À notre époque saturée d’informations, beaucoup d’entre nous ont appris à être aussi concis que possible. Dans ce domaine, le professeur qui a supervisé mon doctorat m’a beaucoup aidé ; bien que mon style soit encore parfois décousu, ce qu’il a acquis en concision et en précision, il le doit en grande partie à ses nombreuses corrections de mon travail il y a plus d’un quart de siècle. Les directeurs efficaces apprennent à être brefs ; les programmeurs en informatique sont évalués sur leur capacité de créer rapidement des logiciels succincts. Seuls quelques auteurs contemporains continuent de publier des ouvrages interminables, dans lesquels les éditeurs ont déjà fait des coupes sombres !
Mais lorsque nous lisons tranquillement Ésaïe, Jérémie, Lamentations, avant d’aborder Ézéchiel, nous tournons toujours autour des mêmes thèmes : le péché du peuple de l’alliance, la menace de jugement, la sanction appliquée, d’abord aux tribus du nord puis à celle de Juda. Nous discernons évidemment les nuances subtiles : Histoire, vision apocalyptique, oracle, lamentation, prières. Lamentations 5 se présente sous la forme d’une longue prière : « Souviens-toi, Éternel, de ce qui nous est arrivé ! Regarde, vois notre déshonneur ! » (v. 1). Ne vous êtes-vous jamais surpris à penser plus d’une fois : « Je sais que c’est la Parole de Dieu et qu’elle est importante, mais je crois comprendre désormais assez de l’Histoire et de la théologie de l’exil. Ne pourrait-on pas passer à autre chose ? » Nous vivons à une époque dominée par l’information, nous soupirons après la brièveté, et la Bible semble parfois traîner en longueur. Alors, nous passons rapidement au chapitre suivant parce que nous « savons » déjà tout cela.
Or, c’est là que réside le problème ! Lisez de nouveau ce chapitre lentement, attentivement. Certes, il concerne Israël six siècles avant notre ère, la destruction de ses villes, de son pays et de son Temple, le début de l’exil. Mais prêtez l’oreille à la profondeur et à la persistance des supplications, à la repentance, à la lutte personnelle avec Dieu, à la prise de conscience de la réalité culturelle, à la reconnaissance de la souveraineté et de la justice de Dieu, à l’aveu du peuple qui doit rétablir sa relation avec Dieu avant qu’un retour au pays soit possible, et qu’il revête tout son sens (v. 21). Comparez tout cela avec les caractéristiques des confessions chrétiennes qui vous sont le mieux connues. À une époque de déclin culturel, de dégradation morale et de désinvolture ecclésiastique, notre prière ressemble-t-elle à celle de Lamentations 5 ? Les thèmes abordés par les grands prophètes ont-ils enflammé notre esprit et notre cœur au point que notre désir le plus brûlant soit de renouer la communion avec le Dieu vivant ? Ou sommes-nous tellement pris par l’esprit de ce siècle que nous nous contentons d’être riches en information et pauvres en sagesse et en piété ?