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Définition

Le don de prophétie est un acte miraculeux de communication intelligible, qui prend racine dans une révélation divine spontanée et qui est communiqué par le Saint-Esprit ; il se traduit par des paroles qui peuvent être attribuées à chacune tout comme à toutes les Personnes de l’Être divin. De ce fait, ces paroles peuvent être reçues par ceux qui les entendent ou les lisent comme étant vraies et comme ayant pleine autorité pour nous contraindre à l’obéissance. Les Évangéliques sont en désaccord sur la question de savoir si ce don est limité à la période de fondation de l’Église chrétienne ou s’il opère encore en elle aujourd’hui.

Résumé

Le don de prophétie reste un sujet de controverse au sein des Églises évangéliques, tant en ce qui concerne sa nature que la durée de son exercice. L’Ancien Testament considère la prophétie comme un acte de communication intelligible qui porte la marque de l’autorité divine, bien qu’il admette aussi la possibilité de faux prophètes. Le Nouveau Testament présente une continuité remarquable avec l’Ancien Testament en ce qui concerne la prophétie, et les auteurs du Nouveau Testament considèrent les messages des prophètes comme les paroles mêmes de Dieu. En tant que tel, le Nouveau Testament semble supposer que les prophéties authentiques justifient toujours une confiance et une obéissance totales. Cependant, le Nouveau Testament s’attend clairement à ce que le don de prophétie disparaisse à un moment donné. D’un côté, les continuationnistes croient que le don continuera à fonctionner jusqu’à la seconde venue du Christ. De l’autre, les cessationnistes croient que ce don était lié à l’autorité des dirigeants fondateurs de l’Église primitive et qu’il a donc cessé d’opérer dans l’Église d’aujourd’hui.

Tant la nature que la durée de la prophétie restent des sujets de controverse parmi les évangéliques. Il n’y a pas de consensus en ce qui concerne (1) ce que faisaient les prophètes quand ils prophétisaient et (2) la question de savoir si le don de prophétie suit l’histoire de l’Église ou non. Il est peu probable que ce débat puisse être résolu à court terme ; c’est pourquoi cet essai vise à explorer brièvement la nature et la durée de la prophétie dans une perspective cessationniste.

Les universitaires continuent à débattre de la nature de la prophétie. Certains la décrivent comme le don de l’interprétation inspirée de l’Écriture ; tandis que d’autres affirment qu’il fait référence à l’action de la prédication. Aujourd’hui, une position répandue définit la prophétie comme l’acte de déclarer avec des paroles humaines faillibles ce que Dieu a mis dans la pensée de celui qui l’exerce. Bien que chacune de ces propositions ait été habilement défendue, aucune ne résume véritablement l’enseignement biblique concernant l’essence de l’activité prophétique.

Dans l’Ancien Testament

Dans l’Ancien Testament, un prophète était un homme ou une femme appelé par Dieu pour transmettre ses paroles à son peuple. Le peuple d’Israël ne supportait pas d’entendre directement la voix du Seigneur (Exode 20:18-19). Dieu a donc établi la fonction prophétique comme une réponse à la demande du peuple que la parole divine lui parvienne par une médiation humaine (Deut. 18:16-18). Ainsi, alors que les prophètes de l’Ancien Testament avaient des fonctions secondaires (comme l’intercession ; cf. Gn. 20,7 ; Ex. 32,30-31 ; Nb. 14,17-19 ; 1 Sam. 12:23 ; 1 Rois 13:6 ; Jér. 27:18, 37:3), leur rôle principal était d’agir comme porte-parole du Seigneur. Ce rôle est bien illustré par la tâche confiée à Aaron dans Exode 7. Là, Dieu a désigné Aaron comme prophète de Moïse ; à ce titre, Aaron devait communiquer à Pharaon ce que Moïse lui avait transmis. Tout comme Aaron a été appelé à transmettre les paroles de Moïse à Pharaon, les prophètes ont été appelés par Dieu à ne transmettre que Sa parole à Son peuple (Deut. 18:18-20).

Compte tenu de cette description, il n’est pas surprenant que l’Ancien Testament dépeigne la prophétie comme un acte de communication intelligible. Ainsi, par exemple, quand les prophètes recevaient de Dieu l’ordre de prophétiser, il leur était dit de proclamer les mots que le Seigneur leur avait donnés (cf. Jér. 19:14–15, 25:30ss, 26:12 ; Ézéchiel 3:17, 6:2ss, 11:4-12, 13:2ss, 20:46-48 ; 21:2ss ; Amos 7:14-17). En outre, lorsqu’ils recevaient leur mission prophétique, les prophètes avaient ordre de prendre les mots de Dieu et de les annoncer à son peuple (cf. Ésaïe 6:8-9 ; Jérémie 1:4-8 ; Ézéchiel 2:8-3:4). En outre, ceux qui s’opposaient aux prophètes le faisaient parce qu’ils entendaient les paroles de leurs prophéties (Jér. 20:1-2, 26:7-11, 26:20-23 ; Amos 7:10). En fait, même l’activité « prophétique » des faux prophètes impliquait une communication verbale (Deut. 13:2, 18:20-22 ; 1 Rois 22:10-12 ; Jér. 23:16). Si les prophètes ont parfois eu recours à des signes (cf. Ésaïe 20:1-3 ; Ézéchiel 4:1-13, 5:1-6, 24:15-24 ; Osée 1:2), même ceux-ci étaient accompagnés de paroles divines pour en révéler le sens. Par conséquent, il semble préférable de comprendre la prophétie de l’Ancien Testament comme se référant à la communication des mots de Dieu sous forme orale ou écrite.

En plus d’être des actes de communication verbale, les prophéties authentiques dans l’Ancien Testament portaient toujours en elles l’autorité divine. Ceux qui prophétisaient le faisaient par la puissance de l’Esprit de Dieu (Nom. 11:24-29 ; Joël 2:28 ; cf. 2 Pi. 1:20-21) et énonçaient les mots mêmes que Dieu avait placés dans leur bouche (Deut. 18:18 ; 1 Rois 22:14 ; Jér. 1:7-10 ; Ezek. 3:4, 3:10-11, 3:17). Par conséquent, les véritables prophéties n’étaient pas de simples paroles humaines mais étaient les paroles mêmes de Dieu. C’est pourquoi les prophètes introduisaient fréquemment leurs discours (ou leurs livres) par des déclarations telles que « ainsi parle le Seigneur », « oracle du Seigneur » ou « écoutez la parole du Seigneur ». De plus, parce que la véritable prophétie dans l’Ancien Testament se référait à la communication des paroles de Dieu par l’Esprit, ceux à qui s’adressaient les prophètes de Dieu devaient recevoir leurs messages avec révérence et confiance (Deut. 18:15). Le refus d’écouter les paroles des prophètes équivalait à mépriser la propre parole de Dieu ; par conséquent, ceux qui n’écoutaient pas les prophètes de YHWH étaient soumis au jugement divin (Deut. 18:19 ; cf. 1 Rois 13:4, 20:35-36 ; 2 Rois 17:13ff ; Ésa. 30:8-14 ; Jér. 29:17-19, 35:15-17, 36:27-31 ; 43:9-22, 44:4-6 ; Zach. 1:4).

Il faut cependant noter que tous les spécialistes ne conçoivent pas la prophétie de l’Ancien Testament comme faisant totalement autorité. Au contraire, certains croient que la prophétie dans l’Ancien Testament était un phénomène mixte ; en tant que telle, même une prophétie authentique pouvait contenir des erreurs et ne justifiait pas toujours une obéissance absolue. Certains font appel à Nombres 12:6-8, affirmant que le texte fait la distinction entre la prophétie infaillible et la prophétie faillible. D’autres affirment que la « troupe de prophètes » dans 1 Samuel 10:5-10 et 19:20 doit être comprise comme des membres de la classe des prophètes faillibles. D’autres encore soutiennent que les prophètes dont les paroles ne sont jamais consignées dans les Écritures devraient être considérés avec moins de déférence. Cependant, après analyse, on constate que les fondements exégétiques de cette perspective sont fragiles. En ce qui concerne Nombres 12, il n’est pas du tout évident que le passage vise deux types de prophéties ; au contraire, le texte met simplement Moïse à part de tous les autres prophètes. En outre, puisque Dieu s’est révélé aux prophètes canoniques par des visions, on ne peut pas lire Nombres 12.6 comme une référence à des prophéties faillibles sans mettre aussi en doute leur autorité (cf. És 1,1 ; 2,1 ; 6,1-7 ; Jér 1,11-14 ; Ez 1,1 ; 8,3 ; 40,2 ; Amos 1,1-2 ; 7,1-9 ; 8,1-3 ; 9,1ss ; Abd. 1:1 ; Mic. 1:1 ; Hab. 1:1 ; Zach. 1:7-11, 2:1-5, 3:1ss, 4:1ss, 5:1ss, 6:1ss). De même, des textes comme 1 Samuel 10 et 19 n’abordent tout simplement pas la question de l’autorité prophétique. En fait, les passages qui font référence à ces groupes prophétiques en disent très peu sur eux ; il faut donc recourir à l’argument du silence si l’on veut considérer ces textes comme une preuve de la faillibilité de la prophétie. Enfin, ceux qui défendent une prophétie de moindre autorité sur la base de l’exclusion du canon confondent à tort autorité et canonicité. Bien que ces deux concepts soient liés, ils ne sont pas identiques : des paroles prophétiques qui n’ont pas été conservées pour la postérité peuvent très bien faire pleinement autorité pour leurs destinataires originaux.

Alors que l’Ancien Testament respecte hautement l’autorité des vrais prophètes, il reconnaît aussi l’existence de faux prophètes. Fondamentalement, un faux prophète était quelqu’un qui proclamait l’appui divin à ses paroles alors que ni lui ni ses mots n’avaient reçu un mandat de YHWH (Deut. 18:20 ; Jér. 14:14, 23:21-22, 28:15, 29:8-9). Selon l’Ancien Testament, Dieu Lui-Même permettait la présence de faux prophètes soit pour mettre à l’épreuve la fidélité de Son peuple (Deut. 13:1-3) soit pour amener un jugement sur lui (1 Rois 22:19-23 ; Ez. 14:9). L’Écriture déclare que de tels faux prophètes parlent à partir de leur propre imagination plutôt que sous l’inspiration divine (Jér. 23:16 ; Ez. 13:2-3). En même temps, certains passages nous révèlent aussi que des esprits mauvais peuvent être à l’origine de fausses prophéties (1 Rois 22:19-23). Dans le livre du Deutéronome déjà, Dieu avait montré à Israël comment on pouvait reconnaître des faux prophètes et comment il fallait les traiter. Par exemple, Israël devait rejeter tout pseudo-prophète qui appellerait le peuple à suivre d’autres dieux ; plus encore, un tel homme ou une telle femme devait être exécuté pour avoir incité le peuple à la rébellion contre le Seigneur (Deut. 13:1-3). De plus, Israël était en mesure de faire la distinction entre les vrais et les faux prophètes en vérifiant si leurs prédictions se réalisaient ou non (Deut. 18:22 ; cf. 1 Rois 22:28 ; Jér. 28:9). Les prophètes qui se révélaient être des usurpateurs du fait de leurs fausses prédictions devaient être aussi condamnés à mort parce qu’ils avaient parlé avec arrogance au nom du Seigneur (Deut. 18:20 ; Jér. 28:15-17).

Dans le Nouveau Testament

Une étude des données du Nouveau Testament sur la prophétie nous révèle une continuité significative du tableau qui a été dépeint par l’Ancien Testament. Tout d’abord, le Nouveau Testament traite aussi la prophétie comme un acte de communication intelligible. Par exemple, les Évangiles synoptiques se réfèrent aux paroles d’Ésaïe comme un exemple de prophétie (Matt. 13:14, 15:7 ; Marc 7:6). La parole de Zacharie est appelée une prophétie dans le livre de Luc (1:67–79). Même s’il y ajoute un acte symbolique, Agabus utilise des mots quand il communique sa prophétie à Paul (Actes 21:11). Paul décrit explicitement la prophétie comme un acte de communication quand il déclare : « Celui qui prophétise parle aux hommes » (1 Cor. 14:3). Et, chose importante, le livre entier de l’Apocalypse se présente comme une prophétie (Ap. 1:3, 22:18-19).

Comme le fait l’Ancien Testament, le Nouveau aussi présente la prophétie comme étant divinement inspirée. Les Évangiles synoptiques, de même que le livre des Actes, associent les prophètes aux activités miraculeuses (Matt. 7:22 ; Marc 6:14-15 ; Luc 7:12-16, 24:19) ; de plus, Luc décrit la prophétie elle-même comme étant produite par la puissance du Saint-Esprit (Luc 1:67 ; Actes 2:16-17, 19:6). En fait, il en arrive à proclamer que les prophètes disaient les mots même du Saint-Esprit quand ils prophétisaient (Actes 13:1-2, 21:11). Paul partage des convictions semblables quand il lie la prophétie à la révélation divine (1 Cor. 13:2, 14:29-30) et considère la prophétie comme une manifestation de la puissance du Saint-Esprit (1 Cor. 12:7-11 ; cf. 14:1; 1 Th. 4:19–20). Et bien que Pierre n’aborde pas le sujet en détail, il affirme que le Saint-Esprit lui-même a inspiré et supervisé les paroles mêmes des prophètes (1 Pi. 1:10-11 ; 2 Pi. 1:20-21). Enfin, Jean fait également des remarques similaires concernant la prophétie lorsqu’il décrit la nature prophétique du livre de l’Apocalypse. Il note que le message du livre lui est venu par révélation divine alors qu’il était « en Esprit » (Ap 1:1 ; 1:10). Mais Jean insiste sur la qualité trinitaire de la prophétie plus que ses contemporains apostoliques. Ainsi, le livre de l’Apocalypse est à la fois son message (1:4), « la parole de Dieu » (1:2), « le témoignage de Jésus-Christ » (1:2 ; cf. 19:10) et « ce que l’Esprit Saint dit aux Églises » (2:11, et ailleurs).

Conclusion

Ce court survol démontre que le Nouveau Testament comme l’Ancien considèrent la vraie prophétie comme venant de Dieu. De plus le Nouveau Testament aussi considère les messages des prophètes comme les mots même de Dieu. En tant que tel, le Nouveau Testament semble supposer que les prophéties authentiques ont toujours justifié une confiance et une obéissance totales. Bien que certains contestent ce point, le matériel biblique fournit des preuves solides dans ce sens. Premièrement, le livre de l’Apocalypse lui-même témoigne de la nature des prophéties du Nouveau Testament comme faisant autorité. Deuxièmement, puisque Joël avait probablement à l’esprit une prophétie infaillible, l’affirmation apostolique selon laquelle la promesse de Joël 2:28-29 a été accomplie implique avec force que les prophètes du Nouveau Testament ont exercé leur ministère avec une pleine autorité divine. Troisièmement, les autres exemples explicites de prophétie dans le Nouveau Testament se caractérisent également par le fait de faire pleinement autorité et d’être dignes de confiance (cf. Actes 11:28, 13:1-2, Actes 21:11). Enfin, ce tableau de la prophétie du Nouveau Testament est induit par le fait que les prophètes du Nouveau Testament ont vécu aux côtés des apôtres comme étant le fondement de l’Église (cf. Éph. 2:20).

Nous sommes maintenant en mesure de répondre à la question : « Quel type d’activité était la prophétie ? » Une vue d’ensemble des données bibliques conduit à la définition suivante : la prophétie peut être définie comme (1) un acte miraculeux de communication intelligible, (2) enraciné dans la révélation divine spontanée et (3) suscité par la puissance du Saint-Esprit, qui (4) aboutit à des paroles qui peuvent être attribuées à une ou à toutes les personnes de la Trinité, et qui par conséquent, (5) doivent être reçues par ceux qui les entendent ou les lisent comme absolument obligatoires et vraies. Cela nous amène à la deuxième question : « Devons-nous nous attendre à ce que le don de prophétie continue à opérer dans nos Églises aujourd’hui ? »

Il est clair que le Nouveau Testament définit le don de prophétie comme un don appelé à cesser d’exister. Cependant les chrétiens sont en désaccord sur la question du « quand ». Pour les continuationnistes le don de prophétie va perdurer dans l’Église jusqu’à ce que Christ revienne. La plupart de ceux qui adoptent cette position le font sur la base de 1 Corinthiens 13:8-13, où Paul déclare que « quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel disparaîtra » (LSG). Les continuationnistes comprennent « ce qui est parfait » comme faisant référence à la seconde venue de Christ ; et ils en concluent que ce n’est que quand Christ reviendra que la prophétie (qui fait partie de « ce qui est partiel ») cessera. Bien que ce soit certainement une lecture possible, pour les cessationnistes, il n’est pas garanti que le passage traite spécifiquement de la durée de la prophétie. En réalité ce texte ne signifie pas que tout ce qui est « partiel » disparaîtra d’un seul coup. Cela veut dire que 1 Corinthiens 13 laisse la possibilité que certains de ces dons « partiels » expirent avant les autres. Ces versets, donc, n’enseignent pas nécessairement que le don de prophétie lui-même cessera lors du retour de Christ. De plus, selon les cessationnistes, Éphésiens 2:19-20 est plus approprié pour le débat sur cette question que 1 Corinthiens 13. Dans le premier passage, Paul affirme que les prophètes et les apôtres ont joué un rôle fondamental dans l’établissement de l’Église de Dieu. Puisque l’Église a déjà été établie et que la fonction apostolique a été supprimée, pour les cessationnistes, le don de prophétie n’est plus opérationnel dans la vie de l’Église.

L’enjeu de la prophétie est complexe, et les chrétiens qui croient en la Bible peuvent (et c’est bien le cas) être en désaccord en ce qui concerne la nature et la durée de la prophétie. Alors que je crois que la position cessationniste semble plus correcte, les Évangéliques devraient se garder de faire de cette affaire un sujet de division au sein des Églises. Pour celles et ceux qui souhaitent explorer cette question plus profondément, la liste des ressources donnée ci-dessous est un bon point de départ.

Lectures complémentaires

La nature de la prophétie

La durée d’exercice de la prophétie

La prophétie à la lumière de sources extra-bibliques