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L’une des caractéristiques de nombreux passages du Deutéronome qui décrivent ce que la vie devra être une fois que le peuple aura conquis le pays promis est la tension entre l’idéal et ce qui sera la réalité finale.

Ainsi, on trouve cette déclaration : « Il n’y aura pas de pauvre chez toi, car l’Éternel te comblera de bénédiction dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne en héritage pour que tu en prennes possession, pourvu seulement que tu obéisses à la voix de l’Éternel, ton Dieu, en observant et mettant en pratique tout ce commandement que je te donne aujourd’hui » (Deutéronome 15.4-5). Mais un peu plus loin dans le même chapitre, c’est un autre son de cloche : « Il ne manquera pas de pauvres au milieu du pays ; c’est pourquoi je te donne ce commandement : Tu devras ouvrir ta main à ton frère, au malheureux et au pauvre dans ton pays » (v. 11).

Le premier texte, « Il n’y aura pas de pauvre chez toi », se fonde sur deux choses : l’abondance dont le pays regorgera (signe d’un bienfait de l’alliance) et les lois civiles que Dieu désire imposer pour éviter toute forme de pauvreté. Le second inclut l’annulation des dettes tous les sept ans, une idée choquante pour nos oreilles modernes (v. 1-11). Dieu met même en garde celui qui nourrirait « des pensées détestables » en se montrant avare et pingre à l’approche de la septième année (v. 8-10).

À vrai dire, on ignore dans quelle mesure ces principes idéaux ont été appliqués. En tout cas, nous n’avons pas beaucoup de preuves que les Israélites les aient promulgués comme lois officielles dans le pays promis. C’est pourquoi, le second passage, « Il ne manquera pas de pauvres au milieu du pays », est inévitable. Il reflète la triste réalité qu’aucun système économique ne peut garantir l’éradication de la pauvreté, car les êtres humains l’entretiennent, ils sont cupides, ils ajustent le système pour leur profit, et n’hésitent pas à le pervertir en cas de besoin. Il ne faudrait pas en conclure que tous les systèmes économiques se valent ou qu’ils sont tous aussi mauvais les uns que les autres. Ce n’est visiblement pas le cas. Il ne faut pas non plus que les législateurs s’endorment sur leurs lauriers et refusent de corriger ou d’améliorer le système, et de combler les vides juridiques ou les points faibles qui encouragent la corruption. Mais une vérité saute aux yeux : la Bible est réaliste quant à l’impossibilité de toute utopie économique ou autre dans ce monde déchu. Par moments, les Israélites seront tellement corrompus eux-mêmes, à la fois dans le domaine économique et dans d’autres, que Dieu privera le pays de ses bienfaits ; il empêche par exemple la pluie de tomber (comme à l’époque d’Élie). Le pays ne sera alors plus en mesure de nourrir tous ses habitants.

En insistant sur le fait qu’il y aura toujours des pauvres, une constatation que Jésus reprend dans Matthieu 26.11, la Bible ne fait pas preuve de fatalisme ; elle appelle au contraire à pratiquer une générosité abondante.

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