Le Lévitique est le livre sur lequel les plans de lecture bibliques prennent fin bien souvent ; il est plein de lois sur la pureté, sur les rituels des sacrifices avec des détails apparemment sans fin qui semblent très éloignés de notre vie quotidienne. Et si ces lois étaient la clé pour comprendre qui est Jésus et ce qu’il est venu faire ? Et si le Lévitique nous préparait à cet extraordinaire moment où sainteté et impureté se heurtent, et où tout change ?
L’histoire de la femme à la perte de sang dans Marc 5 correspond exactement à cela. Elle avait vécu en marge de la société, coupée du culte et de la vie communautaire par les lois sur la pureté du Lévitique. Au cœur de ces lois se trouve un commandement sobre et répété : Tu ne toucheras pas. Lévitique 11-15 place une division très claire entre le saint et l’impur, entre la vie et la mort.
Cette femme connaissait bien ces lois. Elle en avait porté le poids et comprenait le risque qu’il y avait à tendre la main pour toucher ce qui ne devait pas être touché. Selon le Lévitique, son acte aurait dû entraîner la mort. Qu’est-ce qui a donc changé entre les lois données au mont Sinaï et cette rue bondée où elle a touché Jésus ?
Cet article explore comment le contact de la femme qui saigne nous prépare à voir la personne et l’œuvre de Jésus-Christ – et comment son histoire devient la nôtre.
Le Lévitique met en lumière notre incapacité à rester purs par nos propres efforts
« Tu ne toucheras pas » et le danger de s’approcher du Saint
Lévitique 11-15 se trouve placé entre deux histoires qui mettent l’accent sur le danger de s’approcher de la sainteté de Dieu de façon inappropriée. En Lévitique 10, Nadab et Abihu offrent « devant l’ÉTERNEL du feu étranger, ce qu’il ne leur avait pas ordonné » et ils sont consumés par le feu divin. Puis, en Lévitique 16:1, ce même événement est rappelé : « L’ÉTERNEL parla à Moïse après la mort des deux fils d’Aaron qui étaient morts en se présentant devant l’ÉTERNEL ». La relation est claire : s’approcher de Dieu de façon inappropriée -ou quand on est impur-conduit à la mort.
Tel est l’arrière-plan des lois sur la pureté. Elles avaient pour but d’apprendre à Israël à « distinguer ce qui est saint de ce qui est profane, ce qui est impur de ce qui est pur » (Lv 10:10).
Le statut d’une personne, qu’elle soit pure ou impure, déterminait où elle pouvait aller. Pénétrer dans un lieu saint alors qu’on est impur souillait le tabernacle et entraînait de graves conséquences (Lv 15:31). Connaître son statut et rester dans l’espace approprié n’était pas seulement une question de rituel, c’était vital pour la vie avec un Dieu saint.
« Toucher » est comme une frontière entre la vie et la mort
Le thème de l’interdiction de toucher s’ancre très profondément dans l’Écriture. En Genèse 3:3, Ève assimile l’interdiction divine de ne pas « manger » comme « toucher » le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal , montrant ainsi le danger qu’on court à franchir les frontières fixées par Dieu. Plus tard, en Exode 19, le peuple d’Israël est averti deux fois de ne pas « toucher » le mont Sinaï quand Dieu y descend (vv. 12–13). Dans les deux cas, toucher veut dire plus qu’un contact physique ; cela veut dire approcher de ce qui est saint sans la permission de Dieu, la conséquence en étant la mort et la séparation.
Lévitique 11-15 poursuit ce thème et utilise le mot naga (« toucher ») aussi bien comme verbe que comme nom (plus de 80 fois). Le fait de toucher n’est pas un acte anodin ; il symbolise la proximité et le transfert de l’impureté. Le problème est sérieux : toucher ce qui est saint alors que l’on est impur, c’est risquer la mort. Les lois sur la pureté n’étaient pas arbitraires ; elles servaient de garde-fous pour protéger la vie et maintenir la pureté du tabernacle.
« Tu ne toucheras pas » dans les lois sur la pureté de Lévitique 11–15
Lévitique 11-15 montre clairement que le « toucher » est l’un des principaux moyens de propagation de l’impureté et que l’impureté crée une distance entre Dieu et son peuple (Nombres 5:1-4). Le fait de toucher quelque chose d’impur, comme certains animaux (Lév. 11), rendait la personne impure jusqu’au soir, et elle devait se laver avant de retourner au culte dans le tabernacle. Après l’accouchement (Lév. 12), une femme ne pouvait toucher aucun objet sacré ni entrer dans le sanctuaire tant que sa période de purification n’était pas terminée. Les personnes atteintes de maladies de peau (Lév. 13-14), si elles étaient considérées comme gravement impures, devaient vivre seules, intouchables, en dehors du camp, exclues de la communauté et du culte (Lv 13:46).
Lévitique 15 se concentre sur les sécrétions corporelles et la façon dont elles répandent l’impureté. Quiconque a une perte de sécrétion corporelle ne peut toucher les autres ou être touché et quoi qu’il touche devient impur. Si une femme avait une perte de sang qui se prolongeait, elle devait se tenir loin du tabernacle jusqu’à ce que ce fut terminé. Alors elle devait attendre sept jours et, le huitième, elle devait offrir des sacrifices avant de retourner au tabernacle. Une séparation physique était nécessaire, non seulement pour protéger la communauté de la souillure mais aussi pour garder les adorateurs afin qu’ils ne s’approchent pas d’un Dieu saint dans un état d’impureté.
Quelle image Lévitique 11-15 nous présente-t-il ? Il montre un passage de l’inclusion à l’exclusion, de la vie à la mort. Cela montre que les individus étaient temporairement séparés à la fois socialement et religieusement. Les personnes atteintes de maladies chroniques, comme une femme souffrant d’hémorragies prolongées, restaient en marge, à l’extérieur du tabernacle et du camp. Vivre en marge devenait une réalité douloureuse, car ces personnes étaient exclues de la présence visible de Dieu. Ces frontières soulevaient une question difficile : qui peut combler le fossé entre l’impur et un Dieu saint ?
Le toucher de la sainteté qui restaure
Marc 5:25-34 nous fournit une puissante réponse christologique à la tension persistante du Lévitique. Une femme souffrant d’hémorragies chroniques depuis 12 ans tend la main pour toucher Jésus, un acte interdit par la loi du Lévitique. Son état la rendait perpétuellement impure (Lév. 15:25-27), l’excluant du sanctuaire, de la communauté et de sa famille.
Le récit met l’accent sur le mot « toucher » : il est mentionné quatre fois : par le narrateur, par la femme, par Jésus et par les disciples. Cette répétition est voulue et profondément théologique. Marc met en lumière un retournement : le toucher de cette femme n’a pas souillé Jésus. Au contraire, sa sainteté a vaincu l’impureté de cette femme. Son toucher de Jésus a eu pour résultat sa guérison, plutôt que la mort ou le jugement. Quand cette femme qui perdait son sang a atteint et touché Jésus par la foi, elle n’a pas eu le même sort qu’Ève ou Nadab et Abihu.
Elle est restaurée, pas seulement physiquement mais aussi sur les plans social et spirituel. Jésus l’appelle « fille » un mot qui rétablit son identité et signale son inclusion dans la nouvelle famille de foi qui s’est formée autour de Jésus. Tout près de là se tient Jaïrus, le chef de la synagogue, qui, après avoir assisté à sa guérison, a le pouvoir de l’accueillir à nouveau dans la vie d’adoration dont elle a été exclue pendant si longtemps.
La sainteté qui guérit
La grande distance décrite dans le Lévitique est comblée dans la personne et l’œuvre de Jésus-Christ. Les barrières installées par « Tu ne toucheras pas » n’ont jamais été le fruit du hasard : elles pointent vers l’avant, vers le seul qui puisse vraiment combler le fossé. Jésus est plus grand que les objets sacrés et que le tabernacle. Par Christ, les impurs peuvent s’approcher, toucher et être guéris par la foi. L’histoire de la femme qui saignait est la nôtre ; comme elle, nous avons besoin d’un moyen d’approcher un Dieu saint et d’être restaurés.
Comme la lettre aux Hébreux le déclare, par le sacrifice de Christ accompli une fois pour toutes nous avons maintenant l’assurance d’un libre accès au Lieu Très Saint (Héb. 10:19-22). Le voile a été déchiré et les barrières brisées -non par l’effet d’une quelconque prétention mais par le sang d’un plus grand Souverain Sacrificateur.

