Symbole de justice, les statues de la déesse Thémis nous regardent de haut dans les lieux publics du monde occidental.
La déesse porte une balance, pour peser le pour et le contre, le bien et le mal.
Elle porte un bandeau, pour rester impartiale, peu importe l’arrière-plan social de la personne.
Elle porte une épée sans fourreau, une épée pour pouvoir trancher, décider, juger, punir ; sans fourreau parce que la justice ne se repose jamais.
Elle porte une toge, symbole de sagesse, d’esprit critique et philosophique, pour juger avec raison plutôt qu’avec ses émotions.
Son genou est aussi dénudé, symbole d’accessibilité. Tout le monde doit pouvoir avoir accès à la justice.
C’est une déesse immortelle, élevée au-dessus des hommes, parce que la justice est ultime, divine.
En France c’est officiel. La déesse Thémis est l’incarnation de la justice pour notre système.
L’ironie est grande. Même dans une société séculière nous ne pouvons pas ignorer que la justice est un idéal, elle est divine, au-dessus de nous. Un standard existe. Une vérité existe.
Et c’est là le dilemme : dans notre société où l’on encourage chacun à suivre son propre cœur, y a-t-il encore de la place pour un idéal, ou favorisons-nous une culture de l’injustice et des doubles standards ? Si un standard singulier existe, à partir de quand nos jugements subjectifs à doubles standards sont-ils hypocrites ? Le relativisme n’est-il finalement qu’un autre synonyme de l’hypocrisie ?
Nous sommes de terribles juges
Nous sommes rapides à juger l’hypocrisie chez les autres selon nos propres standards. Très rapides. Et nous sommes tout aussi prompts à justifier nos écarts par toutes sortes d’excuses.
Un auteur disait : « Nous nous jugeons nous-mêmes selon nos intentions, et les autres selon leurs actions. »
Que ce soit notre système de justice comme nos jugements personnels, nous sommes loin de l’impartialité, du détachement de nos émotions, d’un discernement net entre le bien et le mal. Nos jugements quotidiens sont souvent loin d’un idéal de justice : on juge les autres plus sévèrement que nous-mêmes, en choisissant nos propres critères ; on juge comme cela nous arrange, et non avec cohérence et une raison saine. On juge avec de doubles standards, sans vraie cohérence.
Le prophète Ésaïe le formule ainsi :
Nous sommes tous devenus comme des objets impurs et toute notre justice est pareille à un habit taché de sang, nous sommes tous aussi fanés qu’une feuille et nos fautes nous emportent comme le vent… Cependant, Éternel, c’est toi qui es notre père. Nous sommes l’argile, tu es notre potier, nous sommes tous l’œuvre de tes mains (Esaïe 64.5,7).
Notre justice est souillée, incomplète. Nous ne pouvons pas reproduire le standard divin de Dieu. Nous avons besoin de son aide et de sa Parole. Sans le soutien de Dieu, notre cœur va toujours semer les doubles standards. Seule sa grâce nous sauve.
Les prophètes de l’Ancien Testament ont souvent averti le peuple de Dieu face au manque de cohérence, aux doubles standards : des leaders qui proclament un système sans le suivre ; des prophètes qui prêchent une parole sans y obéir ; des adorateurs qui chantent une chose et en vivent une autre.
Les prophètes soulignent ensemble la même conséquence catastrophique : le résultat de l’hypocrisie est l’injustice. Tout double standard est une injustice qui divise la société, divise le corps religieux, divise les familles. C’est une plaie terrible, sournoise et dévastatrice. Cela crée de la tension partout.
Et nous sommes tellement aveuglés par notre subjectivité que nous appelons « authenticité » le fait d’avoir ses propres doubles standards, sa propre voie. Notre société encourage l’idée de « suivre son propre cœur » ; cependant, en semant les doubles standards, nous récoltons les inégalités et l’injustice, la souffrance et les divisions.
Vous l’avez probablement expérimenté. Dans le monde du travail, rien ne brise autant la confiance que les doubles standards. Dans la famille, rien ne brise autant l’unité que les doubles standards. Dans l’Église, rien ne brise autant la communion que les doubles standards. Nous en souffrons, et devons nous efforcer au maximum de ne pas nourrir le loup affamé de l’injustice en agissant avec droiture.
Voilés derrière un semblant de code spirituel et moral, les doubles standards non seulement créent de la division, mais instaurent petit à petit une culture de divisions. Plus on justifie les « petites injustices », plus cette manière de penser s’incruste dans la société. Jusqu’au point de non-retour. Ainsi finit l’Ancien Testament avec le jugement de Dieu contre son peuple, à une époque où le bien est appelé mal, et le mal est appelé bien. À la fin, le Dieu de justice triomphe en intervenant lui-même.
La seule solution face aux doubles standards : la repentance
La semaine dernière, une amie très proche de notre famille a confié : « Je ne veux pas être une hypocrite, je veux suivre qui je suis vraiment. » Dans la foulée, elle abandonne un mari fidèle et quitte son Église et la foi.
Qu’est-ce que cela veut vraiment dire « être soi-même » ? Suivre les passions de la chair ? Est-ce pour cela que nous avons été créés ? Est-ce cela la beauté de l’image de Dieu qui nous a été conférée ? Est-ce cela la vraie liberté ?
La définition même de l’hypocrisie est l’endurcissement contre Dieu. Le pire des doubles standards est de profiter du monde que Dieu a créé tout en lui tournant le dos ; de prendre ce qu’on choisit du monde que Dieu a créé tout en le rejetant lui ; de se convaincre que nous sommes nos propres rois en accaparant son trône. Le rejet de Dieu est la définition même de l’hypocrisie, du double standard, de l’injustice.
Jamais nous ne pouvons justifier le péché par une soi-disant soif d’authenticité. Le péché est le rejet le plus total de ce que nous sommes vraiment, des êtres créés à l’image de Dieu pour le connaître et le refléter. Il n’y a rien d’authentique à suivre le péché. C’est une contrefaçon, une vision mensongère du monde, c’est s’attacher au poison qui détruit l’âme de l’intérieur plus qu’à l’âme elle-même.
Bien sûr, nous luttons tous à aligner nos paroles et nos actions. Nous sommes tous en cheminement. Mais la solution face à l’hypocrisie est pourtant la même pour tous, c’est la repentance.
C’est ironique que de nombreuses personnes quittent l’Église en critiquant son hypocrisie, pour ensuite se tourner vers une vie de péché. Ceci déshonore Dieu, c’est un double standard qui sert d’excuse. Bien entendu, il est important de vivre sa foi dans une Église qui pratique l’Évangile ; mais blâmer Dieu pour les injustices des hommes n’est pas justifiable.
Le prophète Michée proclame, au risque de sa vie, un message de remise en cause dans une société comblée d’injustice :
Mais moi, je suis rempli de force, grâce à l’Esprit de l’Éternel, je suis rempli de justice et de courage pour faire connaître à Jacob sa révolte et à Israël son péché (Michée 3.8).
C’est le message qu’ont prêché les prophètes de l’Ancien Testament, Jean-Baptiste, Jésus, les apôtres. Pour les croyants comme pour les non-croyants, notre arme la plus puissance face aux doubles standards c’est le combat contre le péché par la repentance.
Les plus grands hypocrites dans l’Église sont ceux qui pensent ne pas avoir besoin de repentance. Les plus grands hypocrites hors de l’Église sont ceux qui pensent ne pas avoir besoin de repentance.
Pour combattre notre hypocrisie, nous devons pratiquer la repentance. Une vie dénuée de repentance est une vie qui accepte les doubles standards. Les leaders religieux dans l’Église qui ne pratiquent pas la repentance sont tout aussi dangereux que ceux qui ne la pratiquent pas en dehors.
Seule la repentance nous aligne face au plan de Dieu, à sa volonté, à son appel, à l’identité si belle et véritable qu’il nous confère. La repentance est nécessaire parce que nous avons un grand Dieu. Un petit dieu n’aurait pas besoin de repentance, que nous changions, que nous cheminions vers la sainteté. Notre besoin de repentance est proportionnel à la grandeur de Dieu.
La repentance est difficile. On pourrait penser que c’est même à contre nature. Mais c’est un don que Dieu nous donne lorsque nous plaçons notre confiance en lui et marchons à ses côtés. Michée résume bien cet appel :
8On t’a fait connaître, homme, ce qui est bien et ce que l’Éternel demande de toi: c’est que tu mettes en pratique le droit, que tu aimes la bonté et que tu marches humblement avec ton Dieu. (Michée 6.8)
Marcher humblement avec Dieu, vivre selon le standard singulier de Dieu, aimer la bonté, voici le contraire de l’hypocrisie.