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La plupart des chants de nos assemblées sont des traductions. Avec un volume de production si vaste, il n’est pas surprenant que les chants anglophones se répandent, avec des pépites qui sortent du lot de manière régulière.

Parfois, les traductions que nous chantons sont de qualité, parfois non. Parfois, elles sont légales, parfois non. C’est un terrain complexe. Mais soyons honnêtes, nous ne pouvons pas rivaliser avec une si riche abondance qui nous arrive de l’étranger.

En revanche, le nombre de compositeurs francophones recensés à la LTC[1] en France est infime. Ces cinquante dernières années n’ont pas été les plus productives. Quelques artistes sortent du lot, avec de temps en temps quelques chants remarquables qui émergent. Trop peu.

En particulier, nous ne produisons plus de chants intergénérationnels. Non que tous les chants doivent y aspirer, mais c’est aussi le symptôme d’une pauvreté de diversité, d’artisanat, de qualité, de musicalité et d’ambition des Églises locales.

La richesse d’une histoire hymnologique

Aujourd’hui la LTC travaille pour réorganiser la gestion des droits des chants de louange en francophonie et encourager la composition. C’est super ! Depuis des décennies, cet organisme gère avec des ressources trop limitées un monde légal et musical complexe. J’espère que les Églises vont jouer le jeu, non seulement dans leurs cotisations, mais surtout en encourageant un mouvement d’écriture et de composition dans les assemblées locales. La réalité est surtout que nous manquons de volume. Trop peu de chants sont écrits.

Notre histoire hymnologique est plutôt pauvre. Nous avons peu de grands classiques originaux francophones qui ont traversé les générations pour arriver jusqu’à nous. Les règles de la poésie française classique étaient très strictes et ont aussi limité la créativité lyrique à mon avis. En alternant les rimes masculines et féminines, on gagne une belle fluidité, mais parfois au détriment de la diversité des paroles.

Peut-être par réaction, les compositions modernes sont souvent dénuées de toute règle. Mais cela a aussi des conséquences sur la longévité des chants et la facilité de leur utilisation.

Il est frappant de constater que l’Église primitive utilisait peu les instruments, comme c’était la coutume dans les synagogues, les instruments étant réservés pour le Temple. Mais plus l’Évangile s’est propagé, plus les instruments sont apparus, l’Évangile inspirant des cantiques nouveaux dans toutes les langues et dans toutes les nations.

Composer pour notre langue, c’est écrire l’histoire de l’Évangile pour notre nation.

La réalité du labeur

Keith Getty, compositeur de « En Jésus seul » et de nombreux chants visant une certaine profondeur théologique et musicale, confesse qu’avant de choisir une mélodie il en compose 50. Ensuite, il travaille avec un ou plusieurs lyricistes sur plusieurs ébauches. Un travail de longue haleine qui lui a permis une grande productivité. Mais même avec tout ce labeur, comme avec tous les artistes, ce ne sont que quelques chants qui sortent véritablement du lot. Il faut un travail considérable—et/ou beaucoup de chance—pour produire une œuvre qui sera exceptionnelle et traversera les frontières du temps et de la géographie. C’est ce que confesse Keith en avouant que depuis ce premier chant connu aucune autre de ses compositions n’a atteint ce même niveau.

Les recueils de cantiques sont révélateurs. Mis à part l’éditeur et son équipe qui parfois vont publier beaucoup de leurs propres chants (comme Rolph Schneider pour les JEM ou Saillens pour ATG), la diversité des auteurs est frappante. Certaines personnes qui ont composé des centaines, voire des milliers de chants, ne voient qu’un seul ou une poignée de leurs meilleurs cantiques devenir ces chants exceptionnels.

C’est parce que nous aspirons à des chants d’un artisanat raffiné et d’une grande qualité lyrique que nous avons besoin de beaucoup de volume. C’est pourquoi il faut écrire, encore et encore.

Tous les chants ne seront pas exceptionnels, mais souvent, avec du labeur, ils seront quand même assez bons et adaptés pendant un temps pour nos Églises. Plus nous sommes nombreux à écrire, plus augmentera le nombre de chants qualitatifs qui sortiront du lot pour façonner notre génération et aussi celles qui nous suivront.

Relever un défi spirituel pour l’Église locale

Il y a plus d’une dizaine d’années, un ami me disait que son Église aux É.-U avait pu faire venir pour un concert un artiste chrétien connu que je ne citerai pas…pour la modique somme de $20 000. Dans le monde anglophone, il existe un vrai marché pour la musique chrétienne. Beaucoup d’argent circule, et certains peuvent vraiment bien en vivre. C’est une véritable richesse culturelle quand un artiste peut vivre de son art. Cependant, sans guidance spirituelle, le pouvoir de l’argent peut aussi prendre le dessus.

La réalité est que ce qui marche économiquement n’est pas forcément ce dont l’Église a le plus besoin. En particulier, quand on recherche un auditoire large, c’est la précision théologique qui disparaît, or nous en manquons particulièrement dans nos répertoires.

Quand on étudie les grands classiques, c’est justement le contraire qui ressort. Ils ont souvent une pensée centrale claire et limpide, ils approfondissent un thème pour le rendre mémorable, tangible, personnel et imagé. Ils communiquent plus que des belles impressions poétiques, c’est une puissance de vérité.

Je suis persuadé que le meilleur endroit pour nourrir cette précision lyrique et théologique est au sein de l’Église locale qui a aussi une théologie précise. Là, le terreau est favorable pour tenter des choses, tester des idées, viser la précision, et ajouter au répertoire des nuances bienvenues.

L’Église locale permet aussi de faire des corrections. Malheureusement, quand un chant est publié de nos jours, il devient intouchable. Mais un chant comme « Amazing grace », un des plus populaires du répertoire anglophone, n’est devenu connu qu’après un changement de mélodie 150 ans plus tard. Tester des chants pendant une période d’essai en vue d’amélioration peut être très utile.

Un exemple imparfait

 Il y a quelques mois, j’ai posé la question aux membres de notre Église : « quels chants manquent-ils dans notre répertoire, et qui est prêt à écrire avec moi ? »

José, un guitariste de notre assemblée, souhaitait ajouter à notre collection un chant sur l’intensité de la croix, la tension du réconfort et de l’inconfort qu’elle suscite. Avec un thème précis, nous avons pu composer ensemble ce chant « Folle nuit de la croix ».

[1] LTC : https://www.ltc-asaph.com

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