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Comment lire la Bible avec un regard théologique

Il y a plusieurs années, j’ai assisté à une conférence au cours de laquelle Don Carson s’exprimait, et je lui ai demandé s’il pouvait cerner certaines questions qui, selon lui, seraient problématiques pour les chrétiens dans les années à venir. 

Il a simplement déclaré : « La bataille sera à propos de la Bible » 

Il avait raison.

La vision du monde qui prévaut sur les Écritures est passée de : « c’est le livre de Dieu », « c’est l’un des livres de Dieu », « c’est un bon livre », à « c’est un livre corrompu, injuste et contraire à l’éthique ». Cette pensée culturelle a pénétré l’esprit de nombreux croyants. Ils ont une vision inexacte des Écritures qui est davantage façonnée par la culture, que par le christianisme historique et traditionnel. Ce changement a poussé de nombreux croyants à remettre en question, à redéfinir et même à nier l’autorité des Écritures. En m’engageant dans cette bataille, je me suis rendu compte que mon approche pour traiter la complexité de ce problème était déficiente.

Une grille subjective et personnelle

Lorsque des amis ou des membres de la famille annoncent qu’ils perdent tranquillement leur foi ou affirment que la question théologique pour laquelle leurs convictions ont changé entre dans la catégorie des questions contestables, beaucoup d’entre nous ne savent pas trop comment en discuter avec eux. Nous leur expliquons ce que nous croyons à propos de la question à partir de la Parole de Dieu, en leur montrant les textes pertinents, mais apparemment cela ne mène à aucun résultat.

Le problème de fond réside dans la grille avec laquelle ils interprètent les Écritures. Ils imposent à leur exégèse de la Parole les tendances philosophiques de notre époque et leur propre émotivité liée à la question. Cette complication est aggravée par la façon dont nous catégorisons souvent les Écritures.

Peut-être que, comme moi, vous vous demandez quelle est la meilleure façon de dialoguer avec eux. J’ai appris certaines leçons, tout en commettant plusieurs erreurs, qui pourraient vous être utiles pour continuer à discuter avec eux.

Cet enjeu n’est pas nouveau

La Parole de Dieu est suffisante à cette fin. Jude rappelle à ses lecteurs qu’il leur incombe de défendre la foi. À son époque, certains qui se prétendent être des Croyants : « se sont introduits secrètement parmi vous ». Ils ont justifié leurs comportements laxistes (immoralité) et modifié leurs croyances (renier Jésus-Christ) intentionnellement et avec des cœurs endurcis (qui pervertissent la grâce de notre Dieu).

Le dialogue est nuancé

Mon parcours est né d’une frustration. Les perspectives de plusieurs de mes collègues évangéliques commençaient à changer dans des domaines théologiques et ce, de manière déconcertante. En discutant avec ceux-ci, qui se qualifient eux-mêmes comme des « Évangéliques », j’ai constaté qu’ils adoptaient un éventail de points de vue théologiques typiquement « libéraux » dans plusieurs domaines; notamment le salut, le caractère sacré de la vie et la sexualité.

En poursuivant le dialogue avec eux, je pouvais définir leur herméneutique d’erronée et leurs croyances théologiques d’hérétiques. Ils me contestaient et me disaient qu’ils ne pouvaient pas être qualifiés « d’hérétiques », en raison du fait de leur adhésion au Crédo des Apôtres et celui de Nicée. J’ai fait appel à plusieurs autres collègues, qui partageaient mes convictions théologiques, pour être réprimandé par certains d’entre eux, qui estimaient que je contrevenais à Jean 17, et l’appel à l’unité proclamé par Christ. Ils m’ont expliqué que les collègues que je défiais étaient des frères et sœurs en Christ et que, par conséquent, j’étais en train de créer des divisions.

Ce qui est le plus troublant, c’est que les deux groupes considéraient que ces domaines de divergence théologique étaient contestables. Tant ceux qui avaient changé de position théologique, que ceux qui faisaient de l’unité le principe directeur suprême. Ces deux camps faisaient appel à la théorie du triage théologique d’Al Mohler[1], qui lui, qualifiait ces questions de troisième ordre et ils m’accusaient de les élever au rang de première importance; ou se référaient au livre de Gavin Ortlund, « Finding the Right Hills to Die On », et à sa théorie de la doctrine à quatre rangs.

Identifier les questions en jeu

J’étais profondément bouleversé à trois égards : 1) le changement opéré par certains de mes collègues et leur appel à nos crédos historiques pour défendre leur intégrité théologique; 2) le cœur de pasteur de mes autres collègues qui m’ont appelé à la repentance pour avoir provoqué la division, en utilisant, à leur défense, l’appel du Christ à l’unité; et 3) l’utilisation (erronée) de la théorie des trois rangs de Mohler, et de la théorie de la doctrine à quatre rangs d’Ortlund.

Trois hypothèses sous-jacentes ont été soulignées : 1) l’unité entre les croyants est primordiale, 2) le cadre le plus courant auquel nous faisons appel est celui de Mohler ou d’Ortlund et 3) les tenants d’un christianisme historique et traditionnel suppriment toute approche académique vigoureuse du texte, afin de préserver leurs positions de gloire et de pouvoir.

Alistair McGrath écrit : « Pour beaucoup, l’hérésie est désormais considérée comme une victime théologique, un ensemble d’idées nobles qui ont été brutalement écrasées et abusivement supprimées par les orthodoxies dominantes, puis présentées comme si elles étaient sournoises, malhonnêtes ou diaboliques. Dans ce bilan romancé des choses, l’hérésie est dépeinte comme une île de libre-pensée au milieu d’un océan dilué d’orthodoxie irréfléchie, renforcée davantage par le simple pouvoir ecclésiastique que par de solides fondations intellectuelles »[2].

Un cadre utile

J’ai décidé d’examiner de plus près les Écritures. Comment les Écritures se classent-elles elles-mêmes ? Indiquent-elles des priorités doctrinales ? J’y ai découvert quatre catégories générales :

  1. Saine doctrine : 1 Timothée 1.3-20, 4.6-10, 6.2-5; 2 Timothée 2.14-19, 4.1-5; Tite 1.9, 2.1
  2. Les questions litigieuses : Romains 14; 1 Corinthiens 8.1-13
  3. Doctrine erronée : 1 Timothée 1, 4.1-5; 2 Timothée 4.2-4; Tite 1.9
  4. Hérésie (faux enseignement, blasphème) : 1 Timothée 1.3-20, 4; 2 Pierre 2.1-3, 2.12

Toutes les questions théologiques entrent dans l’une de ces quatre catégories.

1. La saine doctrine

La saine doctrine est la norme de référence à laquelle sont mesurés tous les autres enseignements et doctrines. Parmi les principes directeurs de la saine doctrine, citons : « dispenser droitement la parole de vérité » (2 Timothée 2.15); « corriger, reprendre et encourager – avec une grande douceur et en instruisant soigneusement » (2 Timothée 4.2); « s’attacher fermement à la parole de vérité, afin de pouvoir encourager les autres par la saine doctrine » (Tite 1.9); et « enseigner en toute vérité » (Tite 2.1). Le principe de « prééminence » de 1 Corinthiens 15.3-4 confirme que certaines doctrines ont plus de poids que d’autres. La saine doctrine est la base fondamentale sur laquelle s’appuient toutes les autres doctrines.

2. Les questions litigieuses

Les questions litigieuses sont des questions théologiques pour lesquelles Dieu a accordé la liberté de conscience ou pour lesquelles les Écritures sont suffisamment variées pour que l’on puisse parvenir à deux conclusions distinctes à l’aide d’une herméneutique biblique rigoureuse, ou encore pour lesquelles les Écritures sont silencieuses.

Lorsque les Écritures sont silencieuses, il s’agit simplement d’une question d’opinion ou de préférence. La Parole de Dieu fournit des indications sur les principes à suivre et des moyens pour déterminer si une doctrine est discutable. Des principes directeurs sont également donnés concernant la manière dont nous sommes en communion avec d’autres croyants lorsque nous traitons de questions délicates.

L’unité est plus importante que n’importe quelle position théologique susceptible d’être contestée. Nous avons besoin d’une herméneutique solide pour gérer les affaires conflictuelles.

3. Doctrine erronée

On parle de doctrine erronée lorsque quelqu’un s’est suffisamment éloigné d’une question de saine doctrine, en termes de croyance ou de comportement, pour devoir être réprimandé, corrigé ou réfuté. Toutefois, cette personne n’est pas nécessairement considérée comme un faux enseignant ou un hérétique.

Certains passages mentionnent explicitement des domaines de doctrine erronée. Par exemple, 1 Timothée 1 qualifie le commerce d’esclaves, le parjure et le mensonge comme étant contraires à la saine doctrine. L’un des exemples trouvés dans les Écritures où la doctrine erronée est traitée est celui où l’apôtre Paul corrige l’apôtre Pierre dans Galates 2, en déclarant que Pierre n’agit plus « conformément à la vérité de l’Évangile ».

Les doctrines erronées nuisent à l’Église du Christ. Les Écritures nous appellent à reprendre, corriger et réfuter ceux qui l’enseignent, ou y croient. C’est la position que je savais devoir adopter avec beaucoup de mes frères et sœurs qui avaient changé de position doctrinale.

4. L’hérésie

L’hérésie, le blasphème et le faux enseignement détruisent ce qui constitue l’essence de l’Évangile, que ce soit dans la croyance ou dans le comportement. L’apôtre Paul décrit les blasphémateurs comme des « épaves de la foi ». Ils sont « livrés à Satan pour qu’ils apprennent à ne pas blasphémer » (1 Timothée 1.19-20). Il est dit qu’ils ont « abandonné la foi » et qu’ils enseignent ce qu’ils ont appris des esprits séducteurs et des démons (1 Timothée 4.1-2).

Au sujet des faux prophètes, Pierre écrit : « Ils introduiront sournoisement des hérésies destructrices, allant jusqu’à renier le Seigneur qui les a rachetés, s’attirant ainsi une ruine soudaine » (2 Pierre 2.1-2). La nature destructrice de l’hérésie est sévèrement sanctionnée afin de protéger le peuple de Dieu.

J’admets cependant que, trop souvent, j’ai rapidement qualifié une position théologique d’hérétique, alors qu’il s’agissait d’une question litigieuse ou d’une doctrine erronée.

Quelle est la situation actuelle ? Quatre points à considérer

  1. Le langage est essentiel. Si nous commençons à classer nos positions doctrinales en saine doctrine, questions litigieuses, doctrine erronée et hérésie par rapport au troisième ou quatrième rang, certaines conversations changeront radicalement.
  2. Si nous discutons d’une question litigieuse, l’unité est primordiale. Puissions-nous être charitables et bienveillants, lorsque Dieu nous révèle que la question est contestable.
  3. Si nous parlons d’hérésie, nous cessons d’être en communion avec eux s’ils refusent de se repentir.
  4. Si nous débattons d’une doctrine erronée, nous les réprimandons, corrigeons ou réfutons. Expliquer à un ami ou à un collègue que sa position n’est pas fondée en doctrine constituera un lourd fardeau pour la plupart.

Prions pour que l’Esprit de Dieu convainque certains de nos amis, membres de notre famille et collègues, dont les croyances ne sont pas fondées en doctrine, de se repentir, les ramenant ainsi à une position de saine doctrine tout en rétablissant avec eux une unité et une communion remplies de l’Esprit. Dieu, accorde-nous la sagesse de gérer cette journée.

 

 


1. Mohler, Al. ‘A Call for Theological Triage and Christian Maturity.’ Al Mohler, July 12, 2005.
2. McGrath, Alister, Heresy. A History of Defending the Truth. (New York, NY: HarperCollins Publishing, 2009), p.6.
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