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La poursuite du bonheur est une question aussi ancienne que l’humanité. Tout le monde veut être heureux, trouver le bien ultime. Au cours de l’Histoire de nombreuses voies ont été empruntées dans cette quête, mais aucune n’a su susciter autant d’espoirs que les promesses de la politique.

Aristote, étudiant de Platon, écrit déjà 4e s. av.J-C :

« Nous devons essayer d’embrasser, tout au moins dans les grandes lignes, la nature du Souverain Bien, et de dire de quelle science particulière ou de quelle potentialité il relève. On sera d’avis qu’il dépend de la science suprême et architectonique par excellence. Or une telle science est manifestement la Politique, car c’est elle qui dispose quelles sont parmi les sciences celles qui sont nécessaires. » [1]

Selon Aristote, dans l’Ethique à Nicomaque, la politique trône au-dessus de toutes les sciences, car c’est elle qui a le dernier mot sur tout, qui ouvre ou ferme les portes pour toute activité, toute forme d’art, toute initiative. Sans libertés décidés par les lois et dirigeants, la médecine, l’économie, la philosophie, la religion même ou les divertissements pourraient ne pas être permises. La politique tranche, décide, libère ou enferme les potentiels. C’est elle qui détient les clés du bien et du bonheur.

Aristote avait-il raison ?

On ne peut ignorer la magnitude de l’influence de la politique sur notre vie quotidienne. La Bible ne l’ignore pas, notre bien-être est lié à celui de notre ville de résidence :

« Recherchez le bien-être de la ville où je vous ai exilés et intercédez auprès de l’Éternel en sa faveur, parce que votre propre bien-être est lié au sien. » (Jér 29.7)

Cependant, la Bible nous donne une image plus polémique du rôle de l’état. Son appel n’est pas juste de dispenser bien, mais aussi le jugement de Dieu.

La politique est une manifestation du jugement de Dieu que nous méritons

Les décisions des politiques sont souvent imparfaites, voire injustes. Elles sont souvent inégales. Elles peuvent être immorales, meurtrières même. Pourtant, les autorités sont bien établies par Dieu, sa main n’est pas éloignée de tout cela.

Voyez bien comment Jésus interprète une injustice de son époque :

« A ce moment-là, quelques personnes qui se trouvaient là racontèrent à Jésus ce qui était arrivé à des Galiléens dont Pilate avait mélangé le sang avec celui de leurs sacrifices. Jésus leur répondit: «Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, parce qu’ils ont subi un tel sort? Non, je vous le dis. Mais si vous ne changez pas d’attitude, vous périrez tous de même. »  (Luc 13.1-3).

La réalité est que nous vivons dans un âge en tension, un âge de salut et de jugement mélangés ; un prélude à l’âge à venir qui sera un âge de salut et de jugement, mais cette fois sans mélange.

La réalité est qu’à cause du péché, nous méritons tous le jugement de Dieu. Le salaire du péché est la mort (Rom 3.23). La guerre en Ukraine ? C’est le jugement de Dieu. Non pas que les civils exécutés soient pires que d’autres, et que cette terrible réalité ne doit pas nous pousser à la compassion, la prière et la générosité. Mais c’est la concrétisation du jugement que nous méritons tous en-dehors de Christ.

Notre génération, trop souvent, ferme les yeux face à l’enseignement de la Bible concernant le péché et le jugement, ferme les oreilles pour ne pas en entendre parler, et ferme la bouche pour ne pas avertir son entourage. La réalité est que nous vivons dans un âge en tension, un âge de salut et de jugement mélangés ; un prélude à l’âge à venir qui sera un âge de salut et de jugement, mais cette fois sans mélange.

Les mauvais gouvernements sont la manifestation du jugement de Dieu sur une nation. Les mauvaises lois sont la manifestation du jugement de Dieu sur un pays. L’Ancien comme le Nouveau Testament en témoignent. La triste réalité est que nous méritons des mauvais leaders et des mauvais gouvernements, et lorsque nous les avons, la rétribution est juste.

La politique est une manifestation de la grâce commune de Dieu que nous ne méritons pas

La grâce de Dieu se manifeste de deux manières distinctes : (1) la grâce commune, une bonté donnée à tous, justes comme injustes (Mt 5.43-48) ; (2) la grâce spécifique, celle du salut éternel offert en Jésus-Christ (Ep 2.4-7).

Malgré la chute et la méchanceté des nations, Dieu a quand même choisi de dispenser une grâce commune par le biais de l’état :

« En effet, on n’a pas à craindre les magistrats quand on fait le bien, mais quand on fait le mal. Veux-tu ne pas avoir à craindre l’autorité? Fais le bien et tu auras son approbation, car le magistrat est serviteur de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, sois dans la crainte. En effet, ce n’est pas pour rien qu’il porte l’épée, puisqu’il est serviteur de Dieu pour manifester sa colère en punissant celui qui fait le mal. » (Rom 13.3-4).

L’état est serviteur de Dieu pour manifester sa colère et son jugement. Cela pour « ton bien » nous dit le passage. Dieu dans sa grâce utilise encore les gouvernements pour juger le mal et dispenser des bénédictions terrestres.

Celles-ci sont cependant limitées, et nos attentes doivent l’être aussi. Salomon décrit avec justesse :

« J’ai encore vu, sous le soleil, qu’à l’endroit désigné pour le jugement se trouvait la méchanceté et qu’à l’endroit désigné pour la justice régnait la méchanceté. Je me suis dit dans mon cœur: «Le juste et le méchant, c’est Dieu qui les jugera, car il y a un temps pour toute activité et pour tout ce qui se fait.» Je me suis dit dans mon cœur, à propos des humains, que Dieu les met à l’épreuve » (Ecc 3.16-18).

Aucun gouvernement terrestre ne peut remplir le mandat de Dieu de dispenser le bien et de juger le mal. Dieu permet ceci pour nous rappeler notre place.  Nous ne sommes pas en charge, nous ne sommes pas les rois, et nous avons réellement besoin d’être sauvés. Le jugement terrestre sert d’avertissement au jugement céleste à venir. Nous avons tellement besoin de Dieu et de repentance.

Conclusion

Lorsqu’un gouvernement remplit sa fonction de faire le bien et de juger le mal, une vraie bénédiction est partagée, c’est un avant-goût du salut de Dieu qui nous appelle à lui. Un mauvais gouvernement quant à lui est un avant-goût du jugement de Dieu, ce qui devrait aussi nous attirer à Dieu plutôt que dans des espoirs terrestres.

Que faire donc ? Devrions-nous chercher à optimiser notre bien-être sur terre en investissant nos ressources, notre énergie et nos espoirs dans la politique ? Les paroles de Paul dans notre contexte sont très perspicaces :

« Que chacun reste dans la condition qui était la sienne lorsqu’il a été appelé. Etais-tu esclave quand tu as été appelé? Ne t’en inquiète pas mais, si tu peux devenir libre, profites-en plutôt. En effet, l’esclave qui a été appelé par le Seigneur est un affranchi du Seigneur; de même, l’homme libre qui a été appelé est un esclave de Christ. Vous avez été rachetés à un grand prix: ne devenez pas esclaves des hommes. Frères et sœurs, que chacun reste devant Dieu dans la condition qui était la sienne lorsqu’il a été appelé. » (1 Cor 7.20-24)

Le plus important n’est pas de changer notre condition, mais de vivre là où nous sommes par la puissance de Dieu. Dieu a des plans pour tous ses enfants sur toutes les strates de la société, dans tous les pays, sous toutes les formes de gouvernance. Son appel glorieux n’est aucunement limité par le monde politique.

Paul partage aussi une vraie parole de sagesse : « si tu peux devenir libre, profites-en plutôt ». Notre appel premier est de vivre en tant que disciples de Jésus. Mais si les circonstances nous donnent une occasion de cheminer vers la liberté, en utilisant les moyens à notre disposition comme le vote et la liberté d’expression, pourquoi s’en priver ?

Pour aller plus loin, je vous invite à lire le court essai « L’Évangile et le citoyen » co-écrit avec Florent Varak (CLÉ, 2015).

[1] Aristote, Ethique à Nicomaque, nouvelle traduction avec introduction, notes et index par J. Tricot. (Paris, 1997), p.34-35.

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