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Le Dilemme d’un pasteur à double vocation

Dans la scène finale du film Risen, après que Jésus est monté au ciel, les disciples s’en vont pour répandre l’Évangile avec un nouveau projet dans leur vie. Alors qu’ils partent, Pierre demande à Clavius le tribun militaire romain : « Veux-tu te joindre à nous à Jérusalem ? Cet Esprit qui nous a été promis, nous sommes appelés à le recevoir ! » Rendu perplexe par cette déclaration d’une nouvelle vocation, Clavius demande : « Mais tu es appelé à être un pécheur. » Ce à quoi Pierre répond : « Oui, pour des hommes ! Comment pourrais-je maintenant faire quoi que ce soit d’autre ? »

La vision uni-focale de Pierre semble cohérente avec les paroles de Jésus quant à ce que signifie le fait de le suivre. En Marc 12, Jésus a donné au jeune dirigeant riche, un homme partagé entre sa foi et sa richesse, un nouveau commandement – un qui requiert que toute sa vie soit soumise à Jésus. Le message est clair : la seigneurie de Christ demande une vie de dévotion, toute bonne chose qui entrerait en concurrence avec lui doit s’effacer derrière lui et sa cause.

Se sentir en conflit

Paul enseigne que la vie d’un serviteur de Dieu doit être un exemple de la dévotion à Dieu de tout notre cœur. Afin de favoriser cette vocation qui englobe toute la vie, l’église doit soutenir financièrement son œuvre : « Le Seigneur a ordonné à ceux qui proclament l’évangile de vivre par l’évangile » (1 Cor. 9.14).

Pourtant Paul a choisi, par moments, de ne pas faire valoir ses droits à un tel soutien. Parfois il recevait le soutien d’églises (2 Cor. 11.7–9) ; à d’autres moments il construisait des tentes pour faire face à ses besoins financiers. Il était souple par vocation, ne voulant pas charger les congrégations locales qui ne pouvaient supporter le coût financier de son ministère. Quand il y avait de l’argent pour le soutenir, il l’acceptait. Quand il n’y en avait pas, il travaillait.

Cette sorte de souplesse vocationnelle peut être un défi pour un serviteur de Dieu. J’ai servi dans mon église comme pasteur principal durant sept ans, démarrant une mission d’évangélisation centrée sur la ville, formant des hommes et d’autres conducteurs, passant du temps avec les membres dans la communion fraternelle, m’investissant dans d’abondantes lectures bibliques et théologiques et servant dans les directions de deux organisations centrées sur l’évangile. Durant ce temps j’ai aussi travaillé à temps plein comme directeur informatique – une position qui ne demandait pas seulement mon temps, mais aussi ma concentration sur les directions à donner et mon énergie créative.

Quand mes compagnons dans la foi entendent parler de mes deux rôles, il est fréquent qu’ils me félicitent et me congratulent. Pourtant je ne me sens pas habituellement digne de louanges ; d’ordinaire je me sens plutôt en conflit. Mon souci est que, quand je me tiendrai devant le Seigneur, au lieu de l’entendre me dire : « C’est bien, » je doive plutôt entendre : « Pourquoi ne m’as-tu pas fait confiance ? De quoi avais-tu peur ? Est-ce que ta vie comme pasteur a déterminé une dévotion pour moi de tout ton cœur ? »

Trois considérations

Théologiquement et pratiquement, comment devrions-nous considérer les pasteurs à double vocation ? Devraient-ils être félicités pour leur sacrifice et le fardeau spécial qu’ils portent ? Ou devraient-ils être mis au défi de donner entièrement leur vie pour l’appel que Dieu a placé sur leur cœur ?

Comme pasteur à double vocation, je me suis profondément interrogé à ce sujet et je voudrais présenter trois considérations.

Premièrement, de nombreux pasteurs à double vocation servent dans des églises qui ne peuvent se permettre de leur payer un salaire qui leur permet de vivre. Selon les diverses sources que l’on peut consulter, il apparaît que la taille médiane de l’église locale américaine est de 75 à 90 personnes. Beaucoup de ces églises sont pleines de vie, en bonne santé, efficaces et centrées sur l’évangile – pourtant elles restent petites. Leurs budgets sont souvent serrés et elles fournissent le niveau de soutien qu’elles peuvent. De telles églises et leurs pasteurs devraient être salués parce qu’ils servent Dieu du mieux qu’ils peuvent, tandis que leurs pasteurs travaillent en même temps à temps plein dans un emploi non-pastoral.

Deuxièmement, un pasteur à double vocation devrait soumettre sa vie et son activité à examen afin de pouvoir, dans la mesure du possible, être à temps plein dans son ministère. Il devrait réviser ses priorités et conformer ses attentes matérielles pour les soumettre à l’appel de Dieu pour sa vie qui est de proclamer l’évangile – tout cela sans négliger sa famille. Sa femme et ses enfants ne devraient pas être obligés de faire vœu de pauvreté, mais sa famille devrait vivre simplement et avec peu de dettes (2 Cor. 2.17; Heb. 13.5).

Troisièmement, les églises conduites par des pasteurs à double vocation devraient examiner leurs engagements et leurs priorités. De nombreux Chrétiens ne voient pas la nécessité d’un pasteur travaillant à temps plein dans le ministère de l’évangile et ne perçoivent pas les implications du fait que l’attention d’un pasteur est divisée. Quand Paul discute l’appel à proclamer Christ en Colossians 1.28, il parle du fait de préparer le peuple de Dieu pour le jugement devant Dieu lui-même. Il n’y a rien de plus grande importance pour le pasteur. Même le seul intérêt spirituel pour soi-même devrait stimuler le peuple de Dieu à faire tout ce qu’il peut pour permettre à son pasteur de se dédier pleinement à l’œuvre qui consiste à prendre soin de leurs âmes. Une congrégation a un impact significatif et tangible quand elle se sacrifie de sorte que son pasteur peut servir en sa faveur et travailler à étendre le royaume de Dieu.

Le pasteur à temps plein, bien entendu, ne devrait pas gaspiller les sacrifices que le peuple de Dieu a fait pour lui permettre de se dévouer pleinement à son ministère. Combien sévère sera le jugement de ces pasteurs qui prennent cette liberté, rendue possible par la consécration sacrificielle des croyants, et la gaspillent dans la paresse, l’irresponsabilité ou le péché.

Variantes de la grâce

Les pasteurs à double vocation qui cherchent à être consacrés à temps plein à leurs églises peuvent prier vigoureusement pour que le Seigneur change leurs circonstances au moyen de la croissance de l’église, d’une consécration accrue de leurs membres ou pour un contentement accru avec moins de choses. De tels pasteurs reconnaissent qu’ils ne peuvent se donner pleinement au ministère de la Parole et à la prière quand la plus grande partie de leurs journées est consacrée au travail hors de l’église.

Néanmoins les pasteurs à double vocation peuvent se donner significativement à l’œuvre du royaume – même s’ils acceptent que Dieu puisse continuer à manifester sa puissance souveraine dans des circonstances moins qu’idéales. Les pasteurs à double vocation ne sont pas des cas de faillite spirituelle qui sont fautifs quant à la foi ; ils sont des variantes de la grâce de Dieu aux multiples facettes. Dans ce grand jour où ils se tiendront devant Dieu, ils seront reconnaissants pour chaque inconvénient qu’ils auront accepté de supporter pour la gloire du Sauveur et la joie de son troupeau.

En même temps, puissent les pasteurs à double vocation garder fermement leurs cœurs et leurs pensées tandis qu’ils se donnent à l’œuvre qui leur a été confiée, sachant que Celui qu’ils servent est fidèle et qu’il n’oubliera pas leurs travaux (1 Cor. 15.58).

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