Noël pour nos contemporains, c’est vivre dans l’instant présent, et dans l’urgence : préparer les cadeaux, préparer un super repas, impressionner la famille. Noël c’est le plaisir momentané d’une fête qui ne durera que quelques jours. Noël c’est l’instant de joie qui sera rapidement effacé par les déceptions et les douleurs du quotidien, dès que dans nos réseaux sociaux, Noël aura été remplacé par le dernier drame ou mode. Noël, c’est le présent, avec sa durée de vie limitée.
Quel contraste avec ce que veut dire Noël pour les chrétiens ! Dans l’histoire de l’Église, le temps de l’Avent a souvent été focalisé sur la seconde venue de Christ. Le premier Noël ne pouvait pas être dissocié d’un « deuxième Noël » ; la première venue de Dieu, de sa seconde ; la venue d’un faible enfant, du retour du roi triomphant.
L’espérance certaine
Le Noël chrétien n’est pas limité au moment présent. Ou même mieux : dans le Noël chrétien, le moment présent inclut l’éternité. Lorsque nous parlons de Jésus, et de sa venue, nous ne pouvons pas faire autre chose que de parler aussi de son retour. Le Jésus qui est venu est le même que le Jésus qui revient, et c’est le même Jésus qui habite en nous en Esprit. Lorsque nous le prions, nous faisons monter notre cœur vers celui qui revient. Cette grande espérance fait battre le cœur de notre foi.
Paul écrit dans son merveilleux chapitre 8 de la lettre aux Romains : « Car c’est en espérance que nous avons été sauvés. Or, l’espérance qu’on voit n’est plus espérance : ce qu’on voit, peut-on l’espérer encore ? Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance. » (Romains 8.24-25) Nous pourrions avoir l’impression que chez Paul, notre espérance est loin d’être certaine. Après tout, nous ne la voyons pas, dit-il ? Mais qu’est-ce que nous ne voyons pas ? C’est la pleine gloire à venir, c’est la révélation des enfants de Dieu.
L’espérance ne se voit pas, mais elle est aussi certaine. Pourquoi ? Parce que ce que nous espérons est fondé sur Jésus-Christ, sa personne et son œuvre. Si ce qu’il a commencé de faire doit encore être accompli pleinement, son œuvre ne peut pas être compromise. Rien ne peut l’arrêter ! Nous continuons d’espérer voir ce que rien ne peut remettre en cause. Lorsque le cri de l’enfant nouveau-né a transpercé la nuit de Judée, les forces des ténèbres ont vacillé. Lorsque le dernier cri du rabbi de Galilée a fait frémir le jour de Jérusalem, les forces des ténèbres ont été détrônées. Et un jour, lorsqu’il reviendra, les forces des ténèbres seront à jamais anéanties.
En attendant, nous espérons, et notre espérance est certaine car celui qui accomplit ce salut introduit dans le monde, c’est le Dieu de la promesse. Le même Paul écrit aussi : « Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à la communion de son Fils, Jésus-Christ notre Seigneur. » (1 Corinthiens 1.9) Dieu est fidèle. Ce qu’il veut faire, il le fera. Ce qu’il promet, il l’accomplira. Ce que nous ne voyons pas, saisissons-le en espérance, sachant que son accomplissement ne fait aucun doute.
Vivre à la frontière
Cette espérance nous fait vivre à la frontière de deux temps. Nous sommes citoyens du royaume qui vient, qui vient encore, qui vient toujours, et nous vivons dans le temps présent. Quand Jésus nous a pris par la main, et nous a fait entrer dans le royaume de lumière, nous sommes devenus des veilleurs, dont les deux pieds sont plantés, l’un dans l’éternité, l’autre dans la présente réalité.
Ces deux temps se fondent dans notre quotidien. Nous les vivons à chaque instant de notre vie. Voici ce que Paul nous dit de la vie chrétienne : « Ce n’est pas que j’aie déjà remporté le prix ou que j’aie déjà atteint la perfection ; mais je poursuis (ma course) afin de le saisir, puisque moi aussi, j’ai été saisi par le Christ-Jésus. Frères, pour moi-même je n’estime pas encore avoir saisi (le prix) ; mais je fais une chose : oubliant ce qui est en arrière et tendant vers ce qui est en avant, je cours vers le but pour obtenir le prix de la vocation céleste de Dieu en Christ-Jésus. » (Philippiens 3.12-14) Nous vivons à la frontière de deux temps. Nous vivons ici et maintenant la foi dans le Dieu éternel. Et ici et maintenant, nous courons, nous allons vers l’éternité déjà annoncée, promise et proclamée.
L’Avent, c’est nous projeter en avant. L’Avent, c’est regarder à l’étoile brillante du matin (Apocalypse 22.16), qui fait briller sa grâce sur nous. L’Avent, c’est vivre les deux temps, et plus encore, trois temps, car l’Avent se déploie de la première venue de Jésus à son retour. Un poème de l’auteur anglais T.S. Eliot nous décrit cela, lorsque dans son quatre-vingtième anniversaire, un homme se rappelle que l’incarnation de Jésus annonce son retour :
De sorte qu’avant la fin, le quatre-vingtième Noël
(par « quatre-vingtième », il faut entendre le dernier en date)
Les souvenirs accumulés de l’émotion annuelle
Se concentrent en une grande joie
Qui sera aussi une grande crainte, comme à l’occasion
où la peur s’emparait de chaque âme :
Parce que le commencement nous rappellera la fin
Et la première venue, la seconde.