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Notre perspective du ciel est-elle biblique ? Au travers des siècles, de nombreuses images du paradis ont été communiquées et sont restées populaires. Mais sont-elles vraies ?

« Ce lointain rivage » : une image bien poétique, mais problématique quand on pense à la description de la Nouvelle Terre sans mer qui sépare les continents (Ap 21.1).

« Cette lumière éblouissante » : une image transcendantale, mais qui a ses limites. En effet la lumière du Seigneur permettra surtout d’éclairer un nouveau monde où se déplaceront des nations entières ; le but n’est pas d’aveugler (Ap 21.23-24 ; 22.4-5).

« Une ville sur les nuages » : l’image de la nuée est utilisée plus souvent pour communiquer un lieu de passage qu’un lieu d’habitation. Jésus traverse la nuée, mais n’y réside pas (Mt 24.30 ; Ac 1.9).

Les livres et Hollywood recyclent ces images, encore et encore ; elles sont gravées dans nos esprits. Cependant, elles révèlent une conception du ciel qui s’éloigne des Écritures, un lieu où Dieu est distant, où peu de choses se passent, où l’homme est passif, et où finalement on ne sent pas forcément à la maison.

Des influences anciennes qui ont perduré

La vision populaire du ciel de contemplation passive est en réalité plus proche de la pensée de Platon que de la Bible, dans un dualisme où le monde physique est souvent perçu de manière négative alors que le monde intellectuel et spirituel est idéalisé. Ainsi Grider résume Platon et sa vue de la vie éternelle : « un état où l’esprit nu contemple intellectuellement l’Idée éternelle et immuable. »[1]

La perspective d’un être suprême impersonnel et distant est présente dans de nombreuses religions. C’est ce qu’on retrouve dans l’hindouisme, le Coran, et dans certains mouvements aussi du judaïsme et du christianisme.

Un rabbin écrivait concernant la vie des justes dans le monde à venir : « ils s’assoient avec leurs couronnes sur leurs têtes et sont rafraîchis par la radiance de la shekinah, car il est écrit (Exode 24.11) : Ils virent Dieu, et ainsi mangèrent et burent. » [2]

Lorsque la persécution diminue au 4e siècle dans un empire romain christianisant, l’ascétisme devient le nouvel idéal d’exemplarité religieuse, remplaçant le martyre. McDannell et Lang décrivent : « L’ascétique chrétien, comme le martyr, prouve sa loyauté envers Christ en acceptant héroïquement la douleur, rejetant les conforts de la vie familiale, et en luttant pour une consécration totale à la vie de l’esprit. »[3] Ainsi Augustin écrit lui-même : « Il y aura du repos et de la vue, de la vue et de l’amour, de l’amour et de la louange. Voici ce qui sera à la fin et sans fin. »[4]

Mais n’est-ce pas là une ironie totale, que la perspective du monde à venir décrit comme sans souffrance (Ap 21.4) soit comme la continuation d’un idéal terrestre centré sur la souffrance ?  La promesse de la vie éternelle est-elle la promesse d’un monde d’ascétisme sans fin ? De sacrifices, d’isolement, de rejet de la diversification et de passivité d’action ?

McDannell et Lang résument cette pensée théocentrique du ciel si répandue dans l’histoire du christianisme :

« Le modèle théocentrique pourvoit une perspective simple, directe et théologiquement incontroversée du ciel. Qui remettrait en cause la croyance qu’un état de solitude avec Dieu seul est le but le plus désirable pour les vrais chrétiens ? Qu’est-ce qui pourrait rivaliser avec une relation sans compromis avec le divin ? En souscrivant à un modèle théocentrique, la question de ce que font les saints pour l’éternité devient secondaire. Les saints n’ont rien à faire, ils expérimentent simplement la plénitude de leur être en existant avec Dieu. »[5]

Dieu nous appelle-t-il à une « retraite spirituelle » sans fin ? Un culte d’adoration en musique sans interruption ? Examinons le reste des Écritures.

8 activités engageantes du ciel

1.    Refléter l’image de Dieu

Les descriptions bibliques du ciel mentionnent à plusieurs reprises des anges qui chantent. Certains chantent même sans arrêt, proclamant « saint, saint, saint est le Seigneur » sans aucune interruption (Es 6.3 ; Ap 4.8). Ces créatures angéliques ont en effet été créées dans le but singulier de proclamer Dieu et de le faire de manière continue. C’est leur raison d’être, leur mission, leur destinée. Pour des êtres créés à l’image de Dieu, même si nous pouvons anticiper une louange glorieuse, intense et bienfaisante dans la Cité céleste, il semble réducteur de penser que nous ne ferons que cela, étant donné que nous n’avons pas été créés dans le but unique de chanter, mais de refléter toute l’image de Dieu.

La louange et la musique me passionnent, et j’ai hâte d’écouter le son glorieux des harpes en or dont Dieu a doté des anges. Mais je ne pense pas être le seul à me sentir mal à l’aise à l’idée de ne faire que cela pour toute l’éternité. Être humain, n’est-ce pas plus que cela ?

Apocalypse 2.17 reflète la continuation de cette image du Dieu unique que nous porterons à toujours : « Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux Églises : au vainqueur je donnerai de la manne cachée, et je lui donnerai un caillou blanc. Sur ce caillou est écrit un nom nouveau que personne ne connaît, si ce n’est celui qui le reçoit.»

Le verset souligne avec justesse que dans la vie éternelle nous continuons d’être des individus, avec des noms uniques, et continuons aussi de dépendre de Dieu et de sa manne.

Hoekema résume de manière brillante ce point particulier de l’image de Dieu : « Être une créature, comme nous avons vu, signifie une dépendance absolue envers Dieu ; être une personne signifie une indépendance relative ».[6]

Au ciel, nous continuerons de nous comporter comme des créatures qui dépendent de Dieu et de sa manne. Mais nous continuerons aussi d’être des personnes uniques et reflétant de manière unique les aspects infiniment riches de l’image de Dieu.

De ce principe de l’image de Dieu conservée découle des milliers d’activités différentes que nous pouvons imaginer : créer, rire, aimer, penser, inventer, embellir, surprendre, partager, construire, jouer, travailler, sonder, enseigner, diriger, servir, se reposer, communier – et tellement plus encore.

2.    Découvrir

Peu de versets m’inspirent autant que cette promesse pour la nouvelle terre : « Celui qui était assis sur le trône dit : Voici que je fais toutes choses nouvelles. » (Ap 21.5).

Deux promesses de renouveau incroyables. La Parole de Dieu proclamée à nouveau de sa bouche, et une nouvelle création. La nouvelle œuvre de Dieu n’est pas si différente de la première au point que la Terre ne soit plus appelée Terre. Ce sera encore notre chez nous, notre maison, notre univers. Mais toutes choses seront nouvelles. Rachetées, épurées, embellies, recréées. Si je pouvais, je précommanderais un dinosaure ! Nous aurons tout un univers à redécouvrir, de nouvelles merveilles à explorer. Avec le temps sans fin et l’absence des conséquences du péché sur l’intelligence humaine, rien n’indique que cette exploration ne s’arrête qu’à notre planète non plus. Les trésors de la science seront encore plus nombreux à défricher et conquérir. Un monde recréé est un monde à redécouvrir. Aujourd’hui, nous n’avons que les vestiges d’un monde qui a été détruit par un déluge. Même si notre Terre est magnifique, elle n’est que l’ombre de ce qu’elle était à son début.

Nous aurons toute l’éternité pour explorer les plus minutieux détails subatomiques comme les plus grandes merveilles de l’espace.

Au ciel s’ouvriront pour nous les portes de deux mondes infiniment complexes et magnifiques. Le monde physique créé par Dieu et le monde spirituel – qui deviendra beaucoup plus concret pour nous. Cette image de celui qui est sur le trône et ouvre la bouche pour créer à nouveau est fascinante. Il y aura de nouveaux chapitres à la Parole de Dieu. Des nouvelles profondeurs spirituelles à explorer, des nouvelles missions à remplir, des nouveaux commandements magnifiques à observer. Sur de nouvelles pages s’écrira à nouveau cette beauté enrichissante et merveilleuse de la Parole. Dieu continuera de parler, et nous n’en manquerons pas un mot.

Devant nous se tiendra le Dieu infini, à l’amour infini, à la sagesse infinie, à la bonté infinie. Et pour connaître un Dieu infini en beauté, il faut bien une éternité. Le temps qui passe et les saisons qui s’enchaînent révèleront encore et encore comment la grandeur de Dieu est inatteignable, constamment supérieure à notre entendement, plus belle, plus précise et plus vaste que nos sens ne peuvent le saisir. L’éternité avec un Dieu infini, c’est une découverte sans fin.

Dans les prochains articles nous explorerons ces autres activités du ciel : régner, communier, louer, servir, fraterniser et se reposer.

[1] Joseph Kenneth Grider, “Heaven” in Baker’s Dictionary of Theology, édité par Everett F. Harrison (Grand Rapids: Baker Book House, 1960), 264. Traduction de l’auteur.

[2] Kittel, “doxa,” 2:250; bBer., 34a. Traduction de l’auteur.

[3] Colleen McDannell and Bernhard Lang, Heaven, A History (New Haven: Yale University Press, 1988), 54.

[4] Ibid., p. 59; cité de Augustine, The City of God Against the Pagans, trans. William M. Green (Cambridge, MA: Harvard University Press, 1972), 22:30, 5. Traduction de l’auteur.

[5] Colleen McDannell and Bernhard Lang, Heaven, A History (New Haven: Yale University Press, 1988), 180.

[6] Anthony Hoekema (1994), Created in God’s Image. Grand Rapids: Eerdmans (p.6).

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