Les quatre Évangiles ont été caricaturés de toutes sortes de manières, depuis un patchwork déconnecté de l’histoire jusqu’à une collection ésotérique de fables. Ainsi, quand un travail universitaire sérieux, soumis à l’intégrité académique, est publié, un qui met en évidence une profondeur de familiarité avec le texte au-delà des barricades érigées par une spéculation fruste, il constitue toujours une addition bienvenue à des étagères de bibliothèques surchargées. Ce que Patrick Schreiner — professeur assistant de langue et littérature du Nouveau Testament au Western Seminary à Portland, Oregon — fait si bien, c’est de prendre du recul et définir la portée de la lecture des Évangiles d’une manière conforme à ce que le philosophe Mortimer Adler a appelé « la lecture de la lecture ».
Une des clefs pour bien lire les Évangiles est de les lire dans le cadre littéraire de la narration. Les Évangiles nous racontent une histoire qui est cohérente et connectée aux anciennes compréhensions théologiques révélées dans l’Ancien Testament. Cette caractéristique est particulièrement évidente quand on lit l’Évangile de Matthieu. L’ouvrage de Schreiner Matthew, Disciple and Scribe: The First Gospel and Its Portrait of Jesus (Matthieu, disciple et scribe : le premier Évangile et son portrait de Jésus) enseigne au lecteur de Matthieu comment lire la narration de l’évangile dans son contexte à la lumière du commencement de la révélation divine et de la fin eschatologique. Le résultat est une compréhension consciente de Jésus au travers des lunettes des récits de l’Ancien Testament.
« La méthode que Matthieu emploie pour communiquer cette conviction est la « narration de l’évangile » au travers de l’utilisation d’ombres chinoises » (38). Comme le dit un critique du livre, « les ombres chinoises sont, pour Schreiner, un résumé pour savoir la manière dont on doit lire Matthieu. Les ombres chinoises « relient de larges pans de récit plutôt que de simples détails ou points dans l’histoire, » et il a l’intention de montrer qu’en étant sensible aux ombres chinoises qui évoquent des « personnes, des lieux, des choses, des fonctions, des événements, des actions et des institutions de l’AT » (55, souligné dans l’original), émerge une lecture de la narration de l’évangile de Matthieu plus profonde et plus utile.
Ce nouveau regard sur l’Évangile de Matthieu souligne la contribution unique que le portrait riche et multicouche de Jésus, que fait Matthieu, apporte à la compréhension de la relation entre l’Ancien et le Nouveau Testaments. Patrick Schreiner argumente que Matthieu obéissait au Grand Mandat en agissant comme un scribe au service de son maître Jésus, afin de partager la vie et l’œuvre de Jésus avec le monde, formant par cela des disciples pour les générations futures. Le Premier Évangile présente la vie de Jésus comme l’accomplissement de l’histoire d’Israël dans l’Ancien Testament et montre comment Jésus apporte la vie nouvelle dans le Nouveau Testament.
Mais comment une lecture plus approfondie de la narration de l’Évangile de Matthieu aide-t-elle l’église ?
Le lecteur comme disciple
De nombreux lecteurs de la Bible pensent souvent aux Évangiles comme une ancienne version du jeu de société du téléphone. Dans ce jeu, les idées évoluent au travers de la répétition et de l’itération au travers des générations. C’est pourquoi ce qui est dit en Genèse, a peu à voir avec ce qui est écrit dans l’Évangile de Matthieu. Comment cela se pourrait-il ? La corruption du message au travers du temps a été affaiblie au point de l’absence de pertinence. Même s’il y a quelque sorte de connexion ou de répétition dans les mots ou les idées, à coup sûr, ils doivent prendre une nouvelle signification qui diverge des anciennes affirmations avancées autrefois. À la fin, il n’y a plus moyen de comprendre la Bible comme un tout. Cela rendrait la perception et le cadre de l’Évangile semblables à un objectif photographique qui tord l’image plus qu’il ne la met au point.
Ce n’est pas la pensée de Schreiner. Jésus est un « enseignant-sage-rabbi formant une nouvelle école de scribes » (35) ; Matthieu est premièrement et par-dessus tout un disciple, dont les objectif, en écrivant, sont fondamentalement centrés sur le discipulat pratique dans le contexte de la communauté. « Le but de la formation des scribes n’était pas seulement l’alphabétisation et l’apprentissage, mais aussi la formation d’une certaine sorte de personne, » le type de personne qui devient un meilleur disciple de l’« enseignant-sage-rabbi » — Jésus — en devenant un meilleur lecteur (36).
En devenant de meilleurs lecteurs de l’Évangile de Matthieu, les chrétiens deviennent de meilleurs disciples de Jésus puisqu’ils sont transformés en un certain type de personnes, participant à « un certain type de communauté. »
En devenant de meilleurs lecteurs de l’Évangile de Matthieu, les chrétiens deviennent de meilleurs disciples de Jésus puisqu’ils sont transformés en un certain type de personnes, participant à « un certain type de communauté» (247). Des scribes transformés en disciples, selon Schreiner, ne sont pas sauvés pour eux-mêmes, mais « forment une communauté » de disciples qui vont être envoyés parmi les nations pour bâtir une église (36). Ils doivent « être comme leur enseignant et devenir à leur tour, des enseignants qui transmettent le message de Jésus aux générations futures » puisqu’ils sont « appelés à aller, faisant des disciples en les enseignant et en les baptisant » (247). Ils doivent « raconter l’histoire de Jésus, parce que dans cette histoire le nouveau et l’ancien s’articulent ensemble » (241). Ils ont à enseigner comment un « scribe formé comme un disciple comprend, interprète et communique la relation entre le nouveau [testament] et l’ancien [testament] au travers des yeux de Jésus » (250).
Le discipulat comme formation et imitation
Des scribes formés en disciples ne se contentent pas d’enseigner. Ils « incarnent la vie de leur enseignant » (246) qui est « Dieu avec nous » (Matt. 1:23) car, « à moins que votre justice ne surpasse celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez jamais dans le royaume des cieux » (Matt. 5:20). Ils ne se contentent pas de répéter, régurgiter et prouver le texte. Des scribes formés en disciples sont immergés dans l’Écriture, soumis à l’Écriture, ils assimilent l’Écriture, vivent l’Écriture et, par cela, trouvent que leurs pensées sont constamment engagées dans l’Écriture.
Dans un monde où il est possible de connaître bien plus au sujet de l’Écriture et de la vérité que de la sagesse, l’appel de Schreiner à devenir un scribe formé en disciple, fournit un contexte pour développer une attention patiente aux voies tracées par Jésus pour toute une vie engagée dans le marathon pour suivre Dieu.
Une compréhension théologique cohérente de ces idées met en relation et affirme l’authenticité, l’historicité, l’unité et la clarté de l’Écriture Sainte, qui est plus qu’une histoire dépourvue de sens.
Le livre de Schreiner devrait développer une imagination imprégnée de Jésus alors que les lecteurs apprennent à faire attention à Dieu dans la Parole faite chair dans l’Évangile de Matthieu et à aller au-delà d’une lecture superficielle. Son livre aide les lecteurs à voir que l’importance de la relation de l’Ancien Testament au contexte du Nouveau Testament ne dispense pas les lecteurs de la Bible de leur responsabilité d’apprendre les contours critiques de l’étude de la Bible. Une compréhension théologique cohérente de ces idées met en relation et affirme l’authenticité, l’historicité, l’unité et la clarté de l’Écriture Sainte qui est plus qu’une histoire dépourvue de sens.
Façonner les lecteurs de la Bible est un défi qui peut être relevé au moyen de panneaux indicateurs fournis par des chercheurs tels que Schreiner qui guident le lecteur au travers du processus qui consiste à en venir à connaître la Bible en même temps qu’ils grandissent dans la compréhension de sa signification et de son objectif.
Traduit de Matthew’s Gospel as Discipleship Curriculum