Quelques questions à Stéphane Rhéaume à propos de son livre « Chroniques d’un pasteur en temps de pandémie »
- Comment en es-tu venu à écrire ces chroniques ?
- Quel thèmes as-tu pu aborder dans tes chroniques et tes messages ?
- Quelles leçons tires-tu de la pandémie ?
Transcription
Transcription automatique, merci de se référer à l’original avant toute citation
Oui, bien bonjour.
Merci de l’invitation à participer à cette entrevue.
Je m’appelle Stéphane Rayaume.
Je réside au Québec.
Je suis Québécois et je suis le pasteur de l’Église chrétienne évangélique de Saint-Eustache sur la rive nord de Montréal.
Je suis le pasteur de cette église depuis 25 ans déjà.
Une église qui fait partie de l’association des églises des Frères Méninites du Québec.
Et côté familial, je suis marié à Annie Labelle, qui est une enseignante de mathématiques au secondaire.
Nous sommes mariés depuis 24 ans et nous sommes les heureux parents d’une jeune fille qui s’appelle Emma.
Et nous habitons dans la belle région d’Oka, au Québec, une belle région touristique.
Au tout début, lorsque la pandémie est apparue, c’était l’inconnu.
On ne savait pas ce qui allait se passer.
On ne savait pas quelle proportion la pandémie était pour prendre, pendant combien de temps le confinement généralisé était pour durer.
Alors, la charge émotionnelle des deux premiers mois m’a paru particulièrement très intense.
Il y avait beaucoup de peur, beaucoup de crainte, beaucoup de questionnements.
Tout ça était à un niveau très élevé.
Et pendant ce temps-là, pendant ces deux premiers mois, mon rôle, en fait le rôle que je me suis donné comme pasteur, non seulement c’était de garder le contact avec les membres et ennemis de ma communauté, mais aussi c’était de les apaiser, de les rassurer, de les rassembler aussi.
Mais je cherchais aussi à rassembler parce que ce que j’ai cru voir avec le temps, avec la pandémie qui persistait, avec les mesures sanitaires qui perduraient, j’ai pu percevoir une certaine brisure sociale.
Je trouve que l’unité commençait à se fragiliser, la solidarité a commencé à s’effriter.
On commençait à réagir de différentes façons à la pandémie, aux différentes mesures sanitaires.
Il y a eu beaucoup de controverses.
Plus on avançait dans le temps, plus je percevais une polarisation sociale qui s’installait.
Chacun avait sa façon de penser face à la pandémie, sa façon de réagir, sa façon d’interpréter la réalité, sa façon de se positionner à l’égard du gouvernement.
Alors il y avait vraiment beaucoup de controverses et puis beaucoup de polarisation sociale.
Alors dans ce contexte-là, moi en tant que pasteur, j’essayais d’apaiser, de rassurer, de rassembler.
Je dirais même aussi d’orienter les cœurs, surtout ça, je pense que c’est le plus important.
J’essayais d’orienter le cœur des gens vers le Christ, vers sa parole, vers son royaume.
Parce que je pense que ce qui nous unit comme croyants, comme chrétiens, c’est notre foi dans le Christ, c’est notre foi dans son royaume.
Et ça, je pense que ça transcende tout le reste.
Ce qui nous unit, ce n’est pas notre positionnement à l’égard des mesures sanitaires, mais c’est vraiment notre allégeance à Christ et à son royaume.
Alors, à travers ces chroniques-là, j’ai voulu aider les gens à lever leurs yeux vers le Seigneur et puis à garder confiance en lui, dans son amour, dans sa providence et de maintenir l’unité de l’Église, l’unité des chrétiens dans la foi.
Alors, je pense que ce sont des mots qui ont été importants pour moi.
Apaiser, rassembler, orienter les cœurs vers le Christ.
Je pense que les deux premiers mois ont été très importants.
Et puis, par la suite, au sein de cet effritement, de cette solidarité sociale, j’ai voulu soutenir la foi des gens de l’Église, dans le Seigneur à travers tout cela.
Parmi les thèmes que j’ai abordés, il y en a plusieurs.
C’est sûr que toute la question de l’eschatologie, une des questions qui revenait souvent, c’était est-ce que c’est le début de la fin du monde?
Est-ce que c’est le début de la fin des temps?
Est-ce que l’apparition de cette pandémie enclenche un processus qui va conduire à la fin de notre civilisation, à l’apparition du royaume de Dieu?
Alors, j’ai écrit une chronique pour justement aider les gens à cadrer un peu cette question-là et puis voir comment est-ce qu’on pouvait aborder ce thème-là.
Il y a aussi toute la question à savoir si la pandémie est un jugement de Dieu.
Plusieurs chrétiens se posaient cette question-là.
Est-ce que c’est un jugement?
Est-ce que c’est ainsi qu’on doit percevoir les choses, les catastrophes naturelles, les famines, les pandémies?
Alors, j’ai tenté de répondre aussi à cette question-là, de donner quelques clés de lecture pour justement cadrer un peu la question, trouver une façon d’aborder cette question-là.
On a abordé aussi toute la question de comment est-ce qu’on se positionne face à la pandémie?
Quelles sont les postures qu’on peut aborder?
C’est sûr que la Bible ne nous dit pas comment répondre à une pandémie.
Il n’y a pas de texte comme tel qui adresse cette question-là, mais je pense que les Écritures nous donnent quand même des pistes de réflexion.
Elles nous orientent dans certaines directions qui nous permettent de trouver une manière d’être et d’agir au sein de la pandémie.
J’ai beaucoup abordé la question aussi de la foi, de la confiance, de notre confiance dans la providence de Dieu, le thème de la souveraineté divine aussi sur les éléments de la nature, de la création, la place de l’homme aussi.
On sait que la pandémie nous a confrontés à notre petitesse.
On a pris conscience qu’on ne contrôlait pas grand-chose finalement.
Alors, ça m’a permis d’aborder cette question, à savoir, où placer notre confiance, où se trouve la solution aux problèmes profonds de l’humanité.
Alors, ce sont différentes questions que j’ai abordées dans les chroniques.
Eh bien, je pense qu’il y aurait différentes façons de répondre à cette question-là.
Il y aurait beaucoup à dire, mais je trouve, avec le recul, que cette pandémie, en fait, nous a permis de nous rappeler certaines vérités bibliques que nous avons parfois et souvent tendance à oublier.
Plusieurs choses, mais bien à l’esprit.
Bien sûr, la pandémie nous a rappelé que nous ne sommes pas Dieu, que nous ne maîtrisons pas grand-chose finalement.
Bien sûr, on a fait beaucoup de progrès avec la science, avec la technologie, avec la recherche.
Ce sont des choses que nous pouvons célébrer, la science, la recherche, ce sont des dons de Dieu.
Je pense qu’on peut les aborder de cette façon-là, mais en même temps, on se rend compte qu’on est facilement déstabilisé par ce qui arrive.
On ne maîtrise pas tout ce qui se passe autour de nous.
Je sais que les Écritures nous mettent souvent en garde contre la tentation de placer notre confiance en nous-mêmes, dans l’humain, en dehors de Dieu ou sans référence à Dieu.
Alors, je pense que la pandémie nous permet de retrouver notre place comme humains, à savoir que nous sommes la création de Dieu.
La pandémie nous rappelle aussi la finitude de l’être humain, à savoir que notre vie finalement ne tient qu’à un fil.
La vie humaine, elle est bien fragile.
C’est important de ne pas tenir le souffle de vie pour acquis, mais de valoriser la vie, de la chérir, de la savourer.
La Bible nous dit que l’homme n’est que chair.
Alors, ce n’est pas une expression qui a pour but de diminuer la place de l’être humain dans la création, mais ça nous rappelle que nous ne sommes pas tout puissants, que nous ne sommes pas éternels, mais que nous dépendons de Dieu.
La pandémie aussi nous rappelle que nous vivons au sein d’un équilibre très fragile.
Nous sommes tous interdépendants les uns des autres.
Ce que nous faisons ici affecte les autres, même à des milliers de kilomètres de nous.
On vit vraiment au sein d’un équilibre fragile qui peut se défaire en peu de temps.
On dit souvent que notre planète, c’est un énorme écosystème, à la fois sur le plan social, sur le plan économique, sur le plan écologique, même sur le plan sanitaire aussi.
D’où l’importance de développer une conscience sociale, une conscience écologique, parce que ce que nous faisons, nos gestes au quotidien, affectent les autres, même si ces gens-là sont au loin, étant donné que nous vivons dans un énorme écosystème.
La pandémie nous montre aussi toute l’importance des relations.
Nous sommes des êtres de relations, nous avons besoin de contact avec les autres.
C’est sain pour une bonne santé mentale.
Par le fait même, ça nous montre toute l’importance de la communauté, la communauté chrétienne, l’importance de vivre sa foi en communauté, en église.
Même si nos célébrations ont dû être suspendues, on a trouvé différentes façons de garder le contact les uns avec les autres.
On est des êtres de relations et nous avons besoin de chérir les relations que nous avons.
Lorsque nous vivons des temps difficiles dans nos vies et que nous avons une personne autour de nous à qui nous pouvons parler, à qui nous pouvons nous confier, on ne s’en rend pas toujours compte, mais c’est une réelle bénédiction parce qu’il y a vraiment beaucoup de personnes durant la pandémie qui ont souffert de solitude.
Je sais que parfois on apprécie les temps de solitude, mais il y a une différence entre la solitude choisie et la solitude subie.
Lorsqu’on choisit des temps de solitude, ça nous apporte un bienfait, mais lorsqu’on subit de la solitude, lorsqu’on voudrait être en relation avec les autres, mais qu’on n’a pas de réseau, c’est quelque chose de beaucoup plus souffrant à ce moment-là.
Je dirais aussi que la pandémie nous montre l’importance d’adopter ce que j’appellerais certaines postures mentales et sociales.
Par posture ici, j’entends une disposition d’esprit, un état d’esprit, une façon d’être et d’agir.
Comme je l’ai déjà mentionné, la BIM ne nous dit pas comment, explicitement du moins, comment aborder la pandémie, comment se positionner, mais elle nous oriente quand même dans certaines directions, elle nous incite à adopter certaines postures.
Lorsqu’on parle de posture, par exemple, posture d’humilité, on ne peut pas comprendre nécessairement tout ce qui se passe autour de nous, on ne peut pas tout expliquer.
Même si nous avons les écritures avec nous, les écritures demandent à être interprétées et les écritures n’abordent pas nécessairement tous les enjeux auxquels on doit faire face aujourd’hui.
Alors, je pense que c’est important de s’avouer qu’on ne peut pas nécessairement tout expliquer.
On peut apporter des éclairages, on peut apporter des clés de lecture, mais je pense qu’une posture d’humilité m’apparaît importante de développer.
Une posture de solidarité aussi.
La solidarité, c’est la posture du « nous ».
C’est être capable de dire « nous autres » au lieu de dire « vous autres ».
Oui, on est l’Église du Christ, notre allégeance est à Christ et à son royaume, mais en même temps, on fait partie du monde présent, on fait partie d’une société et c’est important d’être solidaire de l’humanité dans ses combats, dans ses luttes.
C’est important de ne pas se dissocier de l’humanité.
Et ça, cette posture de solidarité-là, elle n’est pas toujours facile à manifester.
Une posture de coopération aussi.
Coopération à l’égard de ce qui nous est demandé, coopération à l’égard du gouvernement.
Et quand je parle de coopération, souvent je vais parler de coopération critique, c’est-à-dire que ça ne veut pas dire qu’on est obligé d’être d’accord avec tout ce que le gouvernement peut nous demander.
On peut avoir un esprit critique, je pense que c’est important de garder une posture de réflexion critique également.
Mais il y a quand même une différence entre coopérer et approuver.
On peut coopérer même si on n’approuve pas tout nécessairement.
Une posture de compassion aussi.
Je pense que les Écritures nous incitent à compatir à la souffrance des autres autour de nous, à compatir à la souffrance de l’humanité.
Le mot compassion veut dire souffrir avec.
On fait partie de la société et on souffre avec la société face aux défis auxquels elle doit faire face, aux problématiques qu’elle rencontre.
On est là pour refléter l’amour de Dieu, pour être le visage de la compassion divine auprès d’une humanité qui est en souffrance.
Et finalement aussi une posture de confiance, une posture d’espérance.
Je trouve que la pandémie nous amène à revisiter, à redécouvrir le sens du mot foi.
La foi, c’est la confiance finalement.
Ce n’est pas juste croire certaines choses à l’égard de Dieu, à l’égard de Christ.
Ce n’est pas juste croire certaines vérités bibliques, mais c’est vraiment de placer notre confiance en Dieu, dans sa personne, dans ses promesses, dans sa parole.
C’est miser notre vie sur lui, fonder notre existence sur lui, orienter notre vie en fonction de son royaume.
Alors je pense que cette posture-là de confiance, lorsqu’on est confronté à des périodes difficiles dans notre vie, ça nous amène à vraiment nous placer devant Dieu dans un esprit de dépendance, enverroué.
Alors ce sont juste quelques postures que je mentionne parce que ce sont des postures qui sous-tendent les chroniques que j’ai envoyées.
Ce sont des postures qui forment l’arrière-plan des différentes chroniques que j’ai fait parvenir aux membres de l’Église.
Merci pour la question.
Merci de bien vouloir prier pour moi.
Dans un premier temps, je pense que ce serait bien de prier pour la réception de ce livre, Chroniques d’un pasteur en temps de pandémie.
Ce livre-là, mon souhait, c’est que les gens qui le lisent puissent trouver la pertinence parce que ce sont des chroniques qui sont situées dans le temps.
D’ailleurs, ces chroniques sont datées.
Lorsque je les écrite, il y a une date qui apparaît à la fin de chacune des chroniques.
Donc ça répond à des problématiques qui ont fait leur apparition.
Mais j’espère que ceux qui vont les lire, qu’ils puissent voir la pertinence de ces chroniques, qu’ils puissent voir une façon d’aborder certains enjeux sociaux, de lire les écritures, que les gens puissent voir, qu’on puisse prier pour la réception de ce livre-là.
Prier aussi pour mon ministère pastoral.
Moi, ce que j’ai trouvé, un des défis que j’avais comme pasteur durant la pandémie, c’était d’apporter une parole de circonstance pour le peuple de Dieu, d’apporter une nourriture spirituelle appropriée.
C’est sûr, c’est quelque chose qui est toujours souhaitable, mais dans le contexte dans lequel on vivait, je pense qu’on avait besoin de la direction de l’esprit.
On avait besoin d’être inspiré pour répondre aux interrogations que les gens avaient, pour tenter de les rassurer aussi avec les émotions qu’ils vivaient.
Donc, prier pour mon ministère pastoral, pour le renouvellement de mes forces, pour que l’Esprit-Saint puisse continuer de me guider, qu’il puisse m’aider à comprendre les écritures et apporter une parole de circonstance pour ma communauté.
Puis, parlant de communauté, prier pour notre Église, l’Église chrétienne évangélique de Sainte-Eustache.
Nous allons bientôt fêter nos 50 ans d’existence comme Église.
Je sais que 50 ans, ce n’est pas énorme, ce n’est pas beaucoup dans la vie d’une Église.
Il y a des Églises qui s’élèvent leurs centenaires et même plus.
Mais quand même, pour nous, 50 ans, ça va être une étape importante.
Ça va être une occasion de regarder en arrière, de célébrer ce que Dieu a fait dans notre vie d’Église et en même temps de le projeter vers l’avant, de revisiter, de renouveler notre sens de la mission pour que notre communauté puisse être un reflet, un signe du royaume au sein de notre ville.
Alors, voilà quelques repères.
Merci.
Matt Moury est diplômé de la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-sur-Seine. Il a oeuvré pour une organisation étudiante missionnaire, Friends International, en Angleterre. Missionnaire soutenu par une Église anglicane évangélique, Christ Church Cambridge, il est pasteur de l’Église protestante baptiste d’Argenteuil.
Stéphane Rhéaume est pasteur principal de l’Église chrétienne évangélique de Saint-Eustache (Québec), une assemblée mennonite. Après avoir signé plusieurs ouvrages sur le thème du Royaume de Dieu, il vient de publier « Chroniques d’un pasteur en temps de pandémie«