×
Parcourir

« Non je ne crois pas que tu sois cessationiste ! » me dit mon ami.

« Et pourquoi ? » je réponds.

« Parce que dans l’institut biblique où je suis allé on enseignait que le cessationisme est une hérésie, une doctrine qui concerne ceux qui croient que le Saint-Esprit n’œuvre plus de nos jours. »

De nombreuses choses sont mal comprises sur le cessationisme. Belle ironie, en expliquant les points centraux de cette doctrine à mon ami, la période unique des apôtres de Christ et la complétion de la révélation pour la formation du canon des Écritures, cet ami a réalisé qu’il était aussi cessationiste !

Nous avons souvent tendance à caricaturer les choses. J’espère que cet article peut aider à éclaircir certains points de mécompréhension.

#1 Dieu ne fait plus de miracles

Le cessationisme revendique que des signes et des prodiges ont été nécessaires pour le fondement de l’Église, un fondement établi une fois pour toutes par les apôtres et les prophètes (Eph 2.20 ; Jude 3). Ces signes, qui ont rempli leur but, ne sont donc plus nécessaires dans ce sens. Ceci ne veut pas dire que Dieu arrête de faire des miracles, mais simplement qu’il ne faut pas s’attendre à revivre les signes apostoliques.

Par exemple, Jacques encourage ceux qui souffrent à aller voir les anciens pour qu’ils prient ensemble pour la santé du malade, tout en confessant les péchés (Jc 5.14-20). De nombreuses Églises cessationistes pratiquent l’onction d’huile de cette manière, ou plus généralement la prière pour les malades. Dans notre assemblée, nous avons vu Dieu à l’œuvre au travers de cette pratique, la guérison de personnes dépressives par exemple ou le don de la vie pour des femmes qui étaient stériles. Selon le modèle de Jacques, il y a un bel équilibre, l’accent reste sur Dieu plutôt qu’un homme faiseur de miracles, sur l’Église locale et la sagesse d’un conseil d’anciens plutôt que sur des ministères indépendants et sans redevabilité, sur l’humilité, la confession des péchés et la prière de la foi.

#2 Dieu ne communique plus de manière personnelle

Les formules comme « Dieu m’a dit » ou « Dieu m’a parlé par un rêve ou un signe » ou « J’ai reçu cette parole de la part du Seigneur » font frissonner les cessationistes. En effet, notre doctrine est que la Parole de Dieu est complète, suffisante (2 Tim 3.16-17). Cette Parole est tellement complète qu’elle possède tous les messages personnels de Dieu pour nous, nous n’avons pas besoin d’aller les chercher ailleurs. Comme le dit Luther « Que celui qui veut entendre la voix de Dieu lise les saintes Écritures ! ».

En lisant la Parole, ou en la méditant, l’Esprit saisit nos cœurs et fait son travail personnel de conviction, de sensibilisation, d’illumination, nous permettant de nous approprier nous-mêmes cette Parole au plus profond de notre être, et ainsi d’être apte pour toute bonne œuvre, à tout moment.

C’est dans cette interaction infiniment riche entre la Parole et l’Esprit que notre relation avec Dieu devient intensément personnelle. Mais l’un ne peut pas fonctionner sans l’autre.

Le canon des Écritures a été reconnu par l’Église grâce au rôle du Saint-Esprit dans le cœur des croyants, confirmant la Parole vivante dans les cœurs. Or si c’est l’Esprit qui authentifie la Parole, pourquoi se fait-il qu’aucune nouvelle révélation n’ait jamais été reconnue universellement par l’Église comme venant de Dieu ? Cette contradiction dérangeante devrait mener tout croyant sérieux à la prudence.

De plus, Paul insiste sur le point que là où est l’Esprit est la liberté (2 Cor 3.17). La Parole est un manuel vers la liberté et non une relation de peur et de doute où l’on se demande s’il  manque des commandements à respecter, si nous avons tout reçu ou tout compris dans nos temps d’introspections.

#3 Les dons ont tous cessé

Les cessationistes croient que la grande majorité des dons demeure : l’enseignement, l’encouragement, le service, l’évangélisation, l’exhortation, le leadership, l’administration, la compassion, l’hospitalité, la mission, la parole à propos, et plus encore – les listes dans les passages bibliques ne sont pas exhaustives. C’est aussi remarquable que Pierre parle aussi du don de l’Esprit au singulier : « Comme de bons intendants des diverses grâces de Dieu, mettez chacun au service des autres le don que vous avez reçu » (1 Pierre 4.10). Comme un artiste mélangeant sur sa palette diverses couleurs, le Saint-Esprit peint de nos vies un don unique en mélangeant des degrés différents de nombreux dons.

En réalité, les cessationistes n’affirment la cessation que de quelques dons, les dons apostoliques, ou dons des signes, dont le parler en langues, le don de guérison ou de miracles, et le don de prophétie dans le sens de la réception de révélations nouvelles soufflées de Dieu.

#4 Les émotions doivent être mises de côté

Cessationistes ou non, nous prenons tous des décisions en étant influencés par nos sentiments. Que ce soit pour nos plus petites décisions de tous les jours dans le choix de ce que nous achetons au supermarché ou pour les grandes décisions comme le choix du conjoint ou de la carrière, nos sentiments sont un don de Dieu pour nous aider à prendre des décisions.

La doctrine de la rédemption nous rappelle que quand Christ nous rachète, il rachète tout notre être, et ainsi tout ce que nous faisons peut être racheté : le temps (Eph 5.16), nos pensées (1 Cor 2.16), nos désirs (Ps 37.4), notre volonté (Phil 2.13), et aussi nos émotions (Rom 13.15).

La rédemption nous permet d’avoir des émotions basées sur la vérité et exprimées de manière appropriée ; d’avoir de fortes émotions qui ont du sens parce qu’elles sont éclairées par les Écritures.

Là où les cessationistes font preuve de prudence, c’est vis-à-vis de l’importance des émotions. Elles sont utiles, mais aussi doivent fonctionner dans un écosystème où les prises de décisions sont aussi guidées par la Parole, la réflexion et par un grand nombre de conseillers (Prov 11.14). En voulant à tout prix connecter l’œuvre du Saint-Esprit à ce que nous ressentons, nous nous appauvrissons de la richesse variée de son œuvre. Nos sentiments peuvent si souvent être trompeurs, nos cœurs sont si tortueux (Jér 19.7), il est dangereux de trop miser sur nos introspections. Le résultat peut ainsi devenir le contraire de ce qui est recherché : plutôt que vivre la liberté en Christ on devient prisonnier de nos émotions.

Mais un cessationiste qui n’a pas d’émotions fortes avec le Seigneur doit se repentir !

#5 Le Saint-Esprit est caché sous la Bible

On reproche souvent aux cessationistes de mettre le Saint-Esprit de côté, tout en élevant la Bible de manière disproportionnée. En caricaturant, c’est comme si nous avions une Trinité avec le Père, le Fils et la Bible.

L’argument biblique en réponse à cela est simplement de regarder au ministère du Saint-Esprit. Quel est son but ? Se mettre lui -même en avant ? Non, son but est de mettre Christ en avant, de rendre témoignage de lui (Jn 15.26). Comme Christ s’est effacé pendant son ministère terrestre pour donner toute la gloire au Père, le Saint-Esprit œuvre aussi d’un amour désintéressé pour mettre en valeur le Fils. Et en particulier, il le fait en illuminant nos yeux du cœur pour nous faire comprendre la beauté de Christ révélée dans la Parole. Lorsque Paul est rempli du Saint-Esprit, il prêche Christ et Christ crucifié, rien de plus (1 Cor 2). Un chrétien rempli de l’Esprit sera rempli de louange pour Christ (Eph 5.18-20) et de la pensée de Christ (1 Cor 2.16).

#6 Les cessationistes détestent les continuationnistes

Le CNEF a été créé, il y a plus d’une 10e d’années, par suite d’une demande de pardon entre des unions d’Églises charismatiques et non charismatiques. Une belle démarche, louable. Il serait triste en effet de séparer ce que l’Esprit de Dieu lui-même a réuni en Christ. Le fait que nous puissions avoir des avis différents sur des questions importantes ne signifie pas que nous sommes ennemis. L’Évangile de Jésus-Christ nous unit par-delà nos différences. Mais ceci ne doit pas non plus nous empêcher de courageusement ouvrir la Parole et discuter, réfléchir, se remettre en question, s’enrichir mutuellement, et échanger paisiblement. Certains désaccords sont des questions de fond, d’autres de formes, souvent un peu des deux, et c’est en discutant que nous arrivons à mieux nous connaître. Lorsque Jésus parle de la création de son Église, son encouragement principal est que nous veillions les uns sur les autres (Mat 18), et plus nous le faisons avec amour, plus nous permettons à nos mouvements de tendre vers l’équilibre plutôt que vers les extrêmes.

EN VOIR PLUS
Chargement