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Ces derniers mois, j’ai un peu plus réfléchi à une discipline spirituelle peu pratiquée : le jeûne. Je dis « peu pratiquée », mais je dois reconnaître que je dis peut-être cela parce que je ne pratique pas le jeûne de manière régulière. Et pourtant, pour beaucoup de traditions, y compris réformée, il fait bien partie de la vie chrétienne. Peut-être que vous vous demandez si c’est une pratique légitime, et si oui « comment » ? Et puis, pour commencer, pourquoi jeûner ?

Les raisons bibliques et pratiques

La plupart du temps, les raisons invoquées en faveur du jeûne sont de deux types : pratiques ou bibliques. Du côté pratique, on dira par exemple que le jeûne permet de prendre plus de temps pour la prière. Si vous cuisinez vos repas, cela vous semblera évident. Si vous passez une grosse heure à cuisiner et à prendre votre repas de midi, c’est autant de temps passé à prier. Le jeûne est aussi pratique parce qu’il permet une concentration de la prière sur un sujet particulier. Il sert donc d’aide à la prière. Ces raisons sont très valables, mais elles résument la pertinence du jeûne à ce qu’il permet de faire. Il permet notamment une meilleure vie de prière. Cela ne nous dit pas s’il y a des raisons pour le jeûne lui-même. Le jeûne est aussi très lié à des circonstances pratiques : des temps particuliers de repentance, d’affliction, ou encore de recherche de la volonté de Dieu. De grands théologiens ont mis l’accent le plus fort sur cela. Ce n’est pas faux non plus, loin de là ! Mais une fois encore, le jeûne est un instrument qui sert à quelque chose. Ce qui compte vraiment, c’est la repentance, la découverte de la volonté de Dieu, etc.

Le jeûne fait partie de la vie du peuple de Dieu

Du côté biblique, on se concentrera sur les exemples de jeûnes dans la Bible. Cette pratique fait partie de la vie du peuple de Dieu. Ce n’est d’ailleurs pas que dans l’Ancien Testament que nous trouvons cette pratique spirituelle, mais aussi dans le Nouveau Testament. Il serait trop facile de penser que le jeûne est une pratique de l’Ancien Testament, rendue inutile par la venue de Jésus-Christ. Jésus lui-même a jeûné (Luc 4.1-2) ! Mais Jésus ne pratiquait pas quelque chose qu’il estimait en dehors de la pratique des disciples. À la foule qui le suivait, Jésus dit : « Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air triste, comme les hypocrites, qui se rendent le visage tout défait, pour montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense. Mais quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, afin de ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes mais à ton Père qui est là dans le lieu secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. » (Matthieu 6.16-18). Le sermon sur la montagne, cette grande charte éthique du royaume, part du principe que ceux qui suivent Jésus vont jeûner ! Paul, de son côté, écrit aux Corinthiens qu’il était « souvent dans les jeûnes » (2 Corinthiens 11.27).

Le jeûne : signe eschatologique

Je reviens quand même à ma question : est-ce que le jeûne est un simple instrument ? Il « sert » à quelque chose. Mais est-il possible que, en lui-même, il dise quelque chose d’important pour notre vie de foi ? Un passage des Évangiles est très instructif :

« Alors des disciples de Jean vinrent auprès de Jésus et dirent : Pourquoi nous et les Pharisiens jeûnons-nous, tandis que tes disciples ne jeûnent pas ? Jésus leur répondit : Les amis de l’époux peuvent-ils mener deuil tant que l’époux est avec eux ? Les jours viendront où l’époux leur sera enlevé, et alors ils jeûneront. Personne ne met une pièce de drap neuf à un vieux vêtement, car le morceau tire sur le vêtement et il en résulte une déchirure pire. On ne met pas non plus du vin nouveau dans de vieilles outres, autrement, les outres se rompent, le vin se répand et les outres sont perdues, mais on met le vin nouveau dans des outres neuves, et l’ensemble se conserve. » (Matthieu 9.14-17)

Les disciples ne jeûnent pas parce que lui, l’Agneau, l’Époux de son corps qui est l’Église, est parmi eux. Le temps qui met fin au jeûne est donc, dans ce texte évangélique, la présence de l’Époux. Que se passe-t-il après l’Ascension de Jésus ? L’Époux est retiré de la vue des disciples. Sa présence est maintenant vivante à travers le ministère de l’Esprit.

Une des principales caractéristiques de notre vie chrétienne est l’attente et la persévérance. Nous vivons cette attente tous les jours. Nous la vivons dans nos prières, et tous les jours où nous désirons la fin du mal dans le monde. Nous vivons l’attente et l’espérance lorsque nous partageons le repas du Seigneur : « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. » (1 Corinthiens 11, 26) Nous attendons la venue du Seigneur ! L’Époux revient !

Le jeûne dirige nos yeux vers le retour de Jésus.

Le jeûne a donc une valeur eschatologique : il dirige nos yeux vers le retour de Jésus. Le jeûne, qui est absence, dit quelque chose de ce manque qui règne dans le monde, et que nous ressentons aussi. Le jeûne est signe de foi, il est signe d’espérance parce qu’il nous encourage à regarder au royaume qui vient. Nous pouvons donc jeûner simplement pour dire que nous attendons quelqu’un : Jésus. Nous attendons quelque chose : le repas des noces de l’Agneau. Chaque fois que nous jeûnons, nous disons qu’ici et maintenant, il nous manque quelque chose ! Jeûner, c’est dire que Jésus revient, c’est annoncer le royaume !

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