La petite sœur du futur Henri IV naît à Paris en 1559, et reçoit le prénom de sa marraine, la reine de France Catherine de Médicis. Sa naissance arrive au moment où ses parents, le couple royal de Navarre, Jeanne d’Albret et Antoine de Bourbon, jadis très amoureux, sont en grand conflit. Son père, d’abord séduit par une autre femme, continue sa dégringolade en acceptant un pot-de-vin du cardinal d’Armagnac qui le retourne contre les réformés. De son côté, sa mère qui, jusqu’à là était restée catholique, à force d’entendre la Parole de Dieu penche pour les principes réformés. Pendant ce schisme familial, Catherine reste près de sa mère dont la vie entière tourne désormais autour de sa nouvelle foi, ce qui va l’influencer profondément dans ses propres convictions religieuses.
À l’école de sa mère
La reine de Navarre a déjà vu trois de ses enfants décéder très jeunes. De retour à Pau, la santé de Catherine la préoccupe. Elle fait construire un petit château dans le parc pour permettre à la petite de prendre l’air, tout en la protégeant des aléas du climat, et engage des artistes pour tailler les buis du parc de façon à lui apprendre des histoires bibliques. Deux de ces grandioses mises en scène, l’arche de Noé et Jonas avalé par un grand poisson, restent dans le souvenir collectif comme étant fort excentriques. La fillette qui aimait danser, malgré une malformation de naissance, devait bien s’amuser devant un tel décor.
La petite princesse aura de nombreuses occasions d’apprendre de sa mère à faire confiance en Dieu même dans les circonstances les plus difficiles. Elle a cinq ans lorsque le pape Pie IV, ayant entendu que la religion réformée s’était propagée largement dans le Sud-Ouest, donne six mois à la reine de Navarre pour venir se justifier. Jeanne d’Albret ne bouge pas. Avec ce refus, les cardinaux d’Armagnac et de Lorraine montent un complot avec le roi des Espagnes pour la capturer avec ses deux enfants. Miraculeusement avertie à temps, la famille royale quitte précipitamment Pau pour Nérac, leur demeure plus au nord.
Quatre ans plus tard, pour échapper à la surveillance de l’impitoyable envoyé du roi de France, Monluc, ce sera une fuite par chemins détournés jusqu’à La Rochelle. Pendant ce séjour on découvre qu’à neuf ans Catherine est déjà capable de répondre avec amabilité aux propos agressifs d’un enfant illégitime de son père. Cette altercation inopinée dans la rue n’empiète pas sur sa joie de vivre ; elle poursuit sa visite de la ville portuaire et s’émerveille devant les jolies petites choses dans les boutiques. Elle apprécie surtout les bijoux étincelants en forme d’animaux que sa mère ne manquera pas de lui acquérir. La générosité de son cœur se manifestera lorsque ces objets, bien que chéris, seront offerts par la suite aux personnes qui croisent son chemin.
Le plus pénible des voyages vient lorsqu’à 13 ans Catherine accompagne sa mère à Paris pour négocier le mariage de son frère avec la sœur du roi de France. Vu l’urgence de sceller la paix, le déplacement est entrepris au plus froid de l’hiver sur un chemin quasi impraticable à cause de la boue. Quelle épreuve d’être baladée dans un carrosse pendant des semaines ! L’ennui est interrompu par un incident amusant lorsque le cortège se fait doubler par l’émissaire du pape qui veut arriver à la table des négociations avant eux. Bien entendu, il ne se donne pas la peine de les saluer. D’ailleurs, si occupé à les contourner, il ne voit pas tomber une caisse de sous ! Ô, comme il sera fort contrarié que ce soit un serviteur de la reine de Navarre qui lui restitue son bien…
L’accueil à Paris laisse à désirer. La santé de Jeanne d’Albret en pâtit. Bien malade elle aussi, Catherine se trouve alitée dans une chambre voisine lorsque sa mère décède. Malgré son état et son jeune âge, le protocole oblige qu’elle s’arrache du lit et se rende au Louvre pour annoncer ce décès en personne au roi de France Charles IX.
Consensus et fermeté
Henri – désormais le roi de Navarre – rejoint la capitale deux mois plus tard pour le mariage. Tout Paris se moque de sa tête et de ses manières campagnardes peu dignes d’un roi. Même les animateurs de la fête du mariage se permettent de s’en prendre à lui en raillant sa religion par des pièces de théâtre et des chansons désobligeantes. Au lieu de se braquer, Henri rit avec eux.
L’apparente insouciance d’Henri prend fin lorsque l’on vient chercher ses compagnons en pleine nuit pour les passer au fil de l’épée dans la cour du palais. Pour rester en vie, il abjure sans hésiter la foi réformée, mais sa sœur n’en a rien à faire. Pas question de plier, même pour contenter sa marraine. Puisque la fillette de 13 ans refuse obstinément, Henri intervient pour le faire à sa place.
Pendant quatre ans dans la « prison dorée » du Louvre, Catherine est soumise à l’enseignement catholique. Enfin libérée et en chemin pour le Sud-Ouest, elle dira avec un grand sourire au clergé qui veut la soumettre à une messe : « Non, merci ! J’en ai déjà entendu assez pour toute une vie ! »
La deuxième Réforme en Béarn
Pendant qu’il mène bataille, Henri confie la régence du Béarn à Catherine. Le protestantisme y est aussitôt renforcé, car la foi du peuple se doit d’être celle de son souverain.
Dynamisée par son amour des Écritures, la jeune régente réussit à faire ce que sa mère n’a pas pu : convaincre un imprimeur de s’installer dans son royaume. En le plaçant – non pas près du château de Pau ni à Lescar – mais à Orthez, de toute évidence l’objectif premier est la propagation de l’enseignement réformé. C’est un grand coup de pouce pour l’Académie d’Orthez qui prend son essor et devient université. La Réforme en Béarn connaît un deuxième élan.
Le rêve de mariage et d’enfants
Le testament de Jeanne d’Albret indique qu’Henri devait traiter sa sœur avecbienveillanceet précise qu’il devait lui arranger un mariage protestant. Et c’est bien le rêve de Catherine. Aussi, Henri lui propose un fiancé ; oui… il est protestant.
Le couple fait connaissance et un profond lien se crée. Malheureusement, le jeune homme montre des signes d’ambition politique et Henri se sent menacé. Car, celui qui épouse la sœur unique du roi n’est pas loin d’accéder au trône. Avec l’appui du parti protestant qui est déjà déçu de son règne, celui-ci pourrait vouloir l’éliminer pour y parvenir. Henri met un frein abrupt au projet. Catherine est effondrée. Ô combien elle tenait à ce mariage. Ô combien elle aimerait dorloter son propre petit bout de chou. Avec profusion de larmes elle plaide sa cause et affirme que son enfant ne serait pas un concurrent, mais un fidèle « page ». Mais son frère, oubliant son engagement de bienveillance envers sa sœur, reste implacable.
Henri changera d’avis sur des mariages potentiels autant de fois qu’il aura changé de religion. Le cœur de Catherine est baladé de l’un à l’autre. Les déceptions sont nombreuses. Les années passent et elle s’approche de la quarantaine. Désirant mettre au monde un enfant avant qu’il ne soit trop tard, elle accepte d’épouser un catholique.
L’incompréhension des protestants est grande. On lui tourne le dos. Pourtant, la ténacité des convictions religieuses de la princesse n’est un secret pour personne. Une des conditions posées pour accepter ce mariage est que son frère, devenu le roi de France, fasse des largesses aux protestants dans l’édit de Nantes. Par ailleurs, arrivée dans sa nouvelle demeure, elle refuse avec tellement d’insistance d’assister à la messe que l’on fera venir un pasteur de très loin et une grange sera aménagée en temple. Comme cela ne suffit pas à calmer les rumeurs d’abjuration, elle fait frapper des pièces qui déclarent clairement qu’elle ne quitterait jamais, non jamaisla foi réformée, car elle est « impersuasibilis » !
Avant de la rencontrer, son nouvel entourage avait décidé de la détester. Quelle horreur, une protestante ! Toutefois, malgré son manque de beauté physique, la personnalité gracieuse de la princesse va conquérir tous les cœurs. On ne peut que l’aimer. De son côté, Catherine ne se doute pas que sa belle-famille garde un lourd secret, que le pape exige de se débarrasser d’elle. Son mari ne pourra se résoudre à exécuter cet ordre, car ce « mariage arrangé » était devenu bel et bien un « mariage d’amour ».
Catherine arrive à l’âge de 45 ans quand, persuadée d’être enceinte, elle endurera des maux de ventre sans être correctement soignée. Ainsi décèdera la princesse qui sera pleurée autant par les catholiques que par les protestants.