« Tu peux être ce que tu veux, sauf un raté. »
Vous trouvez cela dur à entendre ? Peut-être. Mon père m’a dit ces paroles quand j’étais au lycée, alors que je commençais tout juste à réfléchir à mon avenir. Pour lui, un « raté », ce n’était pas celui qui avait le moins de points à la fin du jeu. C’était celui qui ne faisait aucun effort, qui traînait sans but, qui ne transpirait pas (dans tous les sens du terme). Pour lui, tout était une question d’effort.
Sa remarque ne m’a pas surpris. Mon père était entraîneur de basket, et j’étais un joueur plutôt médiocre. Le moment où j’ai vraiment senti qu’il était fier de moi, c’est quand j’ai reçu le prix du « Dépassement de soi » lors d’un camp d’été de basket. Ce n’était pas de ma faute si j’étais lent et que je mesurais un mètre quatre-vingts. En revanche, c’était de la mienne si je m’entraînais moins que les autres.
S’il avait voulu avoir un ton un petit peu plus biblique, il aurait peut-être dit : « Tu peux être ce que tu veux, sauf un paresseux. » Dans la Bible, le travail acharné est une vertu. La paresse, elle, fuit l’effort ou le méprise. Un jeune homme qui veut marcher avec Dieu doit apprendre à reconnaître le piège de la paresse et à lui résister.
Notre rapport au travail
En général, nous sommes tous tentés soit d’en faire trop, soit de ne pas en faire assez. Prenez les Israélites, par exemple, quand ils sont sortis d’Égypte après 400 ans d’esclavage : ils ont eu du mal à respecter le sabbat. Dieu leur avait pourtant clairement demandé de le faire, mais « le septième jour, quelques membres du peuple sortirent pour en ramasser » (Exode 16.27). Ce sont des bourreaux de travail invétérés qui travaillent 365 jours par an d’aussi longtemps qu’ils s’en souviennent.
À notre époque d’abondance, nous observons souvent l’excès inverse. Alors qu’autrefois travailler dur était nécessaire, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Selon l’INSEE depuis 1950, la durée annuelle du travail des salariés a diminué d’un peu plus d’un quart en France. Plus une société s’enrichit, moins elle ressent la pression de « trimer » pour survivre. Quand la sécurité matérielle semble acquise, l’effort devient alors secondaire.
Toutefois, le commandement concernant le sabbat nous remet les idées en place : « Tu travailleras pendant six jours ». Pas cinq, ni quatre, ni trois petites demi-journées. Six jours.
Plus une société s’enrichit, moins elle ressent la pression de « trimer » pour survivre. Quand la sécurité matérielle semble acquise, l’effort devient alors secondaire.
Nous rêvons trop souvent d’échapper au travail. Cependant, bien qu’il ait été marqué par la malédiction du péché, le travail n’est pas un défaut du système ; il fait partie intégrante du projet de Dieu. C’est pour cela qu’Adam a été placé dans le jardin. Avant même la chute, le premier « problème » mentionné dans la Genèse est qu’« il n’y avait pas d’homme pour cultiver le sol » (Genèse 2.5). L’homme, en quelque sorte, est la réponse de Dieu face au manque de travailleurs.
Ce que le livre des Proverbes nous dit
Pour ceux qui, à notre époque, ont tendance à ne pas assez travailler, le livre des Proverbes lance un message fort : ne sois pas paresseux. L’incapacité ou le refus de fournir un vrai effort est corrosif, dangereux, et terriblement tentant. Le travail n’est pas un terrain neutre sur le plan moral — la paresse et ses conséquences sont toujours prêtes à s’immiscer et à tout gâcher. Prenons par exemple Proverbes 6:6-11 :
« Va vers la fourmi, paresseux !
Observe son comportement et deviens sage :
elle n’a ni chef,
ni inspecteur, ni supérieur ;
en été elle prépare sa nourriture,
pendant la moisson elle récolte de quoi manger.
Paresseux, jusqu’à quand resteras-tu couché ?
Quand te lèveras-tu de ton sommeil ?
Tu veux somnoler un peu, te reposer encore,
juste croiser les mains pour dormir ?
Voilà que la pauvreté te surprend comme un rôdeur,
et la misère comme un homme armé. »
La fourmi n’a pas besoin que sa mère, son père ou son patron la poussent à travailler dur ; elle est motivée de l’intérieur. Préparant, ramassant, et travaillant sans relâche, elle avance tout l’été parce que l’hiver arrive. La bêtise de la paresse est dénoncée tout au long du livre des Proverbes :
- « Ce que le vinaigre est pour les dents et la fumée pour les yeux, le paresseux l’est pour celui qui l’envoie. » (10.26)
- « La main des personnes actives dominera, tandis que la main nonchalante sera astreinte à la corvée. » (12.24)
- « Le paresseux a des désirs qu’il ne peut satisfaire, tandis que les personnes actives sont comblées. » (13.4)
- « À cause du froid, le paresseux ne laboure pas ; au moment de la moisson il voudrait récolter, mais il n’y a rien. » (20.4)
- « Les désirs du paresseux le tuent parce que ses mains se refusent à l’action. » (21.25)
Le mot « paresse » peut aussi bien se traduire par « oisiveté », « lenteur » ou « négligence ». C’est la différence entre marcher avec un but précis et errer sans savoir où l’on va. Son contraire est la « diligence », un terme qui évoque l’idée d’avoir été affûté, creusé ou sculpté ; c’est une force active, qui consiste à dominer et à maîtriser. C’est cette énergie créatrice qu’on applique à un champ non labouré. « C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain » (Genèse 3.19).
Mais la survie n’est pas la seule raison qui nous pousse à travailler. L’apôtre Paul nous rappelle que : « En réalité, c’est lui qui nous a faits ; nous avons été créés en Jésus-Christ pour des œuvres bonnes que Dieu a préparées d’avance afin que nous les pratiquions » (Éphésiens 2.10). Notre travail n’est pas seulement un moyen de subsistance. C’est surtout la façon dont nous accomplissons le dessein que Dieu a pour nous. Dieu a travaillé pour nous créer capables d’accomplir ces bonnes œuvres qu’il avait prévues dès avant la création du monde.
La paresse ; une menace bien plus grave que la folie
La parabole des talents, que l’on peut lire dans Matthieu 25:26-30, évoque un maître qui confie des sommes différentes à ses serviteurs. À celui qui n’a rien fait avec ce qu’on lui avait confié, il dit :
« Serviteur mauvais et paresseux, tu savais que je moissonne où je n’ai pas semé et que je récolte où je n’ai pas planté. Il te fallait donc remettre mon argent aux banquiers et à mon retour j’aurais retiré ce qui est à moi avec un intérêt. Prenez-lui donc le sac d’argent et donnez-le à celui qui a les dix sacs d’argent. En effet, on donnera à celui qui a et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on enlèvera même ce qu’il a. Quant au serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres extérieures : c’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents. »
La paresse n’est pas simplement une question de folie, mais une question de péché. Tout le monde est concerné. Même ceux qui ont toujours été des travailleurs, consciencieux et persévérants reconnaîtront qu’ils n’ont jamais pleinement tiré parti du temps qui leur a été donné. D’autres, qui ont parfois, ou souvent, cédé à la paresse, comprendront qu’ils doivent mieux gérer leur vie. Certains tirent très bien parti de leur temps, mais vivent avec l’inquiétude constante, presque paralysante, de ne jamais en faire assez. Les chrétiens ne travaillent pas pour obtenir l’approbation de Dieu. Ils travaillent à partir de celle-ci, avec la force de l’Esprit et la confiance que leur donne leur statut d’enfants adoptés.
La paresse n’est pas simplement une question de folie, mais une question de péché. Tout le monde est concerné.
Le combat de tout jeune homme
Les jeunes hommes de cette génération sont particulièrement vulnérables à la paresse. Les distractions ne manquent pas : les jeux vidéo et les smartphones, tels une perfusion, nous nourrissent de dopamine. Faux ennemis, faux combats, faux sexe, faux risques, fausse camaraderie, fausses victoires : tout est là, à portée de main, pour nous attirer à chaque instant.
Je vois trop de jeunes hommes (de moins de 40 ans, mais surtout de moins de 25) qui manquent de courage et d’ambition, qui ne répondent pas au premier appel donné à l’humanité : dominer et maîtriser la création. Pétrir le pain. Labourer le champ. Récolter la moisson. Monter une entreprise. Construire une carrière. Investir pour le bien commun (voir Genèse 1.28 ; Jérémie 29.4-7). La création ne va pas se réaliser toute seule ; nous sommes les sous-traitants de Dieu, et une vie disciplinée et productive est la meilleure façon de tirer parti du temps qui nous est donné (Éphésiens 5.16). Ne cherchez pas à fuir la précipitation à tout prix ; combattez plutôt la paresse, la folie et le temps perdu.
Le prophète Jérémie a écrit : « Il est bon, pour l’homme, de devoir se plier à des contraintes dans sa jeunesse » (Lamentations 3.27). Quand tu es un jeune homme, fais ce que font les jeunes hommes. Donne-toi à fond. La sueur est normale, elle fait partie du jeu. Le travail ne se limite pas à un emploi ou à l’entrepreneuriat. Il s’agit de productivité — que ce soit dans un métier, les tâches ménagères, le développement personnel, l’éducation des enfants ou la gestion du foyer. C’est ce labeur qui construit une vie.
Travailler dur : au travail et en famille
Beaucoup de jeunes hommes craignent de devenir des « bourreaux de travail » (lit. « workaholics »). Ils redoutent (à juste titre) de négliger leur famille à force de passer trop d’heures au bureau. La solution à ce dilemme n’est pas de réduire le temps de travail professionnel, mais de travailler dur, partout, dans tous les domaines. Pensez à ce que dit l’Ecclésiaste (9.9-10) :
« Jouis de la vie avec la femme que tu aimes pendant toute la durée de ta vie sans consistance que Dieu t’a donnée sous le soleil, pendant toute la durée de ton existence fumeuse, car voilà quelle est ta part dans la vie, dans la peine que tu te donnes sous le soleil. Tout ce que tu trouves à faire, fais-le avec la force que tu as, car il n’y a ni activité, ni réflexion, ni connaissance, ni sagesse dans le séjour des morts, là où tu vas. »
La Bible présente à la fois la vie de famille et le travail comme étant des tâches difficiles. Profiter de sa famille ? C’est du travail. Travailler de ses mains ? Encore du travail. Mais le travail n’est pas l’ennemi de la joie. Cependant, résister à cette dérive insidieuse où le divertissement vide de sens grignote peu à peu le temps consacré au travail — tel que Dieu l’a voulu — ira à contre-courant de la culture actuelle.
Faites votre part
Nous sommes dans la maison du Père, aimés et bénis, uniquement par grâce. Faire partie de cette famille implique aussi des responsabilités. Nous ne travaillons pas pour gagner la faveur de Dieu, mais parce qu’il veut que nous prenions part à son dessein, et il se réjouit quand nous accomplissons pleinement notre vocation de fils.
Nous ne travaillons pas pour gagner la faveur de Dieu, mais parce qu’il veut que nous prenions part à son dessein.
Jeunes hommes : dans une culture de luxe, d’abondance et de droits acquis, il vaut mieux partir du principe que vous êtes paresseux plutôt que de croire que vous travaillez trop. Il faut tuer le paresseux en vous — celui qui vous pousse à la mollesse, vous enchaîne aux distractions et aux écrans, et manque de respect pour lui-même au point de ne pas croire que, peut-être, Dieu pourrait accomplir de grandes choses par son travail acharné.
Faites confiance à sa grâce, pratiquez le sabbat et « tout ce que vous faites, faites-le de tout votre cœur, comme pour le Seigneur et non pour des hommes » (Colossiens 3.23).