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Résumé

Face à un monde en perte de repères, la génération Z cherche à donner un sens à son existence, oscillant entre une quête spirituelle profonde et une prise de distance vis-à-vis des institutions et des lieux de pouvoir. Dans une société surconnectée, l’Église pourrait devenir une véritable oasis de repos, répondant à cette soif d’authenticité et de vérité. Pour cela, elle doit se positionner avec assurance afin d’accompagner cette génération dans sa quête de justice et de réponses aux grandes questions existentielles.


Le mois dernier, au Québec, les évangéliques ont bénéficié d’une couverture médiatique importante, donnant aux Québécois l’opportunité de découvrir la foi de leurs concitoyens. La question posée par les médias était simple : les églises évangéliques séduisent-elles la jeunesse?[1] Plutôt que de répondre directement, je propose d’explorer la relation complexe entre la génération Z, la foi chrétienne et l’Église. Cette série d’articles vise à examiner les opportunités et les défis auxquels l’Église fait face dans sa mission auprès de cette génération en quête de sens.

Une génération en quête de repères

La génération Z, composée de jeunes nés entre la fin des années 1990 et 2012, se distingue par son contexte historique unique: «la fin de l’histoire».[2] Ils sont les enfants de la mondialisation, ayant grandi dans un monde marqué par la diversité des cultures et des idéologies. Cependant, ces jeunes sont également les produits de sociétés « libérées » des traditions religieuses et des dogmes. Ils se retrouvent souvent sans repères solides, hyperindividualistes, surconsommateurs et surconnectés à leur insu.

Cette réalité qu’ils vivent est celle de plusieurs de leurs concitoyens. La différence avec les autres générations, c’est que la génération Z est née et a grandi dans une expérience unique de l’histoire humaine. L’effet créé par ce contexte est le suivant : la génération Z est souvent qualifiée de nomade spirituel. Elle cherche des repères dans un monde complexe, sans savoir où elle va. Elle revendique des idéaux de justice sociale et d’authenticité, mais elle est confrontée à une société qui valorise l’apparence et la performance. Elle vit une tension constante entre ouverture sur le monde et méfiance envers lui.

Désaffiliation religieuse, mais curiosité spirituelle

Au Québec et en Europe, la génération Z est majoritairement désaffiliée des institutions religieuses. Cependant, contrairement à d’autres générations, elle ne porte pas les blessures d’un passé religieux traumatisant. Plutôt qu’une hostilité envers la religion, c’est une indifférence, voire une curiosité, qui caractérise son rapport au religieux. Selon une récente étude de la firme Barna, 62 % des jeunes de la génération Z montrent une ouverture envers la Bible.[3] Toutefois, rares sont ceux qui s’aventurent à l’explorer seuls. Bien que beaucoup de jeunes soient ouverts à la spiritualité, cette démarche personnelle reste peu fréquente par soi-même.[4] De plus, parmi cette génération, plusieurs n’ont jamais mis les pieds dans une église, ou encore, ouvert une Bible.

Romains 10.14 «Comment donc invoqueront-ils celui en qui ils n’ont pas cru? Et comment croiront-ils en celui dont ils n’ont pas entendu parler? Et comment en entendront-ils parler s’il n’y a personne qui prêche?»

Cette nouvelle réalité réclame de l’Église qu’elle revoit son rapport à la société ainsi que ses méthodes d’évangélisation.

Un mouvement vers la quête de sens

En réaction à ce monde sans repères, un mouvement semble vraisemblablement émerger parmi la génération Z : une quête de sens et de vérité.

En réaction à ce monde sans repères, un mouvement semble vraisemblablement émerger parmi la génération Z : une quête de sens et de vérité. Cette tendance qui s’apparente à une œuvre missiologique de l’Esprit de Dieu prépare le terrain à la proclamation de l’Évangile. Cette génération est consciente que la vie sur Terre est limitée et se pose des questions profondes sur la justice, l’injustice et la bonté humaine. Alors qu’elle clame que l’être humain est fondamentalement bon, la réalité de la vie post-moderne la confronte à une dissonance entre ses idéaux et le monde réel.

La foi chrétienne offre une alternative puissante aux philosophies de la modernité, qui prônent à l’excès l’individualisme et l’autodéterminisme. Le christianisme, quant à lui, propose un message de fraternité universelle, enraciné dans l’idée que tous les êtres humains sont créés à l’image de Dieu (imago dei), déclarant ainsi leur égalité en valeur et en dignité. Ce message d’unité et d’éternité contraste avec l’instabilité et le cynisme de la modernité. Une réflexion s’impose quant à la manière dont nous pouvons aller à leur rencontre, nourrir leur curiosité et leur faire réaliser leur soif.

L’Église: Un oasis dans un monde de surstimulation

La foi chrétienne solutionne l’hyperindividualisme et la surconsommation en offrant une relation profondément ancrée avec le Créateur, les autres et soi-même. Le christianisme appelle à la responsabilité, au sabbat (repos) et à la simplicité, des concepts qui sont en phase avec leurs aspirations profondes.

La surconnexion et la surstimulation qui caractérisent la génération Z sont des défis majeurs. Ils alimentent cette crise de l’anxiété et de la dépression chez la jeunesse. Cependant, l’Église peut offrir un lieu de repos, un espace où le «vrai» et le «beau» ne sont pas des concepts abstraits,  mais des réalités à expérimenter au sein d’une communauté imparfaite, mais authentique.

Matthieu 11.28-30 «Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur; et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux, et mon fardeau léger.»

En invitant cette génération à « demeurer en Christ », nous continuons le travail de notre Seigneur.  L’Église offre une voie vers la paix intérieure et une paix relationnelle ainsi qu’ un sens profond de la vocation, peu importe les circonstances. Nous explorerons les opportunités inhérentes à l’église locale dans de prochaines publications qui porteront davantage sur les considérations de la théologie pratique appliquée au contexte de la génération Z.

Un appel prophétique pour une génération revendicatrice

L’une des grandes forces de la génération Z est son désir de justice sociale.

L’une des grandes forces de la génération Z est son désir de justice sociale. Elle revendique un monde plus équitable et plus juste, et cet appel à la justice trouve une résonance dans la tradition prophétique biblique. La Bible ne cache pas les injustices du monde ; elle les expose et appelle à une transformation profonde de la société. Cette soif de justice trouve un écho dans la foi chrétienne, qui s’engage non seulement à nommer l’injustice, mais à la combattre. La voix des prophètes de l’ancien testament peut les guider dans cette lutte pour un monde plus juste. Il y a une réflexion à élaborer à partir des livres prophétiques et de l’appel du disciple pour répondre à ce cri de cœur que nous voyons et entendons. Un retour aux écritures nous interpelle, ainsi qu’une réflexion sur nos méthodes de transmission de la foi.

La redécouverte de la foi chrétienne

La génération Z est la première à vivre la désaffiliation de notre société avec l’héritage judéo-chrétien, cette rupture d’avec l’histoire. Cependant, lorsqu’elle se pose des questions fondamentales – sur l’égalité, la dignité humaine ou la responsabilité envers la création – les réponses qu’elle reçoit de la société moderne sont souvent superficielles et déconnectées de ses préoccupations profondes. C’est ici que l’Église, éternelle et stable, a un rôle crucial à jouer. Alors que la société moderne court dans tous les sens, à celui qui s’arrête et s’approche, l’Église offre un cadre sécuritaire et propice à la réflexion identitaire. Elle peut être cette oasis dans un désert spirituel, un endroit où les jeunes peuvent découvrir une foi vivante et engageante, en adéquation avec leurs aspirations les plus profondes.

Cette réalité se vit dans l’œuvre auprès de la jeunesse, il y a une soif et une ouverture à la rencontre de l’Évangile. Elle commence, pour certains, grâce à une vidéo Tiktok et continue dans des conversations en messages privés sur Instagram pour ensuite se traduire par la visite d’une église. Rares sont les espaces, de nos jours, où une vérité confessée produit une paix et une joie pleines et authentiques. Les visages qui constituent la diversité de nos églises locales communiquent cette réalité alors que sont unis, en Christ, ceux qui étaient autrefois divisés. La question nous est posée : sommes-nous prêts à les recevoir et à les accompagner?

Conclusion: Une Église prête à accueillir une génération en quête

La génération Z est à la croisée des chemins. Elle cherche des réponses, des connexions authentiques et un sens à sa vie dans un monde complexe. L’Église peut répondre à cette quête avec son message d’unité, de fraternité et d’éternité. Elle fait don de paix et de sens, ce que l’individualisme et la surconsommation sont incapables de faire. Les chrétiens ont des communautés locales où cette génération peut grandir et s’épanouir. La question demeure: sommes-nous en mesure, par nos structures et cultures d’églises, d’accompagner ces futurs disciples à maturité?

Une réappropriation de nos racines intégrant la modernité est nécessaire. Savoir d’où nous venons est essentiel pour savoir où aller. Refusons le récit de rupture avec l’histoire, nous engageant ainsi à investiguer sur la façon de transmettre notre foi aux prochaines générations. Mais surtout, l’appel missionnaire nous rappelle la nécessité de rendre la Bible accessible et d’offrir des communautés irrésistibles (Galates 3.28 et Jean 13.35) : des lieux où l’accueil, la fraternité et la vérité biblique se trouvent au cœur. L’Esprit et l’Église nous invitent donc à entreprendre cette aventure qui transcende les époques et qui concerne toutes les générations. L’opportunité à saisir pour l’Église est celle d’un nouveau monde qui prend naissance devant ses yeux.[5] La génération Z incarne le début d’un changement sociétal, une ouverture au message de l’Évangile. Cependant, une introspection s’impose avant d’aller plus loin, celle de notre ouverture à remettre en question nos façons de faire et de penser, puis de laisser la Bible nous guider dans ce mouvement sociétal qui se dessine devant nous.  Ferez-vous parti de cette ère de changement de l’Église amenant la génération Z à la découverte du Dieu biblique?


1. Radio-Canada, « Les églises évangéliques séduisent-elles davantage les jeunes au Québec? », 27 août 2024. La Presse, « Les évangéliques québécois et les élections américaines », 17 septembre 2024. L'actualité, « L’influence grandissante des évangéliques », 2 octobre 2024.
2. L'expression «la fin de l'histoire» fait référence à une idée popularisée par le philosophe américain Francis Fukuyama dans son essai de 1989 intitulé «La Fin de l'histoire et le Dernier Homme » (et le livre qui suivit en 1992). Il y défend l'idée que la chute du bloc soviétique, marquée par la fin de la guerre froide et la victoire des démocraties libérales et du capitalisme occidental, signalait la fin des grands conflits idéologiques qui avaient caractérisé l'histoire mondiale. Fukuyama soutenait que, avec l'effondrement du communisme en Europe de l'Est et en Union soviétique, la démocratie libérale était devenue le modèle politique dominant, marquant la fin des grandes luttes idéologiques de l'histoire humaine. Nous pouvons convenir aujourd’hui que cela n’est pas le cas. La fin de l’histoire est synonyme de rupture avec l’histoire et, à mes yeux, l’Âge séculier rompt le lien entre l’Occident de la fin du 20e siècle et du début du 21e siècle et le reste de son histoire. C’est une anomalie historique. Ce phénomène a pris forme à partir des années 60 sous la pulsion des «baby-boomers». Cette anomalie est sur sa fin et nous sommes maintenant dans l’Âge post-séculier, un âge où le sécularisme n’a pas réussi à prouver son universalisme et où la société et les identités individuelles se sont complexifiés à un rythme effréné dû à l’effritement identitaire de l’Occident. C’est dans ce contexte que la génération Z prend sa place comme citoyen.
3. Barna Group, «A Global Teens Study: The Open Generation, Vol.2 How Teens Around the World View the Bible,» 2022, p.16.
4. L'une des principales barrières à la lecture de la Bible en France et au Canada est la difficulté de compréhension, avec la phrase : « Je ne la comprends pas quand je la lis » comme étant l'obstacle le plus courant. Ils ont besoin d’accompagnement. Barna Group, «A Global Teens Study: The Open Generation, Vol.2 How Teens Around the World View the Bible,» 2022, p.51.
5. Ce nouveau monde est l'avènement de la génération Z et Alpha avec tous les changements technologiques, sociétaux et géopolitiques les accompagnant.
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