Le Pentateuque comporte souvent des chapitres qui traitent de lois et de prescriptions diverses. C’est le cas de Deutéronome 23. Il est hors de propos dans le cadre de ces brèves méditations de réfléchir à chaque sujet qui fait l’objet d’une loi, ou de trouver un principe directeur pour certaines de ces listes. Certaines lois se fondent visiblement sur les expériences historiques des Israélites (p. ex. v. 2-9). D’autres s’articulent autour des lois relatives à la pureté (p. ex. v. 10-15). D’autres encore concernent la nécessité absolue de maintenir le peuple de l’alliance séparé des pratiques abominables de l’ancien paganisme cananéen (v. 18-19), traitent des mesures de justice sociale (v. 16-17), de certaines dispositions fiscales pour améliorer l’identité et le bien-être de la communauté de l’alliance (v. 20-21), du respect de la parole donnée, notamment à propos des vœux offerts au Dieu vivant (v. 22-24). Aujourd’hui, j’aimerais m’arrêter un peu sur le passage de 23.25-26 : « Si tu entres dans la vigne de ton prochain, tu pourras à ton gré manger des raisins et t’en rassasier ; mais tu n’en mettras pas dans ton récipient. Si tu entres dans les blés de ton prochain, tu pourras cueillir des épis avec la main, mais tu ne manieras pas la faucille sur les blés de ton prochain ».
Ces préceptes simples sont empreints d’une grande sagesse. Si on s’en tient à l’idée que tout appartient à la communauté, une sorte de vision communiste des choses, on aurait pu permettre à chacun de prendre ce qu’il veut, quand il veut et autant qu’il veut; mais on aurait aussi pu, selon le même principe que la communauté (ou l’État) est propriétaire de tout, dire que personne n’est autorisé à prendre quoi que ce soit sans une permission expresse des responsables de la communauté. Dans une optique capitaliste (plus exactement le principe qui insiste sur la propriété privée), quiconque aurait pris une grappe de raisin aurait pu être considéré comme un voleur, quiconque aurait arraché quelques épis pour les froisser entre les paumes de ses mains, traité comme passible d’une sanction. En permettant à chacun de manger ce qu’il trouvait en traversant le champ d’un voisin, cette loi favorisait une sorte d’interdépendance à l’échelle du peuple dans son ensemble ; elle indiquait que le pays était vraiment échu en héritage à tous les Israélites. C’était une façon de lutter contre les murs et les clôtures que des propriétaires quelque peu jaloux de leurs biens auraient été tentés de dresser. De plus, l’individu vraiment pauvre trouvait toujours de quoi se nourrir. Si tous les propriétaires avaient obéi à cette loi, aucun n’aurait souffert de son application. Quant à l’autre principe qui interdisait d’emporter quoi que ce soit, il décourageait le vol et l’oisiveté, sauvegardait la propriété privée et stimulait l’industrie de transformation et le travail associé à ces produits.
De nombreux préceptes de la loi mosaïque, bien compris et bien appliqués, témoignent d’un sage équilibre voulu par Dieu entre les intérêts complémentaires.