×
Parcourir

Historiquement, cultes et cultures ont presque toujours été liés. Les mots sont connectés, et c’est plus que de la sémantique. Notre manière de vivre et de penser est forcément l’expression de nos croyances et priorités.

Depuis quelques siècles, nous nous essayons à la laïcité, dont curieusement le père, Roger Williams, était pasteur évangélique. Après avoir fui la persécution religieuse de l’Église anglicane, il se sépare aussi des mouvements puritains désireux d’instaurer un état chrétien, et les accuse entre autres d’injustice dans leur traitement des Indiens. Il finit par fonder sa propre colonie en Amérique, Rhode Island, et écrit une constitution défendant la liberté de conscience et la neutralité de l’État vis-à-vis de la religion. Mais l’état peut-il réellement rester neutre ? Peut-il défendre des valeurs et une culture sans pour autant prendre position ? La question est complexe et au centre de nombreux débats actuels.

Le lien entre culte et culture restera à jamais extrêmement fort, avec ses opportunités et ses dangers. Et alors que le culte évangélique connait une résurgence de menaces, internes et externes, le combat est ô combien visible.

La culture reflète les cultes de la société

La culture n’est pas neutre. Elle reflète les priorités et les idoles d’une société. En France, nous sommes connus pour plusieurs éléments de notre culture : La gastronomie et les terroirs ; l’éducation et le carriérisme ; l’individualisme et le consumérisme ; le romantisme et aussi la pratique d’un sport national étrange, les grèves ; la culture du divertissement et des vacances. La laïcité aussi, avec ses interprétations diverses et conflictuelles.

Certaines de ces valeurs sont bonnes, et sont défendues « religieusement » par l’État. Mais même un document aussi beau et inspiré des valeurs chrétiennes que les droits de l’homme et du citoyen peut avoir ses limites. La victoire contre l’oppression des individus sans droits est devenue un état de droits où l’individualisme nous plonge dans un isolement extrêmement profond. Les triomphes du passé deviennent vite les souffrances d’aujourd’hui…non pas qu’il faille revenir en arrière, mais la réalité reste qu’au quotidien la société est façonnée par nos cultes et leurs déséquilibres.

Sur certaines facettes positives de la culture, l’Église brille. Liberté, égalité, fraternité, ce sont des valeurs que nous pouvons défendre. Nous sommes les champions du multiculturalisme. Nous pratiquons la valeur française de l’hospitalité avec zèle.

Mais face à la pression de la culture, l’Église faiblit souvent. C’est le défi et danger de l’Église de chaque génération. Nous adaptons nos cultes pour être pertinents, mais parfois avec maladresse et cela a un prix. Être dans le monde, mais pas du monde est une réalité bien trop étrange pour en comprendre les recoins. Les excès de l’individualisme et la culture du divertissement se ressentent dans nos assemblées.

Le combat est réel. Pour survivre à la culture, le culte évangélique doit s’affirmer. Nous devons être clairs sur nos valeurs et sur l’équilibre à défendre.

Les cultes sont le rythme de la vie

La culture, c’est la vie quotidienne. Le culte, en revanche, est ce qui donne le sens à la culture, explique pourquoi nous faisons ce que nous faisons. Depuis la nuit des temps, les cultes ont pour mission de donner un sens à la pratique, un sens plus profond et spirituel.

Les séries « cultes » ou autres sensations culturelles dites « cultes » sont celles qui influencent la société entière, et parfois même rythment les semaines de nombreuses personnes. Mais à part cela le mot « culte », surtout lié à la religion, est perçu plutôt négativement.

Pourtant pendant des millénaires, les cultes ont rythmé les calendriers annuels et hebdomadaires de toutes les civilisations, par des fêtes saisonnières ou des rassemblements chaque semaine. C’est exactement comme cela que Dieu construit le peuple d’Israël, autour des cultes liés au Sabbat et des grandes fêtes juives, des rassemblements permettant de donner du sens à la vie et au temps qui passe. Ces moments précieux permettaient un renouveau physique comme spirituel.

Un calendrier sans culte est incomplet. C’est d’ailleurs évident lors de cérémonies de mariage ou de funérailles. Sans un culte qui donne un sens à ces choses, le vide est inconfortable. Et tant que la société postchrétienne n’aura pas ses prêtres pour célébrer ces choses ou créer de nouvelles fêtes qui ont du sens, elle continuera de se tourner vers les vieilles religions.

Là où la société a cependant créé un vrai phénomène quasi religieux, c’est le culte des vacances et du Week-end. Ce sont les moments mis à part, sacrés, le carburant de l’espérance sociale, les symboles de liberté et de renouveau. Les vacances et le week-end rythment nos vies, autant physiquement que par les valeurs morales que nous leur attribuons, telles que la liberté individuelle ou la quête de divertissement.

Et c’est là où le combat du culte chrétien du 21e siècle a lieu. Le culte du week-end est tellement fort que très souvent le culte du Seigneur lui est soumis. Même parfois le culte est vu comme une menace à cette liberté du WE.

Alors oui nos aïeux, pour certains, ont été légalistes et nous ne voulons pas retomber sous la loi. Mais si ce n’est pas le culte chrétien qui rythme nos semaines et en donne le sens…quelle est notre vraie espérance et où est notre adoration ?

Le but du culte est de donner du sens à notre vie quotidienne. L’Église faillit-elle à fournir cela, ou avons-nous tout simplement perdu le rythme du tambour de Dieu ? Certainement un peu des deux. Les places vides suite à la crise sanitaire nous remettent tout de même en cause.

Dans tous les cas, notre futur spirituel dépend de la qualité et de la pertinence de nos cultes. Si notre culte perd sa puissance, son lien avec le quotidien, son renouveau et son sens, il deviendra obsolète. Il est précieux et doit être défendu avec toute notre force.

La culture est une interprétation du culte

Par définition, la culture est un ensemble de pratiques, d’idéologies et de comportements d’un groupe donné. C’est la déclinaison en action des croyances et des priorités d’une assemblée de personnes. Chaque Église locale développe ainsi sa propre (sous-)culture, comportant un langage, des traditions, des valeurs, des règles, des sous-entendus, des attitudes. La culture d’une Église est un alliage extrêmement robuste. Comme une force invisible, elle pousse ses membres dans une certaine direction, en bien ou en mal, et exerce une influence et un témoignage immesurable. Et c’est autour du culte que cette culture est souvent construite, selon ce qui est mis en valeur, enseigné, pratiqué et incarné. Elle se construit ainsi autour des gens fidèles, présents et engagés. Dans l’élaboration d’une culture, la diversité et les dons de chacun jouent un rôle extrêmement important.

Nos cultes produisent une culture chrétienne qui parle au-delà des mots, qui porte au-delà de nos forces, qui influence au-delà de nos frontières. C’est pourquoi, plus que jamais nous devons être intentionnels dans ce que nous faisons, pourquoi nous le faisons, comment nous le faisons. Si nos Églises ne produisent pas des cultures fortes générées par des cultes réfléchis, alors la culture de notre nation nous emportera.

Avec Kevin Stauffer et de nombreux autres intervenants, nous avons rédigé le Manuel de la conduite du culte(Éditions Clé, 2021) parce que nous sommes convaincus que les enjeux du culte sont énormes.

Je vous laisse en conclusion avec quelques questions de réflexion :

  1. Quels sont les compromis culturels que je dois combattre et que mon Église doit combattre ?
  2. Quels sont les cultes qui donnent le rythme de mes saisons et de mes semaines ?
  3. Comment est-ce que je m’implique pour créer une culture d’Église riche et positive dans mon Église locale ?
EN VOIR PLUS
Chargement