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Ces dernières années, j’ai été mené à régulièrement prêcher sur des textes difficiles de la Bible. Ce qui est merveilleux avec ces textes, c’est qu’ils nous font redécouvrir des passages oubliés, dont nous tournons les pages dès que nous nous rendons compte du texte sur lequel nous sommes tombés.

Bien sûr les « textes difficiles », ne sont pas les mêmes pour tous, et pas pour les mêmes raisons. Par « difficile » je parle de textes qui sont peu connus, dont la portée pratique n’est pas évidente, dont nous ne savons pas quoi faire, ou dont le sens est vraiment difficile à comprendre.

Les quelques remarques ci-dessous ne remplacent pas les fondamentaux de toute bonne préparation à la prédication et de toute bonne interprétation d’un texte biblique. Portons attention au genre littéraire du texte, à son placement dans le récit, ainsi qu’à sa place dans l’histoire de la rédemption. Les cinq points suivants sont plutôt des complémentslorsque les textes sont plus compliqués que d’habitude.

1) Notons les échos entre textes bibliques

Parfois, ces échos sont distants et nous devons faire très attention. C’est cependant la seule manière de bien entendre le texte par crainte d’être conduit à des explications trop simplistes. Prenons comme exemple la parabole de Marc 4.1-12 et son fameux : « Mais pour ceux du dehors, tout se passe en paraboles, afin que tout en regardant bien, ils ne voient pas et qu’en entendant bien, ils ne comprennent pas, de peur qu’ils ne se convertissent et qu’il ne leur soit pardonné. » Dieu souhaite-t-il donc que ceux qui entendent ne se convertissent pas ?

Relisons, écoutons, et entendons les échos des textes de la Bible. « Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende » … Pourquoi ? Parce que dans d’autres textes de l’Ancien Testament, ceux qui mettent leur foi en des idoles deviennent comme elles, et les idoles ont des oreilles et n’entendent pas (Ps 115.6, 135.17). Le contraste que l’Évangéliste souligne est bien entre les idoles et la parole libératrice de Jésus.

2) Notons attentivement le placement du texte

Certains textes sont bien étranges, comme celui de la mort d’Hérode Agrippa en Actes 12.20-24 : « Le peuple s’écria : ‘Voix d’un dieu, et non d’un homme !’ À l’instant, un ange du Seigneur le frappa, parce qu’il n’avait pas donné gloire à Dieu. Et, rongé par des vers, il expira. » Qu’en faire ? Faut-il en rester au seul constat que Dieu juge celui qui s’accapare la gloire qui lui revient à lui seul ?

La mort d’Hérode Agrippa vient clore la place importante de Pierre dans le livre des Actes et sa triple mise en accusation (Actes 4.7, 5.17, 12.3). Une triple accusation ? C’est là que nous devons voir que ce texte est placé après ces comparutions de Pierre qui a été accusé trois fois, comme son Seigneur (Luc 22.54, 22.66, 23.1) Trois fois, Pierre est trouvé fidèle, comme son Seigneur fut trouvé fidèle. La conclusion des accusations est aussi similaire. Le mal est vaincu, vaincu deux fois : dans la mort de la mort (la résurrection de Jésus) et la mort d’Hérode Agrippa.

En Genèse 36, qui nous présente les généalogies de la famille d’Esaü, le chapitre vient clore le cycle de Jacob avant que ne commence celui de Joseph. Le chapitre sert donc de transition, c’est un point pivot. Autour de lui s’articule deux grandes parties du livre de la Genèse, et cela veut dire quelque chose !

3) Notons les répétitions au sein du texte

D’ailleurs, puisqu’il est question de Genèse 36, un texte difficile parce qu’a priori nous ne voyons pas en quoi une généalogie autre que celle de Jésus pourrait nous « dire quelque chose », notons autre chose. Je ne vais pas vous lancer le défi de faire l’exercice maintenant, mais à l’occasion … relisez le chapitre : est-ce que vous entendez quelque chose ? « Esaü, c’est Edom. » Encore, et encore. Des listes de noms divisées par ce refrain. Oui, Esaü, c’est Edom, parce que le frère de Jacob s’est créé un royaume par ses propres forces.

Par contraste, le cycle de Joseph est celui de l’accomplissement de la promesse de Dieu. D’Abraham, Isaac, et de Jacob, naîtra un peuple aussi nombreux que le sable de la mer et que les étoiles du ciel. De la répétition qui rythme Genèse 36 émerge le contraste entre deux figures : Esaü et Joseph – Joseph, un type du Christ. De telles répétitions peuvent structurer la prédication et même nous aider à rendre la lecture christologique plus naturelle et l’application pratique beaucoup plus évidente.

4) Notons les petits détails

Parfois, une petite expression est porteuse d’un sens plus profond qu’il n’apparaît à première vue. Il s’agit peut-être d’un détail insignifiant. Peut-être qu’il s’agit d’une expression ou d’un détail trop évident. Dans les deux cas, il cache un sens plus important. Par exemple, en Jean 1.14, l’évangéliste utilise l’expression « pleine de grâce et de vérité » pour parler de l’incarnation de la « Parole ». À première vue, il pourrait ne s’agir que d’une affirmation de deux qualités de la Parole : elle est grâce et vérité.

S’arrêter ici serait rater le « détail », si je peux dire ainsi, que cette petite expression fait écho à une expression de l’Ancien Testament. En Exode 34.6, le nom de Dieu est donné comme étant le « Dieu compatissant et qui fait grâce, lent à la colère, riche en bienveillance et en fidélité ». Jean condense le nom de « l’Éternel » et l’applique à la Parole : Jésus est l’Éternel.

5) Sola scriptura, pas solo scriptura

Dans certains cas, le plus important est de se rappeler une différence importante entre l’Écriture seule comme fondement de notre foi, et seulement l’Écriture – à l’exclusion de tout le reste. Dans le premier cas, le principe fondamental restera que l’Écriture s’interprètera elle-même. C’est le fondement de notre juste et fidèle prédication. Pour nous aider à bien l’interpréter, nous pourrons utiliser toute la sagesse chrétienne. Parfois, on parle de la « tradition chrétienne », expression qui fait parfois reculer à cause de la connotation catholique. Dans le deuxième cas, nous n’utiliserons que les outils exégétiques, mais nous ne sortirons pas du champ de l’étude proprement biblique.

Dieu a donné de la sagesse à nos pères dans la foi. Ne serait-ce pas orgueilleux de notre part de penser que nous pouvons penser dans l’isolement ?

En venant par exemple à la manière de lire le Cantique des cantiques, nous priver de la lecture qu’ont eue de ce texte des siècles et des siècles d’histoire de l’Église serait tragique. Dieu a donné de la sagesse à nos pères dans la foi. Ne serait-ce pas orgueilleux de notre part de penser que nous pouvons penser dans l’isolement ? Peut-être que l’attention au texte même, et le regard à la sagesse chrétienne, peut nous aider à discerner le genre du Cantique des cantique !

Une première étape

Ces cinq points ne couvrent certainement pas toutes les manières d’aborder la préparation des textes difficiles de l’Écriture en vue de la prédication. Il ne s’agit que de quelques conseils, et il n’est question que d’une première étape. Il faut bien sûr passer de la compréhension du texte à sa proclamation … nous en parlons dans la suite !

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