Le personnel soignant est aujourd’hui confronté non seulement à une charge de travail considérable mais aussi à un grand nombre de personnes qui, en service de réanimation, luttent entre la vie et la mort.
Comment, dans quel cadre et dans quelle mesure peuvent-ils communiquer le message de la vie éternelle à ses personnes qui peu à peu quittent la vie ici-bas.
Le CNEF a édité en 2015, une série de petits ouvrages intitulé « Libre de le dire » qui s’attache à nous présenter le cadre dans lequel nous pouvons, en France, exprimer notre foi.
Nous en publions ci-dessous un court extrait du chapitre concernant le personnel de santé.
Puis-je exprimer mes convictions dans l’exercice de mes fonctions ?
Dans la mesure où la personne soignée est dans une situation de faiblesse, sa liberté de conscience doit être particulièrement protégée contre tout acte de prosélytisme abusif. Dans un cadre public ou privé, les soignants doivent s’abstenir de chercher à convaincre le patient d’adhérer à une religion. Le patient pourrait en effet considérer un tel acte de prosélytisme religieux comme un abus de position ou de faiblesse. Les soignants sont donc astreints à une importante réserve dans le partage de leurs convictions avec les patients dans le cadre de leur profession.
Dans tous les cas, chaque soignant restera soumis à l’application du code de déontologie de son ordre professionnel.
Dans le cadre du service public hospitalier ou des établissements de santé privés qui participent à une mission de service public, la laïcité s’applique. Les fonctionnaires, les agents publics, les contractuels ou internes, doivent se soumettre au principe de neutralité du service public. À cet égard, leur liberté de manifester leurs convictions religieuses est limitée s’agissant de leur liberté de parole et de leur liberté vestimentaire, en particulier du port d’un signe ostensible, ou jugé comme tel, d’appartenance religieuse (et ce même lorsque les agents ne sont pas en contact avec le public).
La liberté vestimentaire est de toute façon subordonnée aux nécessités du service telles que les mesures d’hygiène et de sécurité.
Dans le cadre des cliniques privées, une plus grande liberté de manifestation des convictions est possible, en fonction du règlement intérieur de l’établissement. Certains établissements se rapprocheront des entreprises de tendance où le partage des convictions fait partie de la mission des salariés.
Dans le cadre des professions libérales de santé, liberté de parole et liberté vestimentaire font partie de l’indépendance dans l’exercice de la profession. Une plus grande souplesse s’applique.
Cela étant, le professionnel de santé devra être conscient du nécessaire respect de la liberté de conscience de son patient et s’abstiendra d’abuser de sa propre liberté. Si un échange verbal autour des convictions religieuses, politiques ou philosophiques devait s’ouvrir avec son patient, le professionnel devrait user de toute délicatesse et respect pour ne pas abuser de sa position.
Ainsi un espace de parole est possible, en toute humanité, s’il y a permission de la part du patient, tact et respect de la part du soignant[1].
Dans les décisions de soins, le soignant s’attachera par ailleurs à rechercher le consentement éclairé du patient en tenant compte des convictions personnelles de ce dernier.
Si le patient est accueilli dans un établissement de santé, il pourra bénéficier des services d’aumônerie pour l’exercice de son culte, une visite ou un accompagnement dans sa souffrance physique mais aussi spirituelle.
Paroles de soignants
Médecin généraliste, Rhône-Alpes
Les médecins ont la possibilité de refuser un soin au nom de leur foi à condition de proposer un autre confrère pour la prise en charge. Quand cela m’arrive de refuser un soin, je précise d’abord que c’est au nom de mes convictions personnelles sans en dire plus. Étant maître de stage des universités, je suis en effet tenu au principe de laïcité en présence de mes étudiants. Si le patient souhaite échanger sur le sujet et que je suis seul avec lui, je précise que c’est au nom de ma foi et qu’en parler engage l’homme plus que le médecin, même si les deux ne font qu’un. Je formalise ainsi un espace de permission, avec tact et respect du patient, un espace de discussion entre personnes et non entre médecin et patient.J’attire par ailleurs l’attention de mes étudiants sur la souffrance spirituelle des patients, qu’ils doivent systématiquement discerner, non pour y répondre eux-mêmes mais pour qu’elle soit nommée et pouvoir rechercher les interlocuteurs adaptés si besoin. Cela rejoint la notion de souffrance spirituelle, psychologique et sociale qui participe, avec la douleur physique, à la souffrance totale, décrite par Cicely Saunders (médecin britannique, pionnière des soins palliatifs au Royaume-Uni).
Médecin retraité, Doubs
Je suis retraité aujourd’hui, mais j’ai travaillé en cabinet privé et comme médecin d’une maison d’arrêt avec de nombreuses occasions de partager ma foi. Concernant le témoignage chrétien, le plus important, c’est notre communion avec Dieu. Personne ne peut nous empêcher de prier, d’aimer et c’est Dieu qui ouvre la porte des cœurs. Les personnes s’ouvrent alors, nous posent des questions auxquelles nous répondons avec « douceur et respect ».
Cadre de santé, clinique privée, Région Centre
La diversité de religion dans l’établissement privé de santé où je travaille, est gérée sous deux aspects :
– L’aspect client [la personne soignée]. La loi (charte de la personne hospitalisée) s’impose à nous : « la personne hospitalisée est traitée avec égards. Ses croyances sont respectées ». Concrètement il s’agit de tout mettre en œuvre pour satisfaire autant que possible les régimes alimentaires particuliers, pour mettre à disposition les informations sur les cultes existants et accessibles à proximité de l’établissement (lieux, jours et horaires des services religieux).
– L’aspect professionnel [le personnel de l’établissement]. La question de la religion est un « non-sujet », car elle relève de la vie privée. Cependant dans la pratique les particularités religieuses comme les régimes alimentaires ou les périodes de jeûne, sont autorisées ou respectées dans la mesure où elles ne gênent pas le fonctionnement de l’établissement et n’interfèrent pas dans les missions confiées au personnel.
[1] L’UEMP (Union évangélique médicale et paramédicale) insiste sur cette démarche de permission, tact et respect préalable à toute expression des convictions par les soignants.