Le 19 juin, 7 évangéliques faisaient face à 7 catholiques au collège des Bernardins pour un débat théologique, dans un climat de respect et de bienveillance. Sortie le 10 juillet, la vidéo vient déjà de dépasser les 100 000 vues. L’attention donnée à ce débat est tout à fait surprenante. Certains journaux catholiques comme La Vie ont publié des articles, je profite de ce blog pour partager quelques réflexions personnelles à la suite de cet échange auquel j’ai eu le privilège de participer.
La bienveillance au rendez-vous
Les échanges entre catholiques et protestants ont trop souvent été le théâtre de violences. En 1517, Martin Luther martelait 95 thèses sur les portes de l’Église de Wittenberg pour lancer une discussion. En 1521 la Sorbonne le condamnait, et dès 1523 un premier sympathisant des vues de Luther, Jean Vallière, est brûlé à Paris. Pendant les décennies et siècles qui suivent, le « dialogue » tire des couteaux et non des mots. En France, la Réforme Protestante est matée par le pouvoir politico-religieux, noyant la possibilité de débats constructifs.
Après la Seconde Guerre mondiale, on ne comptait que 50 000 évangéliques en France. Une minorité facile à ignorer. Aujourd’hui, la croissance rapide du mouvement suscite de l’intérêt, même si l’exposition médiatique est souvent douloureuse, par ses caricatures, fausses représentations et jugements.
L’histoire de notre minorité persécutée depuis 500 ans rend d’autant plus encourageante cette plateforme offerte par les Bernardins pour un débat dans un cadre de respect et de bienveillance. Les invités devaient se soumettre à deux critères particuliers : avoir moins de 40 ans et ne pas être doctorant. En d’autres termes, les organisateurs voulaient des « gens normaux » et non des spécialistes. Signe d’une relative confiance dans la cohérence du mouvement évangélique.
À la conclusion du débat, le directeur général de l’établissement, Laurent Dandete, m’a fait visiter les magnifiques locaux quasi millénaires, restaurés récemment pour près de 50 millions d’euros. Ses paroles m’ont beaucoup touché : « Merci d’être venus. Nous avons beaucoup à apprendre des évangéliques, en particulier de votre rapport à la Bible. »
Merci Seigneur pour les opportunités de débats constructifs. Nous en avons besoin. Nous en aurons toujours besoin. En ce domaine, je pense notamment, que nous, évangéliques avons des progrès à faire. Même entre nous, nous ne devrions pas craindre de débattre, creuser, chercher la vérité, nous remettre en question, écouter et approfondir nos convictions. Je pense sincèrement qu’un des grands dangers pour la prochaine génération est d’ignorer les sujets qui nous font approfondir nos convictions par souci de vouloir maintenir une « paix » externe basée sur une théologie superficielle, traditionnelle, sentimentale ou pragmatique n’ayant jamais été testée.
Une conversation incomplète
De toute ma vie, je n’avais jamais encore participé à un débat public. Les directives n’étaient pas forcément claires non plus sur les temps de paroles et interruptions possibles. Les 14 débats de 8 minutes ont tous été trop courts. Je suis reconnaissant pour les autres participants évangéliques qui m’ont tous épatés. Je brûlais en moi de trouver des opportunités pour exposer plus clairement l’évangile, mais c’était difficile.
Je trouve néanmoins que ce sentiment de frustration est peut-être le plus grand fruit de ce débat, car il donne envie d’entrer dans des conversations plus posées, profondes, et touchant davantage aux enjeux de la vie de foi au quotidien.
En particulier, je trouve que le débat a remis en évidence des différences notables entre les catholiques et évangéliques qui méritent de vraies discussions. Maxime Georgel, l’un des participants, développe cela remarquablement sur son site parlafoi.fr et sa chaîne Youtube.
La Bible ou la philosophie ?
Pour les auditeurs, le ton a été donné dès les premiers échanges. La grande ironie de ce débat, de mon point de vue, est que lors des lectures de versets bibliques les catholiques défendaient souvent : « ceci n’est pas mon interprétation », mais sans toutefois offrir une explication en développant le texte. Et à la lumière de nombreux versets clairs et directs (refoulés parce que la Bible est soi-disant trop compliquée), les catholiques s’appuyaient sur des concepts philosophiques complexes, nébuleux, et difficilement explicables. Certains passages bibliques peuvent être complexes, mais une grande majorité est limpide !
Que ce soit voulu ou non, l’approche de mise en doute constante de la Parole jette du discrédit sur Dieu lui-même. S’il n’est pas clair quand Il parle, comment lui faire confiance ?
Le danger de la philosophie, c’est aussi qu’elle s’impose pour redéfinir des termes bibliques, qui ont cependant un sens extrêmement profond, développé et riche dans leur contexte biblique. Ainsi, lors des échanges avec les catholiques, nous utilisons les mêmes mots, mais avec des sens souvent bien différents. Ainsi nous pouvons être d’accord dans des définitions, mas en désaccord dans leur sens profond et leur application.
Le sentiment ou la vérité ?
Je trouve extrêmement intéressant d‘observer comment les catholiques peuvent défendre la foi par leurs sentiments plutôt que par la théologie. Pour les grandes questions sur Marie, l’Eucharistie ou les saints, les arguments sont souvent sentimentaux : « Dieu ne peut pas nous traiter comme une mère, Marie peut » ; « L’Eucharistie est une expérience mystique indescriptible » ; « La communion des saints est une connexion mystique avec tous les croyants morts et vivants ». S’il est difficile de remettre en question les sentiments de quelqu’un, il est dangereux de baser une vision du monde et de Dieu sur des ressentis subjectifs.
L’humanisme ou la relation personnelle avec Jésus ?
Les 5 « sola » de la Réforme sont fondés sur un même axiome : la simplicité de Dieu. Il n’est pas un Dieu de confusion (1 Cor 14.33). Nous n’avons pas besoin de multiples chemins vers lui, mais un seul, révélé dans la seule Parole, par Jésus Christ le seul médiateur, par la foi seule, par la grâce seule, pour la gloire seule de Dieu. L’incarnation marque plus que tout le désir de Dieu de se rapprocher de nous dans la simplicité d’une relation personnelle en enlevant un maximum d’obstacles.
Pour de nombreux catholiques, Dieu est quelqu’un de distant. Sa Parole est difficile d’accès. Son salut est incertain. Sa présence est mystique. Ses principes sont subjectifs.
Et parce que Dieu est complexe et distant, on ne sait plus où mettre notre confiance : dans une institution ? dans des leaders ? dans nos bonnes œuvres ? Mais ces options mènent vers la même conclusion : c’est mettre la confiance dans l’homme.
Le Concile de Trente (1545-1563) affirme que nul ne peut avoir l’assurance du salut (canons 12-16). C’est une interdiction formelle de confiance en Dieu et ses promesses, de l’expression la plus sincère de la foi.
C’était ma grande peine, il y a quelques mois, lors de ma première visite de Rome. Tant d’Églises où les hommes sculptés sont si grands et forts, et le Christ de son côté, sur la croix, ou bébé, semble faible, efféminé et défait.
Je suis convaincu que j’ai beaucoup à apprendre de mes amis catholiques, et je suis heureux de pouvoir régulièrement échanger de manière personnelle avec plusieurs prêtres qui sont des amis. Mais mon désir le plus sincère est qu’ils trouvent la simplicité de Christ et de l’Évangile, non pas en faisant confiance dans des hommes, des œuvres humanitaires ou une institution menée par des hommes, mais dans une relation personnelle en Jésus-Christ et une confiance absolue dans l’efficacité de son sacrifice et de ses promesses.