Bien que 1 Corinthiens 13 s’inscrive dans un raisonnement suivi qui couvre les chapitres 12 à 14, ce passage constitue à lui tout seul une entité si sublime avec des idées si merveilleusement évocatrices qu’il a inspiré d’innombrables commentaires. J’invite aujourd’hui le lecteur à réfléchir un peu aux trois premiers versets.
Le texte ne dit pas que l’amour est tout et que les autres charismes mentionnés, à savoir le parler en langues, le don de prophétie, la capacité de sonder tous les mystères et toute la connaissance, une foi capable de transporter les montagnes, l’abandon de tous ses biens pour soulager la misère des pauvres, et le martyre, ne sont rien. Paul dit que ces choses ne valent rien si elles ne sont pas accomplies avec amour. L’amour ne les remplace pas ; son absence les rend inutiles et finalement sans valeur.
Ce paragraphe vise à abaisser l’orgueilleux. L’histoire montre de tristes exemples de gens qui sont devenus fiers de leur don des langues, de leur don de prophétie, de leur grande philanthropie et de leur abnégation. Or, être fier de son amour est une impossibilité ; les termes sont contradictoires, en tout cas quand il s’agit de l’amour chrétien. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles toutes ces autres vertus disparaissent si elles ne sont pas accompagnées d’amour.
L’une des caractéristiques les plus frappantes dans cette dissertation sur l’amour est sa manière de prendre le contre-pied d’une des définitions largement répandues dans certains milieux chrétiens. Ces croyants disent que l’amour n’appartient pas au domaine des sentiments ou des émotions ; pour eux, l’amour est la résolution inébranlable de chercher le bien d’autrui. C’est pourquoi, d’après eux, l’amour peut se commander : on peut très bien ne pas aimer l’autre, mais si on veut fermement son bien et si on agit en conséquence, on l’aime malgré tout ! À vrai dire, cette sorte de casuistique est très réductionniste de l’amour vrai. Ce qu’on étiquette « amour » n’est rien d’autre que de l’altruisme persévérant. Or, dans ces versets, Paul différencie nettement l’altruisme de l’amour : « Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé » (v. 3) : qu’est-ce sinon de l’altruisme et de l’abnégation ? L’apôtre ne peut pas concevoir ces actions sans amour. L’amour doit donc être autre chose ou davantage que simplement de l’altruisme et de l’abnégation.
Il est peut-être difficile de proposer une définition de l’amour chrétien. En revanche, il n’est pas difficile d’en trouver l’exemple suprême. L’amour de Christ pour nous ne se fonde pas sur le fait que nous soyons agréables, mais sur sa propre nature. Son amour ne se résume pas à un simple sentiment ; il est néanmoins chargé d’une tendresse et d’une affection incalculables. Il est résolu dans son abnégation, mais il ne procède jamais d’une autodiscipline purement mécanique. Si nous voulons comprendre la description apostolique de l’amour chrétien comme la « voie par excellence » (12.31b ; voir aussi la méditation du 11 octobre) que nous devons tous suivre, il nous suffit d’imiter Jésus-Christ.