées d’avance, afin que nous les pratiquions. » (Éph 2.10)
Nous pouvons toujours choisir quelle voix nous allons écouter parler à nos cœurs. Quelle est la voix qui nous parle le plus ? Celle de ce discours qui élève notre épanouissement personnel et notre vécu personnel comme droit et norme suprême, ou la voix de notre Dieu, bon père au-dessus de tous les parents, créateur et donateur de ressources infinies?
Libérées de nos regrets
- renouveler nos pensées
La Parole nous appelle à soumettre toutes nos pensées à Christ : “Nous renversons les raisonnements et toute hauteur qui s’élève contre la connaissance de Dieu, et nous amenons toute pensée captive à l’obéissance de Christ.” (2 Co 20.5)
Quel que soit notre parcours jusqu’à aujourd’hui, nous pouvons dès maintenant demander à Dieu de changer nos pensées et nous donner la sagesse d’y discerner les raisonnements mauvais. Le regret maternel n’est pas une fatalité. Notre Dieu est plus que suffisant pour nous donner, par sa grâce, le moyen de nous restaurer et nous donner une nouvelle vision.
Nous sommes aussi appelées à combattre ces pensées, afin de parvenir à aimer ce que Dieu aime (la maternité en fait partie) et non ce que le monde aime (la recherche d’épanouissement personnel). “Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait.” (Rom 12.2)
Oui, la maternité est une bonne chose, voulue par Dieu et source de joie (Ps 127.3), pour laquelle il désire vous équiper ! Par ce renouvellement de l’intelligence, vous pourrez vivre la joie d’être mère, quelles que soient les circonstances. L’abondance de joie n’est pas liée à mon sentiment d’accomplissement de mère, mais se trouve dans la présence de Dieu (Ps 16.11).
- se reposer en Christ
“Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur; et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux, et mon fardeau léger.” (Matt 11.29-30) Avez-vous déjà goûté à ce repos? Un repos bien plus efficace qu’un week-end entre amies, ou une
soirée sans enfants à coucher (deux propositions à considérer avec joie si elles se présentent!)
Ce repos se trouve dans l’état de nos cœurs. Me reposer en Christ, c’est dire qu’il est celui qui a tout accompli et dont la force se manifeste dans ma vie. Me reposer en Christ, c’est dire que lui obéir est un joug léger, et être à son service, auprès de mes enfants, est le meilleur endroit où se trouver. Je n’ai pas besoin de ce week-end entre amies pour mon repos, et s’il doit être annulé, je serai certes déçue mais pas accablée comme si l’on m’avait volé ce qui me revient de droit.
Croyez-vous vraiment que votre travail et votre obéissance à Christ sera votre satisfaction ? Avez-vous saisi la portée de son amour, sa mort et sa résurrection, pour votre salut et votre vie, et pour votre joie profonde en attendant de le voir face à face ?
Oui, l’Évangile nous libère de nos regrets. La maternité est sans aucun doute l’une des vocations les plus élevées et mérite que l’on y consacre tout son cœur. Une vocation qui n’est pas un obstacle à la joie, même si cela passe par mourir à soi même (Rom 14 v 7-8) pour nous mettre au service de nos enfants.
Il y a justement une joie et une satisfaction profonde de savoir que nous sommes en train de servir et d’obéir à Dieu, dans une totale dépendance de lui. À vous qui êtes épuisées ou dans le regret de la maternité, il peut dès aujourd’hui renouveler vos cœurs et vos pensées, et vous donner le repos et la joie, en abondance !