En 2007, Tim Keller a prêché un sermon à Londres, en Angleterre. Il a mentionné quelque chose dans ce sermon qui m’a arrêté net :
« Mes chers amis, la plupart des églises font l’erreur de sélectionner des leaders qui sont confiants, compétents et qui ont du succès. Mais ce qui est le plus déterminant et nécessaire dans un leader, c’est la conscience profonde de sa condition pécheresse et une connaissance encore plus grande de la grâce coûteuse qui est disponible en Jésus. Les principaux leaders dans toutes les églises devraient être ceux qui se repentent le plus sincèrement, sans excuses (car nous n’en avons aucunement besoin) ; le plus facilement, sans amertume ; le plus publiquement et dans la plus grande joie. Ils savent que leur droiture devant Dieu n’a rien à voir avec leur propre performance. »
« Vraiment ? » me suis-je demandé. J’étais pasteur d’une église depuis neuf ans et il ne me semblait pas que ce que les membres recherchaient était un leader repentant, brisé par son péché et émerveillé par la grâce de Jésus. Les gens semblaient vouloir des leaders confiants, compétents et couronnés de succès. Je regardais autour de moi et il était facile d’identifier plusieurs pasteurs qui projetaient une image exemplaire et qui réussissaient dans le ministère.
Quatorze ans plus tard, plusieurs d’entre eux avaient chuté et laissé derrière eux beaucoup de désordre et de souffrance.
Nous avons tendance à surévaluer le succès extérieur et à minimiser le caractère chrétien.
Nous ne devrions évidemment pas opposer les leaders à succès, confiants et compétents, aux leaders pieux. Il est d’ailleurs tout à fait possible de réunir ces deux aspects. Keller mettait cependant l’accent sur quelque chose de plus significatif : nous avons tendance à surévaluer le succès extérieur et à minimiser le caractère chrétien. Si nous devons choisir, nous devons toujours prioriser le caractère chrétien au-dessus du succès mondain.
Comment les grands sont tombés
En 2012, Paul Tripp a écrit un livre intitulé Dangerous Calling. (Un appel dangereux, BLF Éditions) « Ce livre a été écrit pour confronter la problématique d’une culture pastorale malsaine et pour mettre sur la table les tentations qui sont soit uniques, soit intensifiées par le ministère pastoral, » a-t-il expliqué. « Ceci est un livre d’avertissement qui nous appelle à une humble autoréflexion et au changement. »
Parmi les cinq personnes qui avaient rédigé une recommandation pour la quatrième de couverture, trois ont chuté. L’un d’eux a même annoncé qu’il ne se considérait plus chrétien.
En 2020, Paul Tripp a publié un autre livre pour les pasteurs, intitulé Lead. (Conduire l’Église, Éditions Clé – Évangile21) « Nous avons tous été témoins de la chute d’un pasteur renommé, avec une influence immense et une notoriété marquée. Mais pour chaque chute publique, il y a des centaines de pasteurs inconnus qui tombent, laissant leur leadership et leur église en crise. Sinon, ils ressemblent à des coquilles spirituelles vides des pasteurs honorables qu’ils étaient autrefois. »
Nous avons suivi les standards du monde pour le leadership et, conséquemment, nous en avons payé le prix.
La décadence de leaders proéminents et de ceux qui leur ressemblent continue de faire écho au sein de l’Église et même au-delà. Avec du recul, les signes d’avertissement paraissent évidents. Comment se fait-il que beaucoup aient ignoré ces avertissements et accordé un passe-droit à ces leaders ? Ils correspondaient au profil du leader charismatique, à la tête d’un ministère en croissance et à succès. C’est aussi simple que cela. Nous avons ignoré ce que Keller nous signalait avec insistance : le brisement dû au péché, la repentance publique et la priorité donnée à la piété sur la performance.
Nous avons suivi les standards du monde pour le leadership et, conséquemment, nous en avons payé le prix.
Fidèles et non fameux
J’ai cependant observé un second groupe de leaders. Quelques-uns d’entre eux sont connus, mais pas parce qu’ils l’ont recherché. Ils ne jouent pas à ce jeu.
Ils incarnent ce que Keller a décrit précédemment. Ils sont conscients de la profondeur de leur propre péché. Ils connaissent la joie quotidienne de redécouvrir la réalité de la grâce de Dieu. Ils ont fait des choix qui priorisent le caractère avant tout. Ils agissent de la même manière hors du projecteur que lorsqu’ils sont sous le projecteur. Ils sont silencieusement fidèles.
Le pasteur idéal est quelqu’un qui a été brisé par la conscience de son propre péché et qui possède une connaissance encore plus grande de la grâce coûteuse de Jésus.
La plupart d’entre eux ne seront jamais connus en dehors de leur contexte ministériel immédiat. Quelques-uns ne sont même pas appréciés là où ils servent. Pourtant, ce sont mes héros.
Il se trouve que Keller avait raison. Le pasteur idéal n’est pas celui qui est confiant, compétent ou qui a du succès. Le pasteur idéal est quelqu’un qui a été brisé par la conscience de son propre péché et qui possède une connaissance encore plus grande de la grâce coûteuse de Jésus. Fort de ces réalités, il conduit fidèlement les autres dans la repentance et dans la joie de la grâce de Dieu.