Pourquoi est-il si important de comprendre le contexte littéraire d’un texte biblique? Parce que chaque verset, chaque passage, s’inscrit dans une histoire plus large, un message construit avec intention. Lire la Bible sans tenir compte de ce contexte, c’est un peu comme lire une phrase au hasard dans un roman : on risque de passer à côté du vrai sens, ou même de mal comprendre ce que l’auteur veut dire.
Trois cercles pour comprendre
Pour explorer le contexte littéraire, représente-toi une cible: on commence au centre, puis on élargit progressivement notre regard.
1. Le centre: le passage lui-même
Au centre de la cible se trouve le texte que l’on étudie. Prenons par exemple Habakuk 2.6-20, qui contient cinq oracles de malheur contre les oppresseurs. Ces versets dénoncent des péchés comme la cupidité, la violence, l’humiliation des autres et l’idolâtrie, et annoncent des jugements précis. Mais pour bien saisir leur portée, il ne faut pas s’arrêter là.
2. Premier cercle: le contexte immédiat
Entre deux bornes: quand l’orgueil humain rencontre la grandeur de Dieu
Quand on regarde le premier anneau de la cible,
on examine de plus près l’environnement immédiat, nous allons voir tout cela en restant dans le passage Habakkuk 2.6-20. Juste avant (2.2-5), Dieu demande à Habakuk d’écrire la vision qui met en scène un contraste fort : d’un côté, l’orgueilleux; de l’autre, le juste qui vit par la foi. Les versets juste après (3.1-2), Habakuk répond par une prière, admirant la grandeur de Dieu et demandant sa miséricorde.
Ce n’est pas un hasard si notre passage se trouve exactement entre ces deux moments. Les oracles de malheur, en fait, sont le contenu de la « vision » que Dieu veut rendre claire. C’est sa réponse à la deuxième plainte d’Habakuk. Et surtout, c’est ici que Dieu va dévoiler ce qui ne va pas chez les Babyloniens: leur orgueil.
Mais l’orgueil, dans ce contexte, ce n’est pas juste de la vantardise ou de l’arrogance comme on pourrait le penser aujourd’hui. Ici, l’orgueil, c’est croire qu’on n’a pas besoin de Dieu, qu’on peut tout faire tout seul, qu’on est maître de son destin. Les Babyloniens montrent cet orgueil par leur soif de pouvoir, leur violence, leur exploitation des autres et leur idolâtrie. Ils vivent comme s’ils étaient au-dessus de tout, sans rendre de comptes à personne. Le texte est encadré par deux versets clés:
- Au début (2:4) : «Voici, son âme s’enfle d’orgueil; elle n’est pas droite en lui, mais le juste vivra par sa foi.»
- À la fin (2:20) : «Mais l’Éternel est dans son saint temple; que toute la terre fasse silence devant lui.»
Ces deux bornes ne sont pas là pour décorer. Elles nous montrent le chemin: on part du problème (l’orgueil humain) et on arrive à la solution (la souveraineté de Dieu). Entre les deux, les cinq oracles de malheur décrivent concrètement comment l’orgueil prend forme chez les Babyloniens et pourquoi Dieu va juger ces orgueilleux. Dans ce contexte, ce n’est pas simplement que l’orgueil attire le jugement: c’est Dieu lui-même qui annonce qu’il interviendra pour condamner l’arrogance et l’injustice des Babyloniens.
Au fond, cette structure nous raconte une histoire: celle du cœur humain qui veut tout contrôler, mais qui finit par réaliser que seul Dieu règne vraiment. Et c’est ce voyage, du questionnement à la confiance, que Habakuk lui-même vit dans son livre.
Quand on repère ces deux bornes, on comprend que les oracles de malheur ne sont pas juste des annonces de catastrophe: ils sont là pour nous enseigner que l’orgueil, sous toutes ses formes, ne tient pas devant la grandeur et la justice du Dieu vivant. C’est une invitation à laisser tomber nos illusions de contrôle, et à se confier en celui qui règne dans son temple, au-dessus de tout.
3. Deuxième cercle: le livre entier
Le deuxième cercle, c’est le contexte du livre tout entier. Dans Habakuk, les oracles de malheur répondent directement à la grande question du prophète: «Pourquoi Dieu laisse-t-il les méchants prospérer?» (1.13). Ils montrent que la justice de Dieu n’est jamais oubliée, même si elle semble tarder.
Le livre suit un mouvement: du doute et du questionnement (chapitres 1 et 2), à la confiance et la louange (chapitre 3). Les oracles de malheur sont la charnière qui permet à Habakuk—et à nous!—de passer de l’incompréhension à la foi.
Pourquoi prendre le temps d’explorer le contexte littéraire ?
Lire en tenant compte du contexte littéraire, c’est respecter l’intention de l’auteur et ultimement l’auteur divin, découvrir la progression de la pensée, et recevoir le message dans toute sa richesse. Cela évite les raccourcis et les interprétations hasardeuses. C’est aussi une façon de laisser la Bible nous parler de manière vivante et actuelle.
La prochaine fois que tu liras ta Bible , essaie cette approche: commence par le passage, puis lis aussi les versets qui l’entourent, puis demande-toi comment il s’inscrit dans le livre entier. Tu verras, combien cela enrichit ta lecture!
À suivre…
Dans un prochain article, nous irons plus loin en découvrant le contexte historique et le contexte biblique. Mais déjà, prends le temps d’explorer ces cercles littéraires: c’est le début d’une lecture plus profonde et plus joyeuse de la Parole.
Ressources pour approfondir :
- Turkington, Taylor. Trembling Faith: How a Distressed Prophet Helps Us Trust God in a Chaotic World.
- Klein, William W., Blomberg, Craig L., et Hubbard, Robert L. Jr.. Introduction to Biblical Interpretation
- Barker, Kenneth L., et Waylon Bailey. Micah, Nahum, Habakuk, Zephaniah.
- Ferreiro, Alberto, éd. The Twelve Prophets.
- Calvin, John. Commentaries on the Twelve Minor Prophets.
- Charles Simeon Trust – Prophetic Literature (cours en ligne gratuit)