Les vraies priorités

Notre monde se trompe tragiquement dans ses priorités. En pratique et dans l’ensemble, l’homme et les réalités matérielles ont ravi à Dieu la première place. L’homme vit pour lui-même. Son développement, sa sécurité, sa santé, son éducation, son rendement, ses exploits, ses plaisirs, l’élévation constante de son niveau de vie, voilà ce qui compte le plus. Le chrétien se laisse facilement entraîner par ce courant puissant. Sa vision de l’essentiel s’estompe. Il tend à oublier sa vocation céleste. La vraie perspective se déforme.

Pour nous ramener sans cesse aux vraies priorités, Dieu nous éclaire par sa Parole, et nous parle par des épreuves. Il faut s’attacher à la Source de tous les biens plutôt qu’à ces biens eux-mêmes, et dépendre directement du souverain Donateur plutôt que de nous appuyer sur ses dons. Notre Père céleste s’emploie miséricordieusement à graver de telles leçons dans nos vies. Il brise peut-être nos plans, ébranle notre confortable stabilité, touche à notre santé ou à nos biens, et nous force à répondre de nouveau à cette question : qu’y a- t-il de plus important dans la vie ? La réussite, la santé, l’aisance, l’éducation, le mariage, la famille ? Non, bien sûr ! Alors… ?

Dieu au centre. Lui en premier, au milieu, et en dernier. Sa vision, et non celle de l’homme. Ceci dans les deux sens : vision de la grandeur souveraine de Dieu, de sa sainteté et de son amour infini, et vision du monde tel que Dieu le voit lui-même selon sa révélation.

Rechercher premièrement la gloire de Dieu, son règne, sa justice, l’accomplissement de sa volonté, et tout le reste nous sera donné par surcroît.

Connaître son amour incommensurable en Jésus-Christ, en vivre et l’aimer à notre tour de tout notre cœur, de toute notre âme et de toute notre pensée. Demeurer dans son amour, en aimant notre prochain comme nous-mêmes. L’amour est bien le don le meilleur, la voie par excellence, qui ne périt jamais (1 Cor. 13). Poursuivre ce don d’amour, de même que la paix, la sainteté, avec tous les fruits de l’Esprit.

Rester conscient que les réalités spirituelles, invisibles et éternelles pèsent plus et combien que les contingences matérielles immédiates. « Ce qu’on voit n’a pas été fait de choses visibles » (Héb. 11 :3b) et ne s’explique pas par soi-même. Vivre « comme voyant Celui qui est invisible » (Héb. 11 : 27b), dans cette foi qui est une certitude des choses qu’on ne voit pas. Persévérer dans une telle foi. Aimer la cité céleste plus que la cité terrestre, tout en gardant bien les deux pieds sur la terre. Craindre Dieu, et non les hommes ou les circonstances.

Prendre du temps pour écouter la Parole du Christ, cultiver la communion avec lui, et prier. C’est absolument nécessaire (cf. Luc 10 :42). Toutes les tâches courantes de la vie, qui paraissent si importantes, ne sont que d’une nécessité relative par rapport à cette nécessité-là.

Ce que nous sommes est plus important que ce que nous accomplissons. La qualité plutôt que la quantité. Qualité de vie surtout, qualité du travail aussi : donner notre pleine mesure à l’intérieur du temps, des dons et des tâches reçues, ni plus, ni moins. Ne pas nous jeter dans n’importe quelle activité souhaitable, mais discerner la volonté du Seigneur, et entrer dans les « œuvres bonnes, qu’il a préparées d’avance afin que nous les pratiquions » (Eph. 2 :10). Savoir laisser tomber ce qu’il faut. Ce n’est pas en nous évertuant à dépasser nos dons, à travailler à 110% de nos forces que nous serons en bénédiction. Nous nous tuerons simplement plus vite. Loin de nous donc cette anxiété à propos de tout ce que nous n’arrivons pas à faire, cette tendance à nous mettre frénétiquement à l’ouvrage, ce désir d’être partout à la fois, comme si c’était la bénédiction dont le monde avait besoin ! Non, il suffit d’accomplir dans le repos intérieur, humblement et joyeusement, ce que Dieu veut de nous maintenant.

Abonder en louanges, justement et surtout quand ça va mal, voilà qui a plus de prix que les tâches extérieures d’une vocation. L’essentiel, ce n’est pas que nous allions bien, que nous nous sentions en forme, que nous remportions des succès ou que nous produisions beaucoup. C’est que Dieu soit honoré et béni dans la santé ou dans la maladie, dans la force ou la faiblesse, le succès ou les échecs, l’abondance ou la pauvreté, la tranquillité ou les épreuves, la vie et la mort.

Prendre du temps pour cultiver une communion fraternelle qui soit vraiment un partage. Rester disponible, et souple.

Aimer Christ plus que femme, enfants et possessions ; mais, à cause de Christ, ne pas négliger la famille, et en prendre un soin tout particulier.

Distinguer non seulement entre ce qui est bon et ce qui est mauvais, mais aussi entre ce qui est bon et ce qui est excellent, entre ce qui est permis et le meilleur. La dernière nouveauté n’est pas forcément le meilleur ! Se souvenir que la Croix précède la gloire, que la grâce précède les œuvres, et le pardon la paix. Vivre dans le « tout est accompli », à partir de la Croix, de la résurrection et de la plénitude de Christ. A partir de l’essentiel, centré sur l’essentiel, dans la perspective de l’essentiel.

Car c’est Lui l’essentiel. Il est « en tout le premier » (Col. 1 :18b). C’est Lui le meilleur, et la vraie priorité.

Note de l'éditeur : 

Ichthus N°21 – Mars 1972 -Pages 8 à 9

Les vraies priorités

Par Luc de Benoit