Est-ce que la prière sert vraiment à quelque chose ? On entend souvent que la prière me change premièrement moi-même… mais change-t-elle aussi les choses ? Il est évident que la prière me change, puisqu’elle est une rencontre vivante et intime avec Dieu, qui va ainsi me faire grandir dans la connaissance de mon Père, dans la confiance, la paix, la joie… Oui, la prière me fait du bien. Mais la prière, c’est encore plus que cela : Dieu est un Dieu qui exauce les prières et qui les utilise pour changer des vies et pour changer le monde. Est-ce que nous le croyons vraiment ?
Deux éléments ont tendance à nous freiner dans notre foi en l’efficacité de la prière. D’abord, nous pensons parfois : à quoi bon prier si Dieu sait déjà tout et qu’il est souverain ? Ensuite, il nous arrive d’avoir l’impression qu’il est inutile d’insister et de persévérer dans nos prières alors que Dieu n’a toujours pas répondu… Nous allons tâcher de répondre à ces deux objections et de voir que la prière est efficace et qu’il est bel et bien utile d’insister !
Croyons-nous en un Dieu agissant dans le monde réel ?
Dieu est souverain et immuable : il est donc impossible qu’il change d’avis ou qu’il remette en question ses plans. Ces vérités sont rassurantes : cela fait du bien de savoir qu’un Dieu parfait, sage et bon dirige le monde et nos vies. Mais dans ce cas, à quoi bon prier ? Nous touchons là à des vérités en tension : certes, la prière ne peut pas être un assaut contre la réticence d’un Dieu immuable… et en même temps, Dieu est proche de nous et tient compte de nos prières.
Si nous n’en sommes pas convaincus, cela signifie que nous avons été contaminés par le sécularisme et le déisme, remarque Paul Miller dans Une vie en prière : Dieu a été mis dans la catégorie des sentiments plutôt que des faits ou des certitudes, il est dès lors séparé de la réalité visible. Il est possible qu’il existe et peut-être même qu’il soit souverain, mais sans être impliqué dans notre monde. Chaque fois que nous prions sans croire que Dieu écoute, qu’il s’intéresse à nous et qu’il peut nous exaucer, nous fonctionnons comme des déistes. Chaque fois que nous comptons davantage sur nous et sur nos compétences plutôt que sur Dieu pour réussir nos projets, nous avons une vision des choses séculariste.
Et si le cynisme avait envahi notre vie de prière ?
Le sécularisme et le déisme conduisent au cynisme, déplore Paul Miller. Les cyniques sont des gens qui ne s’attendent à rien et qui n’y croient plus. Notre société est cynique et les chrétiens ont tendance à le devenir. Or un cynique prie sans conviction, sans s’attendre réellement à un exaucement : il prie pour les autorités civiles, pour un réveil ou pour des changements dans sa famille, mais il prie comme si c’était déjà perdu d’avance… Or prier ainsi, c’est remettre en question la puissance et la bonté de Dieu, là où la prière est censée faire tout le contraire, comme l’écrit Paul Miller : « Elle attaque le mal. Elle a quelque chose de fougueux. Le cynisme, par contre, se contente de critiquer. Il est passif, se mettant à l’abri dans un cocon, loin des passions de la grande bataille cosmique dans laquelle nous sommes engagés. Il est sans espérance ». Nous devons réapprendre à espérer et nous attendre à l’action de Dieu dans le monde réel !
Mes prières sont le moyen utilisé par Dieu pour réaliser son plan
Dieu est souverain… et en même temps mes prières changent les choses. Comment « fonctionne » cette interaction ? Douglas Kelly aborde brillamment ces enjeux dans son livre Pourquoi prier si Dieu sait déjà ? La réponse courte est celle-ci : Dieu utilise mes prières pour accomplir son plan souverain. Kelly écrit : « Le Dieu souverain et immuable, auteur d’un plan défini de toute éternité pour ses créatures nous invite à collaborer avec lui dans le déroulement de l’Histoire ». Nous n’avons pas à connaître le plan souverain de Dieu… nous avons à prier avec foi, avec l’assurance que nos prières changent le monde et transforment l’Histoire. Si je prie pour un proche incroyant, ma responsabilité n’est pas de savoir s’il a été élu par Dieu de toute éternité : ma responsabilité, c’est de prier avec foi pour lui, en sachant que Dieu peut utiliser ma prière comme le moyen de l’amener au salut.
Nous n’avons pas à connaître le plan souverain de Dieu… nous avons à prier avec foi, avec l’assurance que nos prières changent le monde et transforment l’Histoire.
Même Calvin n’était pas hypercalviniste !
Alors quand nous prions, ne soyons pas hypercalvinistes. Mais vous savez quoi ? Calvin, bien que profondément attaché à la doctrine de la souveraineté de Dieu, n’était pas hypercalviniste ! Dans son Institution chrétienne, il écrit, en parlant de la prière d’Elie : « Car ce fut une grande chose que Dieu, pour ainsi dire, ait assujetti le ciel aux prières d’Elie, afin qu’il obéisse à sa requête ». Et d’ajouter que l’on peut « trouver Dieu bienveillant et enclin à se laisser fléchir par la prière ».
Quand Dieu exauce les prières et fait venir le réveil
Douglas Kelly raconte l’histoire vraie de deux vieilles dames écossaises, sur l’île de Lewis, dans les années 1940. Peinées par la mondanité et la torpeur spirituelle des jeunes, elles ont prié pendant trois ou quatre ans, trois fois par jour, pour que Dieu envoie son Esprit et transforme les vies. Un jour, alors que des jeunes étaient réunis pour une soirée dans un dancing, l’Esprit les a convaincus de péché et les a transformés. Le mouvement a embrasé plusieurs parties de l’île et suscité de nombreuses conversions.
On pourrait avoir comme réaction de se dire : « Est-ce que vraiment la prière de ces deux femmes a fait la différence ? Dieu n’aurait-il pas amené le réveil de toute façon ? ». Mais poser ces questions, c’est être cynique ! Nous devons retrouver l’émerveillement, et cela a certainement été le cas de ces deux dames : elles ont prié, elles ont vu l’exaucement et elles ont rendu gloire à Dieu. Douglas Kelly encourage : « Lorsque l’Histoire atteindra son point final, nous serons émerveillés de découvrir que là où elle a changé d’orientation, c’est parce que le peuple du Seigneur l’a pris au mot et s’est mis à l’invoquer ».
S’attendre à des exaucements
Est-ce que nous croyons que la prière peut changer des choses dans nos vies, nos foyers, nos villages, nos Eglises ? Est-ce que nous prenons conscience que, par la prière, nous recourons à la puissance de Dieu, qui peut la déployer directement dans les vies de ceux pour qui nous prions ? Est-ce que nous croyons que la prière peut faire la différence pour que mon enfant indiscipliné change ? Pour que cette relation difficile au travail évolue ? Ole Hallesby, dans son livre Prière, ajoute que si nous adoptons une vie de prière, alors « comme les flocons de neige tombent doucement et régulièrement un jour d’hiver, les réponses de Dieu descendront sur nous de la même façon. L’histoire de notre vie sera une suite de demandes et de réponses ». L’apôtre Paul y croyait. Qu’écrit-il à Philémon alors qu’il est pourtant en prison ? « Prépare-moi un logement, car j’espère vous être rendu, grâce à vos prières » (Philémon 1,22).
Pouvons-nous importuner Dieu ?
Dieu n’exauce pas toujours tout de suite ! Il reste souverain. Se pose alors notre deuxième question : est-ce légitime d’insister ? Qu’auraient dû faire les deux dames écossaises si le réveil n’avait pas eu lieu ? Continuer de prier ou s’arrêter ? Devons-nous insister quand nous prions pour la conversion de nos proches ? Il faut éviter deux écueils opposés : la revendication (qui cherche à tordre le bras de Dieu) et la capitulation (qui baisse les bras). Entre les deux, nous sommes plutôt appelés à nous « emparer de Dieu » (Esaïe 64,6) et à venir devant lui avec insistance et persévérance, pour la conversion de nos proches, la victoire contre tel péché dans notre vie, la restauration de relations brisées, etc.
Jésus nous appelle à « l’importunité », dans la parabole de l’ami importun, en Luc 11.5-13. Son argument est un argument a fortiori : si des humains savent donner de bonnes choses à des gens qui insistent, à combien plus forte raison Dieu, qui est notre Père céleste et qui nous aime. Nous pouvons importuner Dieu… car en fait nous ne l’importunons jamais. Dieu aime nous exaucer, car il nous aime.
La prière assidue de George Müller
En 1844, George Müller s’est mis à prier pour le salut de cinq personnes, de manière assidue et persévérante. Au bout de dix-huit mois, l’une s’est convertie. Cinq ans plus tard, une deuxième. Six ans plus tard, une troisième. Il a remercié Dieu pour ces conversions, puis a continué pour les deux autres. Trente-six ans plus tard, toujours rien. Au total, un demi-siècle à prier ! Agé, sentant sa fin venir, il a donné sa dernière prédication… et la quatrième personne pour laquelle il priait, qui était là dans la salle, est venue à Christ. Puis George Müller est mort. Quid de la cinquième ? Dieu l’a attirée à lui plus tard, et elle a pu témoigner autour d’elle que Dieu est un Dieu qui exauce les prières.
Il faut éviter deux écueils opposés : la revendication (qui cherche à tordre le bras de Dieu) et la capitulation (qui baisse les bras). Entre les deux, nous sommes plutôt appelés à nous « emparer de Dieu » (Esaïe 64.6)
Lorsque Dieu ne répond pas et que je suis dans un désert…
Dieu ne peut pas être « apprivoisé », et l’histoire de George Müller ne sera pas nécessairement la nôtre. Cependant, la Bible aussi bien que l’Histoire de l’Eglise, nous appellent à la persévérance, même si cela s’apparente à un véritable combat contre nous-mêmes, contre notre tendance à abdiquer, notre paresse et notre égoïsme. C’est aussi un combat contre le découragement, car l’attente de l’exaucement paraît parfois interminable. Paul Miller appelle cette attente « un désert » : le désert, c’est ce décalage entre nos espoirs et la réalité. La seule réaction, dans le désert, consiste à accepter notre impuissance et compter sur la puissance de Dieu. Dans notre perspective humaine, un désert est un non-sens. Dans la perspective de Dieu, un désert fait partie de l’histoire qu’il est en train d’écrire et dont la trame nous échappe. Si j’accepte de rester dans l’histoire et de continuer à prier avec persévérance, remarque Paul Miller, je serai transformé : le désert me rendra plus humble, plus patient, plus confiant ; le désert m’ouvrira à la prière et donnera à mon cœur de se réjouir de voir de quelle manière Dieu va répondre.