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Hier, alors que j’étais vêtu de mon uniforme habituel, un sweat et un T-shirt, et que j’étais allongé aussi confortablement que possible après être rentré de la salle de sport pour faire une sieste matinale, je déclarai à ma femme Gayline: « C’est une journée farniente pour moi ».

Me prenant pour le juge et les jurés, j’interprétais le fait d’‘avoir un fauteuil inclinable, de porter des sweats, de ne pas aller à la salle de sport et de mener une vie inactive aux côtés d’une femme active comme étant de la paresse.

Presque aussi rapidement, ma conscience me condamna, l’Esprit me réconforta, me permettant ainsi de dénoncer ma conscience accusatrice pour ses allégations de « paresse ». Le jugement que je portais sur moi-même était en fait faux. Je n’étais pas paresseux mais limité. La différence est importante.

La vérité sur moi

Bien que l’on me dise régulièrement que je n’ai pas l’air malade, je suis une personne de 64 ans très malade, atteinte d’un cancer de stade 4, qui n’en a plus pour longtemps. Les médecins ne peuvent pas ou ne veulent pas dire combien de temps il me reste à vivre, mais leurs pronostics se situent tous dans la fourchette « moins de cinq ans », voire beaucoup moins. On me dit que mon cancer ne peut pas être guéri et que notre meilleur espoir (à moins que notre Père céleste n’intervienne comme lui seul peut le faire) est qu’il puisse être temporairement ralenti.

Mon auto-évaluation de la paresse a donc été imposée à un homme qui se bat avec un corps affaibli par le cancer et son traitement. Même si j’ai l’air en bonne santé à l’extérieur, je suis désespérément malade à l’intérieur, ce qui fait que c’est un combat pour sortir du lit et ne pas y retourner, sans parler d’aller à la salle de sport.

Cela signifie que, contrairement aux apparences et aux preuves circonstancielles, ce n’était pas une journée  farniente pour moi. C’était une journée limitée. J’avais peut-être l’air paresseux, mais je ne l’étais pas. En effet, ce n’est pas comme si je n’avais pas fait des choses importantes que je pouvais faire mais plutôt que je n’avais pas fait des choses que je ne pouvais même pas faire. Dans le premier cas il est question de paresse. Dans le second, d’une limite. Connaître cette nuance permet de sentir la différence entre la condamnation moralisatrice (de moi-même ou des autres) et la sage et saine conscience de soi.

Pourquoi est-ce important ?

Être « limité », c’est être affligé par quelque chose mais n’être coupable de rien.

Être « limité », c’est être affligé par quelque chose mais n’être coupable de rien. Cependant, dans mon état d’esprit, l’inactivité ressemble à de la paresse, et ne rien faire ou presque ressemble dangereusement à un péché. Mais la paresse et les limites ne sont pas la même chose. La paresse est clairement condamnée dans les Écritures (par exemple, Prov. 18:9 ; 21:25), alors que la conscience des limites et de la finitude est recommandée comme sagesse (par exemple, Ps. 90:1-12). La paresse consiste à fuir son devoir et à affirmer avec orgueil que ça ne se fera pas. L’acceptation de ses limites est l’humble acceptation du fait qu’il n’est pas possible de faire cela.

Si je ne saisis pas la distinction importante entre la paresse et les limites, et si je ne pense pas et ne parle pas correctement de ce à quoi j’ai affaire, je serai confronté à une honte inutile et à une culpabilité implacable – une malédiction pire que le cancer. Il en va de même pour tous ceux qui luttent contre une maladie chronique, débilitante ou en phase terminale. Nous devons être réalistes dans notre auto-évaluation, car une auto-condamnation inexacte est à la fois malavisée et destructrice pour nos âmes.

Si je ne saisis pas la distinction importante entre la paresse et les limites, et si je ne pense pas et ne parle pas correctement de ce à quoi j’ai affaire, je serai confronté à une honte inutile et à une culpabilité implacable

Perdre son emploi peut signifier que l’on ne sort pas de chez soi tous les matins. Allaiter un nouveau-né peut vous obliger à rester assis dans un fauteuil à bascule pendant des heures. Les problèmes de migraines ou d’insomnies peuvent vous amener à dormir alors que le reste du monde est occupé. Il est inutile de se culpabiliser. Ce sont des limites.

Une deuxième application – et celle-ci concerne toute la vie – est que je dois respecter l’image de Dieu dans les autres en rejetant activement les premières impressions que je peux avoir d’eux. Tout observateur qui regarderait Gayline faire plusieurs choses à la fois autour de moi (comment fait-elle ?) alors que je suis confortablement assis dans la Cadillac des fauteuils inclinables télécommandée pourrait facilement en conclure que je suis un paresseux. Mais ils auraient tort. Je suis un homme malade, en dépit de toutes les autres apparences.

Ignorez les apparences. Choisissez la compréhension.

Il nous est arrivé à tous de porter un jugement hâtif sur les autres en nous basant sur nos premiers regards et nos premières impressions. Contrairement à Dieu qui juge toujours avec justice, nous jugeons à tort sur les apparences (1 Sam. 16:7 ; Prov. 31:30 ; Isa. 11:3-4 ; Jean 7:24 ; Jacques 2:1-13 ; 4:11-12 ; 1 P. 3:3-4). Nos jugements tuent nos relations, nos mariages, notre rôle de parent, notre vie d’église, nos interactions interculturelles et notre unité en Christ.

Refusez de préjuger qui que ce soit en fonction des apparences et des distinctions humaines. Choisissez plutôt d’apprendre à connaître et à comprendre les gens.

Il existe une meilleure façon de procéder. Refusez de préjuger qui que ce soit en fonction des apparences et des distinctions humaines – qu’il s’agisse de distinctions de classe, de culture, de couleur, de condition ou d’une autre variété. Choisissez plutôt d’apprendre à connaître et à comprendre les gens. Engageons-nous à porter sur nous-mêmes et sur les autres des jugements conformes à la vérité et à la compréhension, tout en baignant dans la grâce et en faisant preuve d’une capacité d’indulgence presque illimitée.

Sinon, les gens comme moi qui sont coincés dans leurs fauteuils de relaxation (ou dans d’autres difficultés, injustices ou afflictions inquiétantes) mourront de mille condamnations – et ce n’est pas le cancer qui les tuera. Les coupables seront nos autocritiques ainsi que les condamnations silencieuses d’autres personnes qui ne savent pas de quoi ou de qui elles parlent et qui s’imaginent pourtant être les juges autoproclamés de tous.

 

Traduction : Anaïs Visca

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