Dans un chapitre précédent, Ésaïe a écrit : « Vous qui faites appel au souvenir de l’Éternel, pas de répit pour vous ! Et ne lui laissez aucun répit, jusqu’à ce qu’il rétablisse Jérusalem et en fasse (un sujet de) louange sur la terre » (Ésaïe 62.6-7). Ésaïe suit maintenant son propre conseil. Ésaïe 64 (plus exactement 63.7-64.11) rapporte l’une des plus grandes prières d’intercession de l’Écriture.
La première partie de la prière (63.7-19) commence par la déclaration de la bonté de Dieu, manifestée en particulier dans la délivrance d’Israël au temps de Moïse. Ésaïe ne minimise pas le problème : le peuple s’est tellement révolté contre Dieu que celui-ci est devenu son ennemi (63.10). Mais vers qui d’autre Ésaïe pouvait-il bien se tourner ? Il en appelle au « frémissement » des entrailles et aux « compassions » de Dieu (63.15), à la fidélité dont il a fait preuve à l’égard de l’alliance, en tant que Père et Rédempteur de son peuple (même si Abraham et Jacob ont été tentés de se désolidariser du peuple, 63.16).
À la fin du chapitre 63, le prophète fait monter vers Dieu l’une des supplications les plus intenses de toute l’Écriture sainte : « Ah ! si tu déchirais les cieux et si tu descendais, les montagnes s’ébranleraient devant toi » (Ésaïe 63.19b). C’est notre seul espoir, car nous ne pouvons pas nous sauver nous-mêmes. Nos résolutions, nos artifices et notre religion en sont incapables. Il faut que Dieu lui-même déchire les cieux et descende. Ésaïe ne conteste évidemment pas l’immanence de Dieu. Il déclare que Dieu doit intervenir activement en notre faveur et démontrer une fois de plus sa puissance pour nous sauver de notre perte.
L’intercession d’Ésaïe présente trois autres éléments sur lesquels il ne faut pas passer trop rapidement. 1° Ésaïe, mieux que quiconque, sait que le Dieu qu’il implore est aussi le juge que nous avons offensé. « Tu allais à la rencontre de celui qui pratiquait la justice avec joie, de ceux qui rappelaient tes voies, par qui de tout temps, nous étions sauvés : mais tu t’es indigné parce que nous avons péché » (v. 4). C’est le nœud du dilemme – et de l’espoir. 2° Non seulement Ésaïe comprend que le péché nous sépare de Dieu, mais encore il s’identifie complètement avec son peuple pécheur : « Nous sommes tous devenus comme (un objet) impur, et tous nos actes de justice sont comme un vêtement pollué » (v. 5). Les plus grands intercesseurs reconnaissent toujours qu’ils ont beaucoup plus de choses en commun avec la foule des pécheurs que de choses qui les en différencient ; et ils n’hésitent pas à supplier Dieu en faveur de ceux qui ne l’invoquent pas eux-mêmes. 3° Ésaïe saisit parfaitement bien que si Dieu nous sauve, il le fait uniquement par grâce, par compassion, par pitié et non parce que nous aurions des droits à faire valoir. Voilà ce qui explique le ton émouvant des versets 7 à 11.
Quand avons-nous, pour la dernière fois, prié avec une telle vision et une telle ferveur ?