Quelques questions à Thomas Traoré suite à la sortie de son livre « Le rôle du Saint-Esprit dans la vie et l’œuvre du Fils incarné chez Abraham Kuyper » :
- Qui était Abraham Kuyper, comment l’avez-vous découvert ?
- Venons-en à votre livre. Christ est-il né avec une nature humaine pécheresse ?
- Quel rôle a joué l’esprit dans la conception de Jésus ?
- Les miracles de Jésus sont-ils l’œuvre de sa nature divine ou de sa nature humaine animée par l’Esprit ?
- Est-ce que vous partagez le point de vue de Kuyper, ou faut-il le nuancer selon vous ?
Transcription
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Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour Matt, bonjour à tous et à toutes.
Je réponds au nom de Thomas Traoré, je suis de nationalité Burkina Faso, je suis pasteur et enseignant, directeur de l’Institut Marnat, situé à Bogot, du Lasso, au Burkina Faso.
J’interviens en tant que professeur visiteur à l’Université de l’Alliance Chrétienne à Bijan, particulièrement dans le domaine de la théologie systématique.
Alors, une autre chose importante à dire, je suis un ancien étudiant de Vaux, Vaux-sur-Seine, que j’ai beaucoup apprécié.
Je garde de très bons souvenirs de Vaux et de la France en général.
Je suis passé à Vaux de 2012 jusqu’en 2019, où j’ai présenté ou préparé plutôt ma mémoire de master de recherche et puis une thèse de doctorat en systématique.
Voilà en gros ce que je peux dire, je suis marié et nous avons quatre belles demoiselles.
Les deux premiers sont déjà mariés, il reste deux seulement à la maison.
Qui était Abraham Kuyper ?
Il est né en 1837 à Mashlayus, j’ai eu l’occasion de visiter son village qui est devenu une ville maintenant.
Il est décédé à La Haye en 1920.
J’ai aussi visité La Haye.
Je suis allé au cimetière où il a été enterré.
Professeur de théologie systématique, fondateur de la VU, donc la vraie Université d’Amsterdam, où il a enseigné la théologie, la dogmatique.
Je dirais que c’est difficile de donner un profil assez précis, exact à ce monsieur, qui répondait à pas mal de profils, il correspondait à pas mal de profils.
On a souvent dit qu’il est théologien, homme d’église, journaliste et homme politique.
J’ai même vu quelque part qu’il a été aussi un photographe, il a aimé beaucoup la photographie.
Là, c’est quelqu’un qui était investi dans pas mal de domaines.
Je dirais encore qu’il fut un collaborateur direct de Bavink.
Herman Bavink est aussi un grand théologien réformé, et donc un grand nom qui est attaché encore à la théologie réformée aujourd’hui.
Donc voici ce que je peux dire de lui.
Je suis passé par un long chemin pour rencontrer Abraham Kuyper, pour être en contact avec ses pensées.
Je dois vous le dire, quand je suis allé en France, mon projet initial était de doctorat porteur chez Calvin.
J’ai beaucoup aimé Calvin, et j’avais l’idée de travailler sur le rapport entre l’esprit et la parole chez Jean Calvin.
Après une année de recherche et de rédaction sur ce travail, sur ce sujet, mon directeur de thé qui était déjà boulocher m’a dit, « bon, monsieur Traoré, si c’est vraiment une thé de doctorat sur ce sujet, c’est un sujet vraiment sans issue.
» Parce qu’en fait, Jean Calvin, sa pensée est trop travaillée.
Alors, donc, après une année, il m’a dit, « tiens, écoute, je te remets sur une autre piste, celle d’Abraham Kuyper.
» Et donc, un après-midi, il m’a dit, « prends ton temps, tu vas lire les œuvres d’Abraham Kuyper.
» Je ne le connaissais pas.
J’avoue que je n’avais jamais lu ce monsieur, son nom ne m’était même pas du tout connu.
Il m’a donné une sorte de bibliographie sommaire que je devais parcourir, en me disant particulièrement de lire son œuvre sur le Saint-Esprit, qui est écrite en anglais, enfin en hollandais et traduit en anglais.
Donc, j’ai pris un mois, j’ai lu l’œuvre et, tiens, du coup, j’ai vu que cet ouvrage-là s’intéressait beaucoup à l’esprit, parce que mon centre d’intérêt théologique était aussi la pneumatologie.
Donc, j’ai vu que le livre parlait beaucoup du Saint-Esprit, donc du coup, je dis, tiens, ça peut m’intéresser.
Et c’est au fur et à mesure que j’ai lu, j’ai formulé un thème pour le professeur Blocher, et qui a trouvé que c’était assez intéressant et nouveau.
Et il m’a dit qu’à son avis, ces sujets tels qu’on veut l’aborder n’ont pas encore fait l’objet de recherche.
Et il peut apporter un plus à la recherche scientifique en théologie.
Et donc, c’est dans ce sens-là que je suis parti, au fur et à mesure que j’ai découvert la pensée de l’homme, j’ai découvert un peu plus la profondeur de ses idées.
Et voilà, aujourd’hui, je l’apprécie beaucoup.
Donc, tout ce qui est au cœur, j’achète, j’essaie de lire, et puis voilà, j’ai été bien enrichi par ces écrits.
Venons-en à votre livre. Christ est-il né avec une nature humaine pécheresse ?
C’est une grande question à laquelle j’ai tenté de répondre.
Je ne sais pas si je suis parvenu à une réponse assez conclusive sur ce sujet.
Il faut déjà le dire, comme vous l’avez dit à Marc, que ce débat est très vieux.
Il est vieux parce qu’il remonte à un certain Erwin Edwards, un écossais, un perso-hétologien écossais, qui avait affirmé en son temps que Jésus avait la même nature que nous, pécheresse, au sens où sa nature était déchue.
On pensait que le débat était clos, mais après, Barthes, encore Carbathes, a relancé ce débat un peu plus récemment, et jusqu’à aujourd’hui, apparemment, le débat n’est pas clos.
Alors, est-il né avec une nature humaine déchue ?
Je pourrais répondre simplement en disant non.
En disant non, en ce qui concerne les Christ, non, parce que la nature humaine déchue, si le Christ est né avec, c’est surtout, il faut faire attention avec les mots, si la nature humaine, ça veut dire qu’il est né avec.
Et la Bible ne semble pas nous permettre de dire cela, parce que dans l’évangile de Jean au chapitre 1, le verset 35, il est dit clairement qu’il est saint dès, le sein de Marie.
Alors, on ne peut pas dire qu’il est né avec la nature humaine déchue ou que ce soit la nature humaine pécheresse, parce qu’il faut savoir que ceux qui tiennent ce langage, ils parlent tantôt de nature humaine déchue, ou de nature humaine pécheresse, ou de nature humaine à près, à-dent.
Alors, il faudra étudier les expressions pour comprendre ce que les gens y mettent en termes de contenu.
Mais ce que je peux dire simplement, c’est que le Christ n’est pas né avec une nature humaine déchue.
Il est né de parents qui ont une nature humaine déchue, mais lui, il n’est pas né avec cette nature, cette nature n’était pas la sienne quand il venait au monde.
Quel rôle a joué l’esprit dans la conception de Jésus ?
Justement, dans la prolongation de la première question, si le Christ n’est pas né avec une nature humaine déchue ou pécheresse, étant donc de parents pécheurs, bien sûr, il faut trouver la solution.
Il faut trouver comment, théologiquement, il est immaculée conception.
En fait, c’est lui vraiment l’immaculée conception pour nous, je l’ai dit dans ma thèse, et ce n’est pas moi ceux qui l’ai dit, beaucoup d’auteurs le disent, quand même, le dit aussi.
Alors, donc, cela va directement dans le sens de l’œuvre du Saint-Esprit, à sa conception.
Donc, si on veut savoir quel est le rôle particulier que l’esprit a joué à sa conception, on peut citer, on peut dire deux choses, on peut affirmer deux choses.
D’abord, le Saint-Esprit a créé une nouvelle nature humaine dans le sein de Marie, et en créant cette nouvelle nature humaine dans le sein de Marie, il a sanctifié.
Donc, c’est une nouvelle nature créée dans le sein de Marie et sanctifiée par le Saint-Esprit qui est porté maintenant par le Fils éternel de Dieu, pour permettre maintenant à Jésus d’être à la fois pleinement homme et pleinement Dieu.
Donc, 100% homme, 100% Dieu.
Donc, c’est vraiment le rôle particulier que le Saint-Esprit a pu faire, c’est-à-dire créer une nature humaine, une nouvelle nature humaine pour l’Écrisse dans le sein de Marie.
Cette nature-là, le Fils éternel de Dieu l’a portée, l’a assumée telle qu’elle est, a rénouvelé, créé pour être maintenant un homme, saint, 100%, et puis aussi un Dieu 100%.
Donc, c’est le rôle particulier.
Après, bien sûr, il y aura autre chose que le Saint-Esprit fera dans son ministère, mais pour la conception, c’est vraiment une œuvre particulière du Saint-Esprit.
On pourrait dire que c’est une œuvre appropriée au Saint-Esprit, quand on parle des appropriations trinitaires.
Les miracles de Jésus sont-ils l’œuvre de sa nature divine ou de sa nature humaine animée par l’Esprit ?
Oui, pour Kuyper, nous parlons de Kuyper, là je ne donne pas mes avis, je donne ce que j’ai lu, compris de l’auteur.
Oui, Kuyper aimait l’Écrit, il a aimé l’Écrit un peu partout, que tout ce que l’Écrisse a fait, il l’a fait en tant qu’homme rempli du Saint-Esprit.
Il n’a pas eu besoin de révéler sa divinité.
Donc, d’une certaine manière, il n’a rien fait en tant que Dieu, donc il n’a rien fait directement de sa nature divine en tant que fils éternel, mais il a tout fait en tant qu’homme rempli du Saint-Esprit.
Alors, on pourrait dire que tous les miracles de Jésus, Kuyper les met sur le contour de l’œuvre du Saint-Esprit à travers la nature humaine de Jésus, à travers l’homme Jésus, simplement.
En fait, pour Kuyper, il n’y a pas besoin que la divinité soit revêtue de l’Esprit.
Donc, c’est là que justifie un peu Kuyper le fait que Christ ait reçu l’Esprit sans mesure.
C’est l’humanité qui a besoin de recevoir le Saint-Esprit pour faire l’œuvre de Dieu, ce n’est pas la divinité.
Et donc, Kuyper va dans ce sens en disant, non, tout ce que l’Écrisse a fait, il l’a fait en tant qu’homme, comme vous et moi, comme bien d’autres personnes, mais rempli du Saint-Esprit.
Et donc, c’est sa thèse fondamentale à ce niveau, et elle est discutable, bien sûr, voilà, mais en tout cas, c’est ce que Kuyper a enseigné, je disais que ça donne des ailes au pentecôtismes, au mouvement charismatique, et à bien d’autres discours allant dans le sens du rôle du Saint-Esprit dans la vie de l’homme aujourd’hui.
Est-ce que vous partagez le point de vue de Kuyper, ou faut-il le nuancer selon vous ?
Pour la plupart des actions de Christ, oui.
Pour les actes ordinaires, oui, ce n’est pas le Saint-Esprit qui l’a fait.
Mais nous ne pouvons pas, à mon avis, mettre tous les miracles à 100% sur le dos du Saint-Esprit dont Jésus a été révertu.
Je pensais quelque part à la divinité aussi se déployer directement dans le ministère de Jésus, et ce qui doit nous pousser à la nuance, ce qui doit nous pousser à être nuancé.
Encore qu’il faut ajouter que l’Esprit, c’est aussi Dieu.
Alors si nous mettons trop l’accent sur l’Esprit en disant qu’il a fait en tant qu’homme et pas en tant que Dieu, nous jouons dangereusement sur la nature aussi divine de l’Esprit.
L’Esprit étant Dieu, il a aussi fait les oeuvres de miracles aussi, de pass à nature divine.
C’est tout que l’Esprit étant Dieu, l’Esprit ne se sépare pas du Fils éternel.
Donc du coup, dans un sens, on peut aller plus loin, ça c’est approfondir la réflexion pour dire, oui, il a agi humainement parlant par le Saint-Esprit, mais nous ne devons pas oublier en tant que théologien que l’Esprit ne se sépare pas du Fils éternel, le Fils éternel ne se sépare pas du Père.
Donc on a cette relation intime dans les oeuvres extérieures des personnes de la Trinité et quand cette Trinité se déploie dans le monde, aucune des personnes n’agit seul indépendamment des autres.
Donc d’une certaine manière, oui, il a aussi agi quand même en tant que Dieu.
Mais fondamentalement, humainement parlant, il a tout fait par l’Esprit.
Comment pouvons-nous prier pour vous ?
Deux points d’intérêt, deux centres d’intérêt pour la prière pour moi.
D’abord, je suis dans un institut qui a amorcé un plan de réforme depuis quelques années.
Il y a beaucoup de réformes sur le plan académique, sur le plan administratif qui sont en cours.
Et pour les voir aboutir de la bonne manière, il faut absolument que vous puissiez prier pour nous, prier pour l’institut Maharnata dans cet élan des réformes.
Parce que notre église est entrée dans ses 100 ans cette année, et l’année qui vient, nous allons amorcer un nouveau centenaire et il faut que les institutions de formation biblique et théologique aussi présentent un nouveau visage pour répondre aux défis des nouveaux centenaires qui s’ouvrent à nous.
Donc, prier pour ces réformes qui entrent dans le cadre de notre centenaire, mais aussi prier pour moi particulièrement en tant que premier responsable pour un bon leadership dans ce sens-là.
Le deuxième ou le dernier point, c’est vraiment de prier pour les Burkinas.
Vous l’aviez dit au début que c’est un peu chaud, oui, c’est toujours chaud de part et d’autre, mais prier ou prions ensemble pour que la paix et la sécurité reviennent dans ces pays.
Parce qu’un contexte d’insécurité limite nos actions, limite nos ressources, limite nos mouvements, limite même la vocation dans un sens.
Donc, c’est très bien de prier pour nous dans ce sens, prier pour toute la nation, pour tous les pays.
Pourquoi pas pour toute la région?
Parce que c’est une crise sur régionale.
Voilà, donc, le seigneur exauce ces prières.
Je pense que ça donnera encore plus de la place à l’Église de travailler pour la vouloir de Dieu.
Donc voilà un peu comment il faudra orienter les prières pour l’institut Marantha, pour ses réformes encore, et puis ensuite pour les Burkinas pour la paix et la sécurité.
Thomas Traoré est docteur en théologie, il est professeur de théologie systématique à l’Institut Maranatha au Burkina Faso, et professeur visiteur à l’Université de l’Alliance Chrétienne d’Abidjan (UACA) et dans d’autres facultés de théologie au Burkina Faso. Il est l’auteur de « Le rôle du Saint-Esprit dans la vie et l’œuvre du Fils incarné«