David était sérieusement désemparé. Les circonstances exactes nous sont peut-être obscures à nous qui cherchons trois millénaires plus tard à comprendre les détails. Il est cependant clair que David se trouvait dans une ville assiégée (Psaumes 31.22) et se sentait pris au piège. Il était tellement menacé qu’il avait pratiquement abandonné tout espoir. C’est au moment où il se sentait abandonné de Dieu lui-même qu’il prononça cette parole : « Je disais dans ma précipitation : Je suis chassé loin de tes yeux ! » (v. 23).
C’est le pire désespoir qu’il est permis de connaître, avoir le sentiment que Dieu nous a abandonnés. C’était ce qui tourmentait Job en partie. Il se sentait en mesure de présenter sa défense ; encore aurait-il fallu que Dieu soit disposé à l’écouter assez longtemps pour discuter avec lui. Mais le ciel était silencieux et ce silence amplifiait le désespoir de Job.
Nous avons déjà médité le fait que la crainte d’être abandonné par Dieu avait incité Jacob à lutter avec un inconnu pendant la nuit (Genèse 32.23-33) ; cette même crainte avait poussé Moïse à supplier Dieu de renoncer à sa menace de rester hors du camp des Israélites rebelles (Exode 32 – 34). Dans un univers théiste, il n’y a rien de pire que d’être réellement abandonné de Dieu. Le tourment le plus horrible de l’enfer est justement que les hommes et les femmes sont vraiment abandonnés de Dieu. « Abandonnez tout espoir, vous tous qui y entrez ! » (L’enfer de Dante).
La triste réalité est que nous qui portons l’image de Dieu oscillons entre la crainte d’être abandonnés de Dieu et le désir d’échapper à sa présence ! David, l’auteur de ce psaume, n’était pas très désireux de jouir de la e présence de Dieu lorsqu’il convoitait Bath-Chéba et manigançait le meurtre de son mari. Très souvent, nous aimerions que Dieu regarde ailleurs quand nous avons envie de lui faire un pied de nez et suivre nos propres voies, et ensuite nous aimerions qu’il nous accorde sa présence et sa gloire, qu’il nous sorte du pétrin dans lequel nous nous sommes mis.
Quel bonheur inestimable que Dieu soit meilleur que ce que nous imaginons et craignons parfois. Il ne nous doit aucune aide, aucun soulagement, aucun secours. Même notre cri alarmé : « Je suis chassé loin de tes yeux ! » traduit peut-être davantage notre incrédulité désespérée qu’un sincère appel au secours. Mais l’expérience de David peut être un encouragement pour nous. En effet, il ajoute les deux versets suivants :
Aimez l’Éternel, vous tous ses fidèles !
L’Éternel garde les croyants,
Et il punit sévèrement celui qui agit avec orgueil. Fortifiez-vous et que votre cœur s’affermisse, Vous tous qui vous attendez à l’Éternel ! (v. 24-25)