« Comment pouvez-vous croire en la sécurité éternelle du croyant ?
N’avez-vous pas lu Hébreux 6 ?! Il semble tout à fait clair qu’il est possible de goûter le don céleste et de participer au Saint-Esprit et pourtant de chuter sans espoir de renouvellement. Les choses seraient bien plus simples si vous croyiez seulement la Bible au lieu de chercher à la faire entrer de force dans un système théologique ».
J’ai eu plusieurs conversations de ce genre. En fait, j’ai été des deux bords dans celle-ci. Plus tôt dans ma vie, je faisais l’objection ; plus tard, je la recevais. Il n’est pas rare d’entendre des chrétiens dire : « Je n’ai pas de théologie, je ne fais que croire à la Bible ».
Mais cette déclaration montre une mauvaise compréhension de la théologie – du moins de la bonne théologie. Elle suppose que les personnes qui ne sont pas d’accord avec votre interprétation n’ont pas dû lire attentivement leur Bible. Elle suppose également que vous pouvez éviter la construction d’un système théologique en faveur d’un biblicisme pur, alors qu’en réalité vous ne le pouvez pas. Réfléchissons donc un instant à la façon dont la théologie fonctionne et à la façon de la faire honnêtement, en utilisant la sécurité éternelle du croyant comme test.
Où commence une bonne théologie
Une bonne théologie ne commence pas en créant un système puis en faisant entrer de force la Bible dans ce système. Une bonne théologie commence en écoutant la Parole de Dieu – en portant une attention particulière et baignée de prière au texte lui-même. En faisant cela, vous remarquerez que toutes les Écritures ne se ressemblent pas. Il y a des passages (comme Hébreux 6) qui semblent dire que les saints peuvent chuter définitivement et il y en a d’autres (comme Romains 8) qui semblent dire que les saints sont éternellement en sécurité. Parce que la bonne théologie considère l’Écriture comme la Parole de Dieu, elle est convaincue que les deux séries de passages doivent avoir une certaine cohérence sous-jacente.
Et c’est là qu’intervient la construction du système théologique. Les systèmes théologiques ne devraient pas être quelque chose que nous apportons à l’Écriture (du moins pas au départ), mais quelque chose que nous tirons de l’Écriture. Les systèmes théologiques sont ce que nous construisons dans notre tentative de comprendre comment Hébreux 6 est compatible avec Romains 8. Ils sont notre tentative de dire oui à toute la Parole de Dieu, plutôt que de privilégier nos passages favoris.
Les systèmes théologiques sont ce que nous construisons dans notre tentative de comprendre comment Hébreux 6 est compatible avec Romains 8. Ils sont notre tentative de dire oui à toute la Parole de Dieu, plutôt que de privilégier nos passages favoris.
Comme le théologien anglais Stephen Holmes le disait : « La théologie est … le travail qui consiste à essayer d’imaginer ce qui doit être pensé pour que tout dans la Bible soit vrai ». (Cela inclut les idées qui sont supposées ou « nécessairement contenues » dans les Écritures sans être explicitées). En d’autres termes, la bonne théologie croit que la Parole de Dieu contient une cohérence interne. Sinon, pourquoi ne pas simplement conclure que l’auteur des Hébreux croyait que nous pourrions perdre notre salut alors que l’apôtre Paul ne le croyait pas ?
Mais avant de pouvoir formuler une solution, nous devons honnêtement reconnaître que l’Écriture contient les deux types de textes. Beaucoup de controverses Calvinistes – Arminiens seraient moins vives si les deux parties reconnaissaient honnêtement que la Bible contient des passages plus faciles à expliquer pour l’autre partie.
Comment procède la bonne théologie
Ainsi la théologie est inévitable. Et si vous croyez à la cohérence interne de la Bible, vous allez chercher avec patience une interprétation de ce texte-ci qui s’harmonise avec ce texte-là.
Et si vous croyez à la cohérence interne de la Bible, vous allez chercher avec patience une interprétation de ce texte-ci qui s’harmonise avec ce texte-là.
Le défi consiste à construire un système qui soit lui-même biblique. Parce que si nous imposons un système non biblique à la Bible, nous finirons par forcer et par tordre des versets qui « ne vont pas ». Un système non biblique fera taire les « textes problématiques », tandis qu’un système biblique permettra à chaque texte de parler d’une voix distincte, tout en nous gardant de taire les autres vérités bibliques. Les voix peuvent s’harmoniser sans se ressembler.
Pour affiner l’analogie, les textes sont comme des outils – il n’y a pas de contradiction entre un marteau et un tournevis ; ils sont juste conçus pour faire des choses différentes. Certains textes sont conçus pour réconforter, d’autres pour exhorter, et ils doivent être lus pour ce qu’ils sont. Le lecteur qui conclut que Romains 8 enseigne la sécurité éternelle du croyant peut toujours reconnaître que Hébreux 6 et des passages similaires enseignent la nécessité de la persévérance et le besoin de « prendre garde de tomber » (1 Cor. 10:12).
Les voix peuvent s’harmoniser sans se ressembler.
Un autre défi consiste à reconnaître que les doctrines sont un réseau interconnecté. La sécurité éternelle du croyant est liée à la vision que l’on a de la souveraineté divine. Un chrétien qui n’est pas d’accord avec vous sur la question de savoir si Hébreux 6 réfute la sécurité éternelle du croyant sera généralement quelqu’un qui est arrivé à des conclusions différentes (ou qui a des hypothèses différentes) sur la souveraineté divine et le libre arbitre humain. Donc, plutôt que de dire : « Vous dites cela parce que vous êtes arminien ou calviniste », il serait plus honnête de reconnaître des désaccords plus profonds et d’essayer de les résoudre.
Comment arriver à des conclusions théologiques
Les Calvinistes et les Arminiens honnêtes devraient donc reconnaître volontiers que l’Écriture contient des versets qui semblent soutenir les convictions de l’autre partie. Mais la question que tout le monde doit se poser est : « Quels versets sont plus clairs et moins ouverts à d’autres interprétations ? » À un moment donné, chaque interprète doit décider que ce passage est si clair qu’il ne peut pas signifier autre chose, et donc les passages qui semblent dire autre chose doivent être interprétés à la lumière de celui-ci. C’est le principe ancien qui consiste à interpréter l’Écriture par l’Écriture, et à permettre aux passages plus clairs d’interpréter ceux qui sont plus brumeux.
Une bonne théologie ne commence pas en créant un système puis en faisant entrer de force la Bible dans ce système. Une bonne théologie commence en écoutant la Parole de Dieu.
Certes, ce n’est pas toujours facile, car les gens ne sont pas toujours d’accord sur les versets les plus clairs. Mais sur la question de la sécurité éternelle du croyant, j’ai fini par conclure que des passages comme Romains 8:28–30, Jean 6:37–40, et 1 Jean 2:19 étaient plus décisifs que Hébreux 6. Et surtout parce qu’ils contiennent tous des arguments structurés. Ces textes ne se contentent pas de faire des observations générales, ils font des affirmations et les étayent ensuite par des motifs. Certaines interprétations sont donc impossibles parce qu’elles détruisent l’argument même que l’auteur tente de faire valoir.
Prenez 1 Jean 2:19. Voici l’argumentation de Jean mise sous une forme logique :
Affirmation : « Ils sont sortis de chez nous, mais ils n’étaient pas des nôtres… »
Raison : « … car s’ils avaient été des nôtres, ils auraient continué avec nous. »
Conclusion : « Mais ils sont sortis, pour qu’il soit clair qu’ils ne sont pas tous des nôtres. »
Voici pourquoi ce verset est devenu problématique pour moi en tant qu’Arminien, et pourquoi j’en suis venu à le considérer comme décisif pour la sécurité éternelle du croyant : parce que la raison que donne Jean pour appuyer sa revendication est une raison que je n’aurais pas pu donner. Pourquoi pas ? Parce que la revendication centrale de ma position arminienne était que vous pouvez être vraiment « des nôtres » sans continuer avec nous. Ma conception du libre-arbitre signifiait qu’il n’y avait aucune garantie que les vrais croyants continueraient à croire jusqu’à la fin. Mais une telle affirmation détruit tout l’argument de Jean, qui affirme expressément que ceux qui sont vraiment « des nôtres » continueront avec nous.
Dans cette veine, voici deux bonnes questions à poser : « L’auteur aurait-il dit cela s’il était d’accord avec ma théologie » et « Que dirait la Bible pour falsifier ma position ? »
En bref, tous les textes ne sont pas aussi clairs les uns que les autres, mais certains sont suffisamment clairs pour être décisifs. Tout comme un piège à souris est irréductiblement complexe (on ne peut en retirer aucune des parties sans détruire sa fonction), certains passages de l’Écriture sont irréductiblement complexes (on ne peut interpréter leurs parties différemment sans détruire l’argument qu’ils avancent). Et ce genre de passages doit être prioritaire lors de la construction d’un système théologique.
Continuez à construire
J’ai dit plus tôt que les systèmes théologiques sont quelque chose que nous devrions tirer des Écritures plutôt que de l’y apporter. Mais si vous avez conclu que 1 Jean 2:19 est décisif pour ce qui concerne la sécurité éternelle du croyant, il est parfaitement légitime de lui permettre de contrôler la façon dont vous interprétez les autres passages. En effet, il serait erroné de ne pas le faire. Parce qu’à ce stade, vous avez décidé que 1 Jean 2:19 est suffisamment décisif pour établir le fait que la sécurité éternelle du croyant est une donnée non-négociable dans votre théologie.
Cela ne signifie pas que vous ne pourrez jamais reconsidérer la question à la lumière d’une étude future. Nous devrions toujours être ouverts à la possibilité de nous tromper ! Nous ne sommes pas des interprètes infaillibles, après tout. Mais certaines doctrines sont plus centrales que d’autres, et toutes les conclusions ne devraient pas être modifiées aussi facilement. En attendant, contentez-vous de traiter certaines conclusions théologiques comme ce que Don Carson appelle des « non-négociables fonctionnels ». Pas gravées dans la pierre, peut-être, mais soigneusement construites et pas facilement délogées.
Nous sommes tous des théologiens, que cela nous plaise ou non. Mais avec l’aide de Dieu, nous pouvons apprendre à devenir des personnes honnêtes.