La Bible justifie-t-elle l’esclavage ? Voilà une question grave et sérieuse. La question est légitime puisque d’une part le texte biblique mentionne la réalité de l’esclavage, et la discute, et puisque d’autre part, dans l’histoire, l’institution esclavagiste a parfois bénéficiée d’arguments s’appuyant sur la Bible. Mais qu’en est-il vraiment ?
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La Bible justifie-t-elle l’esclavage ?
Voilà une question grave et sérieuse. La question est légitime puisque d’une part le texte biblique mentionne la réalité de l’esclavage, et la discute, et puisque d’autre part, dans l’histoire, l’institution esclavagiste a parfois bénéficiée d’arguments s’appuyant sur la Bible. Mais qu’en est-il vraiment ?
Précisons d’emblée que la question est complexe, et que nous ne pourrons rentrer dans le détail dans le cadre de cette émission. Pour ceux qui souhaiteraient creuser cette question, je ne peux que conseiller mon ouvrage « Car Dieu a tant aimé les Noirs », dans lequel j’y consacre spécifiquement un chapitre d’une quarantaine de pages.
Pour commencer, nous pouvons préciser que jamais l’esclavage n’est présenté comme résultant de la volonté première de Dieu. Dieu a fait l’homme libre et digne, porteur de son image, et en cela il n’est pas appelé à être dans les chaînes. Il semble significatif que la première mention de l’esclavage dans la Bible apparaisse dans le contexte d’une malédiction, au chapitre 9 de la Genèse.
Dans l’Ancien Testament, la Bible reconnaît et régule une forme d’assujettissement plus ou moins proche de ce que l’on nomme esclavage, mais il faut noter plusieurs choses. Tout d’abord, jamais l’économie du peuple d’Israël ne fut fondée sur l’exploitation du travail d’autrui, et jamais la Loi mosaïque ne permit la capture d’êtres humains. De plus, la Loi encadrant le sort du travailleur assujetti au sein du peuple d’Israël contraste nettement et fortement avec le sort de son homologue au sein des nations environnantes. A titre d’exemple, là où les nations environnantes obligent à rendre le fugitif à son maître, l’Israélite est tenu de lui offrir l’asile, ou encore, alors qu’en cas de blessure physique du travailleur assujetti, les nations environnantes ne prévoient qu’une compensation financière en faveur du maître, la Loi mosaïque exige la libération du travailleur (Ex 21.26-27). Si la loi mosaïque s’adapte à la réalité sociologique et culturelle de la servitude, qu’il semble alors impossible de simplement supprimer, elle la régule strictement en faisant valoir la pleine humanité du travailleur assujetti, du jamais vu pour l’époque !
Dans le Nouveau Testament, le contexte est différent, mais la réalité de l’esclavage demeure. Face à celle-ci, les disciples de Christ, alors peu nombreux et peu influents, ne peuvent se permettre de se lever face à tout un système solidement établi, mais poussés par leur espérance, ils posent déjà les jalons de la remise en question de ce système. Ainsi, les maîtres sont appelés à traiter dignement leurs esclaves (Col 4.1), comme leurs propres frères (Phm 16), les esclaves sont appelés à saisir leur libération si l’occasion leur est donné (1 Co 7.21), mais surtout les maîtres et les esclaves sont appelés à se soumettre les uns aux autres, mutuellement, car leur nouvelle identité en Christ transcende leur statut social, qui ne compte plus au sein de l’Eglise (Eph 6.9 ; 5.21 ; Ga 3.28). Comme l’Ancien Testament, le Nouveau Testament condamne la capture et la vente d’esclaves (1 Tim 1.9-11).
Par conséquent, jamais la Bible ne fournit d’arguments permettant l’institution de l’esclavage. Au contraire, sans cesse elle rappelle l’égale dignité de tous devant Dieu.
Comment expliquer alors que certains chrétiens aient défendu l’esclavage par le passé ? Là encore, le format de l’émission ne permet pas d’aller dans le détail, mais posons simplement quelques repères. Premièrement, il est opportun de rappeler que malheureusement, ceux qui se disent chrétiens ne le sont pas tous véritablement, et que parmi ceux qui le sont, nul ne l’est parfaitement. Deuxièmement, l’histoire nous enseigne que l’argumentation religieuse n’a pas été utilisée pour fonder premièrement l’esclavage, mais plutôt dans un second temps pour le justifier en tentant de lui donner une coloration morale. A l’inverse, l’argumentation religieuse fut un précurseur des luttes abolitionnistes, le plus souvent de pair avec des mouvements de réveils religieux. Autrement dit, lorsque les chrétiens ont utilisé la Bible pour justifier l’esclavage, ils l’ont toujours fait en dénaturant le texte biblique – et nous venons en effet de voir l’enseignement biblique sur la servitude est incompatible avec la pratique esclavagiste qui eut par exemple cours aux Amériques – et lorsque les chrétiens ont utilisé la Bible pour combattre l’esclavage, ils l’ont toujours fait sans autre considération que d’être fidèle aux enseignements bibliques.
Nathanaël Delforge est passionné de théologie et de philosophie, il est également le créateur et l’animateur de Kurious, une chaîne YouTube d’apologétique chrétienne. Professeur de mathématiques dans le secondaire, il poursuit des études de théologie en parallèle. Il est marié et père d’une petite fille.