Tant de choses ont changé. Et combien rapidement. La plupart d’entre nous ont été obligés de faire des ajustements sans précédent dans notre travail, dans nos voyages, dans nos cultes, dans nos finances, et dans nos relations sociales. Avec la progression du COVID-19 sur la Terre, nous avons tous été appelés à nous retirer temporairement des vies auxquelles nous sommes tous habitués.
Il n’y a que quelques années que le livre de Rod Dreher The Benedict Option (Le pari bénédictin) a provoqué des remous dans l’Église occidentale en appelant à un retrait stratégique pour reconstruire une contre-culture profonde et dévouée au sein de l’Église, qui serait capable de résister à la tempête croissante de l’hostilité laïque. L’argument de Dreher était que nous devrions « cesser d’essayer de répondre au monde selon ses propres termes et nous concentrer sur la construction de la fidélité dans une communauté distincte. » De cette façon, faire un pas en arrière permet d’acquérir une distance formatrice pour la vie du peuple de Dieu, et pourrait servir d’équivalent missionnaire à la technique de « rope-a-dope [1]» de Mohammed Ali, une tactique utilisée pour conserver son énergie sur le long terme lorsque l’on a besoin de survivre à un adversaire agressif et acharné.
Pendant la période du COVID-19, la société occidentale a glissé presque en une nuit de l’accent mis sur l’individualisme (vis comme tu l’entends et sois fidèle à toi-même) au collectivisme (suis ces règles et fais ta part pour la société). Quoique ce ne soit certainement pas le type de retrait que les implanteurs d’églises auraient souhaité, je me demande comment ce retrait forcé [de la société] par rapport à notre confort et à notre rythme – et les uns par rapport aux autres– peut être géré stratégiquement.
Il y a des moments où faire un pas en arrière est nécessaire pour rompre avec des pratiques malsaines et retrouver une perspective pour la prochaine étape.
Se pourrait-il que ce temps de distanciation sociale ait rendu possible pour nous le nécessaire retrait stratégique que beaucoup d’entre nous hésitaient à faire ? Se pourrait-il que cette pression très réelle et cette tension que nous expérimentons tous soient tout simplement la Main Divine tirant sur l’élastique, afin de nous propulser plus loin dans son plan rédempteur qu’aucun d’entre nous n’aurait jamais pu le concevoir ou l’imaginer ?
Nous ne savons pas combien de temps durera cette saison, ni à quel point elle sera douloureuse. Mais comme toutes les autres épreuves, assurons-nous de ne pas la laisser passer en vain. Voici trois façons dont les implanteurs d’églises peuvent utilement gérer cette situation.
1. Remettre les choses en perspective
Il y a des moments où faire un pas en arrière est nécessaire pour rompre avec des pratiques malsaines et retrouver une perspective pour la prochaine étape. Comme Mark Sayers le fait voir dans un de ses excellents livres, une telle prise de distance par rapport à la culture ambiante « nous permet de reconnaître les mythes culturels et les angles morts » dans lesquels nous sommes tombés, peut-être plus que nous ne l’avions jamais réalisé avant.
Et si nous utilisions une partie de ce temps supplémentaire pour réévaluer l’intégrité de notre vie de disciple et le genre de fruits que notre approche de la mission a produit ? Et si nous nous engagions avec une nouvelle énergie à créer dans nos églises des rythmes et des communautés qui soient durables non seulement pendant les temps de prévisibilité et de prospérité, mais aussi pendant les temps de pénurie et d’incertitude ?
2. Aller en profondeur
Il est possible que le pari bénédictin nous soit arrivé d’une façon tout à fait inattendue, mais elle apporte néanmoins aux implanteurs d’églises une occasion magnifique. Nous devons maintenant nous examiner nous-mêmes et remettre à zéro certaines de nos approches pour faire des disciples, renforcer les familles et vivre la mission.
Est-ce que cela ne ressemble pas exactement à ce que ferait Dieu d’apporter le plus grand renouveau que l’église de cette génération n’ait jamais vu, au travers de la plus grande épreuve que nous n’ayons jamais affrontée ?
Avec un nouveau temps libre disponible arrive l’opportunité d’acquérir une nouvelle profondeur. Et si nous formions nos frères et sœurs à gérer leur temps de façon à ce que nous en ressortions avec une connaissance biblique sans précédent ? Et si notre solitude accrue était mise à profit pour accroître notre intimité dans la prière et la dépendance à l’égard du Saint-Esprit ? Et si ce changement de rythme était un cadeau pour nous, les implanteurs d’églises et les pasteurs, nous ralentissant de la meilleure des manières, pour approfondir notre patience, et d’accroître la longévité de notre ministère ?
3. Se préparer pour le redémarrage
Colin Marshall et Tony Payne concluaient leur livre sur le discipulat paru en 2009 The Trellis and the Vine (La treille et la vigne), avec ces mots prophétiques qui nous hantent :
Imaginez qu’[une] pandémie balaye cette partie du monde où vous êtes et que tous les rassemblements publics de plus de trois personnes soient interdits par le gouvernement pour des raisons de santé publique et de sécurité. Et disons qu’à cause d’une quelconque combinaison catastrophique de circonstances locales, cette interdiction doive rester en place pour 18 mois . . . il ne pourrait plus y avoir de réunions . . . plus d’activités en groupes, ni événements d’aucune sorte à organiser, administrer, pour lesquels récolter du soutien ou auxquels assister. Il ne resterait que l’enseignement personnel à devenir un disciple et la formation de votre assemblée à faire à leur tour des disciples. Voici la question intéressante : après les 18 mois, lorsque l’interdiction aurait été levée et que vous auriez pu recommencer les réunions du dimanche et toutes les autres réunions de la vie de l’église, que feriez-vous différemment ?
À un moment donné, cette crise va prendre fin. La question qui se pose à nous tous est la suivante : voulons-nous vraiment revenir à la situation antérieure ? Peut-être qu’en cette période, Dieu donne aux pasteurs implanteurs d’églises l’occasion d’examiner les anciennes manières de faire auxquelles nous avons alloué l’énergie et les ressources – et de voir si nous avons donné la priorité aux bonnes choses.
Nos plans peuvent avoir changé pour le moment, mais cela pourrait être la meilleure chose qui nous soit arrivée pour que nous nous mettions en accord avec le plan de Dieu, qui lui, n’a pas changé. Est-ce que cela ne ressemble pas exactement à ce que ferait Dieu, d’apporter le plus grand renouveau que l’église de cette génération n’ait jamais vu au travers de la plus grande épreuve que nous ayons jamais affrontée ? Puisse Dieu utiliser cette crise pour nous amener à la fin de nous-mêmes. Et là, quand nous confesserons notre faiblesse, qu’Il nous rencontre avec sa puissance revitalisante.
[1] Le rope-a-dope est une technique de combat de boxe communément associée à Muhammad Ali dans son match Rumble in the Jungle de 1974 contre le champion du monde des poids lourds George Foreman.
Dans de nombreuses situations de compétition, le rope-a-dope est utilisé pour décrire des stratégies dans lesquelles un compétiteur laisse son adversaire se fatiguer en lui donnant des coups offensifs non blessants. Cela donne ensuite un avantage au concurrent lorsque l’adversaire se fatigue, lui permettant de passer alors à l’offensive et gagner ainsi.
Traduit de : How Forced Withdrawal Might Further the Mission