Nous avons entendu les deux cycles complets des discours des trois « consolateurs pénibles » ainsi que les réponses de Job. Un troisième cycle s’ouvre, mais il est tronqué et déséquilibré. Éliphaz parle et Job répond (Job 22-24) ; Bildad parle très brièvement et Job répond longuement (Job 25-31), en visant large et avec ferveur. Les consolateurs n’ont rien de nouveau à dire et baissent pavillon. En persistant à justifier son intégrité, Job les réduit au silence, même s’il ne les a pas convaincus.
Dans son dernier discours (Job 22), Éliphaz a beau embellir sa forme poétique, il n’enrichit pas le fond de son raisonnement ; il ne fait que dire les mêmes choses en d’autres mots. Dieu est tellement grand, déclare Éliphaz, que les êtres humains ne peuvent rien ajouter. Pourquoi Job pense-t-il alors que sa justice l’impressionne ? Cette même grandeur garantit la perfection de la connaissance et de la justice de Dieu. Dans ce cas, la souffrance de Job n’est pas sans cause : Dieu a certainement débusqué les péchés cachés de Job, des péchés sur lesquels Éliphaz tente de braquer la lumière.
Tout en avançant certains des arguments déjà employés précédemment, Job suit un autre raisonnement (Job 23). Il n’accuse plus Dieu d’être injuste, mais il lui reproche d’être absent, inaccessible : « Oh ! si je savais où le trouver, si je pouvais arriver jusqu’à sa résidence ! » (v. 3). Job ne cherche pas à fuir pour se réfugier au ciel ; il exprime sa frustration et le désir de défendre sa cause devant le Tout-Puissant (v. 4). Job ne redoute pas le fait que Dieu lui réponde par une puissance terrifiante et écrasante (v. 6) ; il craint beaucoup plus qu’il l’ignore tout simplement. Toutefois, aucune de ses tentatives humaines n’a permis à Job de trouver Dieu (v. 8-9).
Les paroles de Job ne ressemblent en rien aux protestations de la littérature moderne qui affirment que Dieu est tellement absent qu’il doit être mort. Il « n’attend pas Godot ». Sa foi en Dieu est inébranlable. Il est parfaitement convaincu que Dieu sait très bien où il est, et qu’il est très bien informé de l’intégrité fondamentale de sa vie (v. 9-11). Cette attitude n’a rien à voir avec la bravade d’un individu qui revendique l’indépendance absolue ; Job a méticuleusement suivi les paroles de Dieu, les estimant plus précieuses que sa nourriture quotidienne (v. 12).
C’est pourquoi l’absence de Dieu est non seulement troublante mais également terrifiante (v. 13-17). Job trouve effrayant d’avoir placé sa confiance dans la souveraineté et la connaissance de Dieu car, dans cette vie, tout prouve que le juste peut être broyé et que le méchant peut échapper. Les « consolateurs » déclarent que Job devrait être effrayé par la justice de Dieu ; en fait, c’est l’absence de Dieu qui l’effraie.
Quand nous traversons de telles journées, il est bon de se rappeler la fin du livre de Job et la fin de la Bible.