Au Royaume-Uni, il y a un jeu télévisé qui s’appelle « Une question de sport ». L’une des épreuves, « Mystery Guest » (l’invité mystère), demande aux équipes d’identifier un athlète célèbre sur la base d’une vidéo de 30 secondes. Mais le sportif est déguisé. Il peut être par exemple déguisé en cow-boy, avec un chapeau rabattu sur les yeux et un foulard remonté sur la bouche et le nez. La tâche consiste à retrouver le nom de l’invité mystère.
Le prophète Ésaïe a son propre invité mystère. Ésaïe 40-55 révèle que le Saint d’Israël va réaliser l’espoir, la grâce et la restauration promis dans les 39 premiers chapitres grâce à cet invité mystère, qu’il appelle « le Serviteur de l’Éternel ». Par le biais de quatre « chants du Serviteur », Ésaïe communique les différents aspects de l’identité du Serviteur.
Parcourons ces chants afin de pouvoir identifier le Serviteur.
Premier chant : il est rempli d’Esprit (Ésaïe 42 :1-9)
Juste avant le premier chant, Ésaïe met en garde ses auditeurs et ses lecteurs contre la folie des idoles (Ésaïe 4.21-29), qu’il met ensuite en contraste avec le Serviteur :
– « Voici les idoles » (Esaïe 41.29)
– « Voici le Serviteur du Saint d’Israël » (Esaïe 42.1).
Le Saint d’Israël va réaliser l’espérance, la grâce et la restauration promises dans les 39 premiers chapitres grâce à cet invité mystère.
Au lieu d’être un « vain souffle » (Ésaïe 41.29), le Serviteur est rempli de l’Esprit. Le Saint d’Israël a mis son Esprit sur ce Serviteur (Ésaïe 42:1). La justice que le Serviteur apportera en sera la preuve (vv. 1, 2, 4). Il fera ce que beaucoup de dirigeants d’Israël n’ont pas réussi à faire : gouverner avec justice. Nous en avons la certitude car Dieu lui donnera le pouvoir (v. 6-9). Les promesses faites au peuple de Dieu dans Ésaïe 1-39 commenceront à porter leurs fruits au travers de ce Serviteur rempli de l’Esprit, car il apportera la justice.
Deuxième chant : c’est un prophète (Ésaïe 49,1-7)
Dans le deuxième chant, le Serviteur fait savoir qu’il est l’intermédiaire du salut que Dieu va apporter à Israël (v. 5) et aux nations (v. 6). L’élément prophétique est souligné dès le début du chant par l’appel à « écouter » (v. 1). En utilisant ce même terme hébreu, le Saint d’Israël n’a cessé d’encourager son peuple à l’écouter (Ésaïe 48,1, 12, 16). En employant ce terme, le Serviteur prétend parler avec l’autorité de Dieu.
L’image des épées et des flèches (v. 2) suppose également une capacité prophétique ; ces éléments illustrent la précision et le pouvoir de pénétration des paroles prophétiques du Serviteur. Ses paroles ne manqueront pas leur cible. En outre, l’appel du Serviteur depuis le ventre de sa mère (v. 1, 5) renforce la nature prophétique de sa tâche (cf. Jérémie 1. 4-10).
Ces caractéristiques éclairent davantage l’identité du Serviteur : il s’agit d’une figure individuelle et prophétique. Le message de salut du Serviteur ne sera pas accepté. Cela conduira au rejet du Serviteur lui-même (v. 7), un rejet qui deviendra plus explicite dans un chant ultérieur.
Troisième chant : il est obéissant (Ésaïe 50:1-11)
Le thème du troisième chant est l’obéissance du Serviteur. Ce thème est en contraste frappant avec la désobéissance d’Israël. Dans Ésaïe 1-12, la désobéissance d’Israël a été largement exposée. Il y a eu des rappels de cette désobéissance persistante (Ésaïe 42.18-20 ; 48.18-19). Par contraste, le Serviteur parfaitement obéissant entre en scène au troisième chant (v. 4). Sa perfection se manifeste par une langue exercée par Dieu (v. 4), des oreilles attentives à l’enseignement de Dieu (v. 4) et l’absence manifeste de rébellion (v. 5).
L’obéissance parfaite du Serviteur conduira à un nouveau rejet (v. 5). Remarquez l’escalade à partir du deuxième chant, dans lequel le Serviteur est profondément méprisé (Ésaïe 49.7), jusqu’au troisième chant, dans lequel le Serviteur est physiquement agressé (Ésaïe 50.6). Pourtant, il sera capable de le supporter car le Saint d’Israël aide son Serviteur (v. 7). Le Serviteur sera tout ce qu’Israël n’était pas. Il fera tout ce qu’Israël ne pouvait pas faire. Il obéira parfaitement au Saint d’Israël.
Quatrième chant : il est le substitut (Ésaïe 52:13-53:12)
Les chapitres 51 et 52 sont marqués par l’enthousiasme. Dieu réconforte son peuple en lui apportant l’espoir, la joie, l’allégresse et l’action de grâce (Ésaïe 51.3). Son salut durera toujours (Ésaïe 51. 6, 8, 11), et Sion sera à nouveau belle et forte (Ésaïe 52. 1-10).
Le Serviteur sera tout ce qu’Israël n’était pas. Il fera tout ce qu’Israël ne pouvait pas faire. Il obéira parfaitement au Saint d’Israël.
La manière dont tout cela est réalisé est communiquée dans le quatrième chant. Il y est clairement indiqué que le salut sera obtenu par la souffrance et la mort substitutives du Serviteur. Pour de nombreux chrétiens, il s’agit d’un passage familier des Écritures, mais la sophistication de la poésie est souvent négligée.
Ce chant est divisé en cinq strophes, chacune comprenant trois versets. L’apogée est la strophe du milieu (Ésaïe 53. 4-6). Ce sommet indique explicitement que le Serviteur sera un substitut : chaque coup successif porté au Serviteur l’est à cause de nous. La souffrance du Serviteur est soulignée dans les strophes situées de part et d’autre du sommet (Ésaïe 53. 1-3, 7-9). L’isolement du Serviteur qui endure tout cela est frappant dans ces deux strophes. Il y a cependant de l’espoir, car l’introduction (Ésaïe 52.13-15) et la conclusion du chant (Ésaïe 53.10-12) font allusion à la justification du Serviteur. Il y a un effet de pyramide dans le poème :
C Substitution (Ésaïe 53.4-6)
B Souffrance (Ésaïe 53.1-3) B` Souffrance (Ésaïe 53.7-9)
A Justification (Ésaïe 52. 13-15) A` Justification (Ésaïe 53. 10-12)
Ésaïe proclame que le salut d’Israël passera par la souffrance substitutive du Serviteur. Le salut aura pour prix le sacrifice de la vie d’un autre.
Ésaïe proclame que le salut d’Israël passera par la souffrance substitutive du Serviteur. Le salut aura pour prix le sacrifice de la vie d’un autre.
Révéler l’invité mystère
Le lecteur attentif d’Esaïe remarquera qu’Israël lui-même est appelé « serviteur » (Ésaïe 41. 8-9), ce qui a entraîné une certaine confusion quant à l’identité du Serviteur. Un certain nombre de commentateurs soutiennent que, puisqu’Israël est appelé ailleurs « serviteur », Israël doit être le Serviteur. Mais il n’y a pas là nécessairement une suite logique et certainement pas pour les auteurs du Nouveau Testament. Qui donc est-ce Serviteur ?
Le premier chant est cité par Matthieu dans son Évangile (Matthieu 12.18-21). L’idée de Matthieu est que le ministère de Jésus accomplissait le premier chant : Jésus et son ministère étaient remplis de l’Esprit.
Le deuxième chant préfigure le ministère prophétique de Jésus. Les Évangiles présentent tous Jésus comme parlant la Parole de Dieu à son peuple (par exemple, Matthieu 5-7). L’imagerie spécifique des paroles du Serviteur semblables à une épée, est explicitement appliquée à Jésus dans l’Apocalypse (Apocalypse 1.16 ; Apocalypse 19.15, 21).
Le thème général du troisième chant, l’obéissance, est illustré par Jésus (cf. Matthieu 5.17). Il parle aussi spécifiquement de la torture (Ésaïe 50.6), qui représente tout ce que Jésus allait affronter.
Le quatrième chant est fréquemment cité dans le Nouveau Testament. C’est le passage que Philippe utilise pour expliquer l’Évangile à l’eunuque éthiopien (Actes 8.26-40). L’apôtre Pierre y fait également allusion lorsqu’il écrit sur le sacrifice de substitution de Jésus sur la croix (1 Pierre 2. 22-25).
Pendant la lecture du quatrième chant, l’eunuque éthiopien s’adresse à Philippe : « Je te prie, de qui le prophète parle-t-il ainsi ? Est-ce de lui-même, ou de quelque autre ? » (Actes 8. 34). Philippe est clair : le prophète parle de quelqu’un d’autre, quelqu’un qu’Ésaïe lui-même s’est efforcé d’entrevoir et de saisir (1 Pierre 1. 10-12).
Le Nouveau Testament indique clairement que l’invité mystère d’Ésaïe est Jésus-Christ de Nazareth.
Traduction par Aimee Palmer de Who’s the Mystery Guest in Isaiah’s Servant Songs?