Découvrez Vincent Miville, pasteur et cinéphile passionné, qui nous invite à explorer le lien fascinant entre la Bible et le cinéma. À travers son blog et son livre, il nous montre comment le cinéma s’empare des récits et des thématiques bibliques.
Transcription
Bonjour, peux-tu te présenter ?
Alors, je m’appelle Vincent Miville, je suis pasteur et cinéphile.
C’est comme ça à l’occasion de mon livre qu’on me présente en général et ça me correspond assez bien.
Je suis pasteur d’une église évangélique libre en région parisienne, dans le Val d’Oise, et je suis passionné par l’art et la culture en général et par le cinéma en particulier.
Je vais au cinéma toutes les semaines, voir plusieurs films.
Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Alors, c’est parti de mon blog.
Depuis quelques années, j’ai un blog où je publie systématiquement des critiques sur les différents films que je vais voir au cinéma.
Et puis, ce blog commence à être un petit peu connu parfois et on en a parlé.
Et puis, j’ai été contacté par les éditions biblio qui m’ont demandé si j’étais intéressé d’écrire un livre sur le lien entre la Bible et le cinéma.
Et je me suis dit, ben, pourquoi pas ?
Le sujet forcément m’intéresse.
Il peut sans doute intéresser d’autres personnes et donc je me suis lancé dans l’écriture de ce livre.
Qu’est-ce qui rend les scènes bibliques si cinématiques ?
Je pense que la première raison, c’est justement le fait que dans la Bible, il y a beaucoup de récits.
Majoritairement, la Bible est un récit, une histoire qui nous est racontée.
Dans un film, c’est avant tout le fait de raconter une histoire avec des images, avec des dialogues, avec des décors, de la musique, etc.
Mais on nous raconte une histoire.
Et comme la Bible nous raconte beaucoup d’histoires, on y trouve une source d’inspiration, notamment pour le cinéma.
Et même les textes dans la Bible qui ne sont pas strictement narratifs s’inscrivent dans un grand récit, le récit du salut de Dieu.
Donc je crois qu’il y a une parenté entre la Bible qui nous raconte une histoire et qui nous rejoint cette histoire, comme un film qui nous raconte une histoire qui elle-même va pouvoir entrer en écho avec notre propre histoire.
Comment comparer les Dix commandements de Cécile B. de Milles et Exodus de Ridley Scott, réalisés à près de 60 ans d’écart ?
Une des premières choses que ces deux films nous disent, c’est que la Bible a influencé et continue d’influencer le cinéma.
A Hollywood, mais pas seulement à Hollywood.
C’est plus marqué dans le cinéma américain, parce que l’empreinte de la culture biblique est plus forte.
Mais la Bible a toujours inspiré et continue d’inspirer le cinéma.
Ensuite, on va dire que les Dix commandements de Cécile B. de Milles et puis Exodus de Ridley Scott appartiennent quand même globalement au même genre cinématographique.
C’est le peplum.
Alors, Cécile B. de Milles, c’est l’âge d’or du peplum dans les années 50.
Ridley Scott, c’est plus ce qu’on peut appeler le néo-peplum.
C’est d’ailleurs lui qui a relancé le peplum avec Gladiator au début des années 2000.
Et là, on a un peplum biblique.
Ce qui est intéressant, c’est qu’avec le même genre cinématographique, tournés à deux époques très différentes, les films sont quand même assez différents.
On peut dire que dans le film de Cécile B. de Milles, la vision de Dieu et des personnages bibliques reste très traditionnelle.
Il y avait le souci de ne pas froisser les croyants des différentes religions associées à cette histoire-là.
On se souciait de cela pour ne pas avoir une mauvaise presse ou une mauvaise réaction par rapport au film.
Donc, on reste dans une vision très traditionnelle, même si, comme d’ailleurs plus tard le film d’Exodus, le récit biblique est une trame de base.
Mais on associe encore beaucoup d’extrapolations dans le film lui-même.
Alors que dans Exodus, la vision de Dieu en particulier est très différente, beaucoup moins traditionnelle.
On peut même se demander si Dieu est vraiment présent dans le film, parce que le personnage de Moïse dans Exodus, au début, est profondément athée.
Et il devient croyant après un choc sur la tête.
Donc, quand il voit Dieu qui apparaît d’une certaine façon sous la forme d’un enfant un peu capricieux, est-ce que c’est vraiment Dieu ou est-ce que c’est le fruit de son imagination ?
Et ça reste sur ce flou en quelque sorte.
Donc, on a une vision à la fois de Moïse qui est très tourmenté, un personnage très tourmenté et assez violent d’ailleurs, et puis une vision de Dieu qui est plus énigmatique, plus sombre là aussi.
Et là, ça tranche entre les deux films.
Les dizaines d’années d’écart entre les deux traduisent quelque chose de l’évolution de la société.
La sécularisation est passée par là.
En quoi les Jésus de cinéma sont des portraits en creux de leurs auteurs ?
Fasolini, Scorches, Gibson ?
Ça ne me paraît pas surprenant dans la mesure où un film est la plupart du temps le reflet aussi de son auteur.
Donc, si un réalisateur fait un film personnel sur Jésus ou sur un autre sujet, surtout s’il est aussi parmi les scénaristes du film, il y aura forcément de lui dans ce film.
Et on peut imaginer qu’un personnage à l’aura comme celle de Jésus peut inviter à une appropriation.
Et les auteurs cités là ont tous fait des visions personnelles du Christ, qui sont controversées parce qu’elles sont personnelles, mais moi j’aurais tendance à dire intéressantes aussi parce qu’elles sont personnelles.
Je pense que si on veut faire une vision trop lisse du personnage de Jésus dans un film, le film probablement n’aura aucun intérêt.
C’est plus intéressant s’il y a une vision personnelle.
Alors on en discute après, on est d’accord, on n’est pas d’accord, ça nous rejoint, ça ne nous rejoint pas, mais c’est ça qui est intéressant, c’est une vraie proposition de cinéma.
C’est vrai que Pasolini, lui par exemple, était athée, communiste, et avec pas du tout le profil d’un chrétien normal, et pourtant son Jésus, même s’il est très personnel, les paroles qu’il dit dans son film sont mot à mot les paroles de l’évangile de Matthieu.
Donc on peut citer mot à mot l’évangile et par la mise en scène y injecter quelque chose de profondément personnel et contemporain à Pasolini.
Ça c’est le tour de force de ce film qui reste un film d’une grande force aujourd’hui encore.
Pareil pour La Passion de Gibson par exemple, où il va injecter beaucoup de son christianisme, son catholicisme à lui, dans une vision très doloriste de Jésus, alors qu’il plaît ou qu’il ne plaît pas, là aussi en fonction peut-être de ses convictions propres, et de l’image que chacun se fait de Jésus.
Qu’apportent des cinéastes mystiques comme Kieslowski ou Malick ?
Je pense que ce qu’ils apportent c’est peut-être une dimension spirituelle plus explicite.
Il y a de façon explicite dans la démarche cinématographique, de l’un comme de l’autre, on s’est très fortement marqué chez Malick en particulier, une dimension spirituelle dans le récit qu’il raconte.
Malick lui s’inspire beaucoup de la Bible.
Dans chacun de ses films on a des inspirations, des citations bibliques parfois, et puis il y a très souvent une voix off qui est là pour être un petit peu la voix de la conscience et la voix de la spiritualité.
Pour Kieslowski il y a un mysticisme aussi sans doute qui est différent de celui de Malick.
C’est dans un contexte différent, c’est la Pologne, les années 80, et sa série de dix films autour du décalogue est passionnante dans la façon de s’approprier et d’actualiser l’ensemble de ces dix commandements.
D’ailleurs c’est intéressant parce que son mysticisme, de certaines façons on peut qualifier son cinéma d’un certain mysticisme, mais presque un mysticisme séculier, puisque la religion et la foi sont une ou deux fois présentes dans certains de ses dix films, mais vraiment en arrière-plan.
Les problématiques éthiques qu’il pose dans ses films sont très terre-à-terre, banales, liées au quotidien, indépendamment des questions de foi, même si pour le croyant par exemple qui regarde ses films, il y a de forts échos spirituels et avec sa foi.
Comment aborder les rapports entre le cinéma et la Bible ?
Comment analyser un film bibliquement ?
Moi je ferais tendance à dire qu’il ne faut pas commencer par l’analyse, il faut partir de l’expérience.
Je crois que voir un film, c’est vivre une expérience, et cette expérience vécue devant un film nous rejoint d’une manière ou d’une autre, ou pas d’ailleurs, ça dépend des films, on est plus ou moins sensible à tel ou tel film, mais il arrive forcément que certains films nous rejoignent, je dirais même nous rejoignent existentiellement, et donc peuvent faire écho aussi à nos valeurs, nos conditions et notre foi.
On peut se retrouver dans tel ou tel personnage, ou se retrouver en décalage avec ce qui nous est proposé, et ça suscite une réflexion.
Et c’est à partir de cette expérience qu’on peut prendre du recul et commencer une analyse, et se dire à la fois pourquoi cette histoire racontée de la sorte a eu cet impact en moi, qu’est-ce que ça pose comme question, comme réflexion, et puis voir comment dans ce cas-là la Bible peut devenir comme une clé de lecture, à la fois de ma réaction, de mon expérience, et du film à lui-même.
On peut alors dans un deuxième temps, je pense, essayer d’analyser, de se dire « ah oui, est-ce qu’il y a un récit biblique qui est en arrière-plan ?
Un personnage qui rappelle un personnage biblique ?
Un principe biblique qui pourrait être mis en parallèle ou en opposition à ce qui nous est proposé dans le film ?
» Il me semble que dans ce cas-là, la Bible va pouvoir enrichir la compréhension du film et de l’expérience qu’on en a eue.
Elle peut même, dans certains cas, agir dans l’autre sens, c’est-à-dire que l’expérience du film va pouvoir, pourquoi pas, éclairer d’un jour différent ma façon de voir, de comprendre tel ou tel texte biblique ou personnage biblique, enrichir aussi ma compréhension du texte biblique.
Et je pense que cette interaction entre le film et ma foi, ce que je crois et ce que je comprends notamment de la Bible, qui peut être le fondement, la base de ma foi, est un dialogue qui donne une valeur spirituelle à l’expérience d’un film et qui peut permettre, pourquoi pas, même un contact, une irruption de la transcendance à travers le visionnage d’un film.
Comment pouvons-nous prier pour toi ?
Je dirais peut-être que ces ponts que j’essaie de tracer dans mon quotidien de croyant et je dirais peut-être dans mon ministère pastoral aussi, entre l’art, la culture et la foi et la Bible, me semblent être un enjeu spirituel important aujourd’hui pour avoir un témoignage pertinent du point de vue culturel.
Donc, comment prier pour moi, peut-être que j’arrive à vivre le mieux possible ces ponts, ces liens, pour que ma façon de vivre la bonne nouvelle du Christ et d’en témoigner puisse être pertinente culturellement aujourd’hui.
*Musique*
Matt Moury est diplômé de la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-sur-Seine. Il a oeuvré pour une organisation étudiante missionnaire, Friends International, en Angleterre. Missionnaire soutenu par une Église anglicane évangélique, Christ Church Cambridge, il est pasteur de l’Église protestante baptiste d’Argenteuil.